Les jours passent, toujours cette routine, les hommes s’enchaînent dans la cellule comme des poussières qui reviennent, ma mère fait comme si tout allait, mais je sais qu’elle souffre. Doucement, je grandis au fils des années qui s’écoulent, mais ces bruits me hantent chaque nuit. Vous savez sûrement lesquelles et je ne vais pas les décrire.

Certains sont un peu plus doux avec ma mère, mais d’autres violents, et les traces s’accumulent sur son corps. On a droit a une portion de soupe et un morceau de pain sec chaque jour, pour plus il faut accomplir un travail conséquent, mais avec mon petit corps chétif ce n’est pas évident. Il y a d’autres enfants, mais on n’a jamais le temps de discuter, car les gardiens nous surveillent.

En hiver pas de couverture, et c’est pas le vieux sac de patate qui me couvre qui me tiens chaud. Mais ma mère est gentille et m’aime ce qui m’empêche de craquer. Vous penser que vous avez des vies difficiles, ben la mienne est pas rose. Je regrette parfois d’avoir été réincarnée, et pourtant ça ne fait que sept ans. J’ai vu certaine fille un peu plus âgées être emmené, mais elle était plus jolie.

Une fois j’ai vu mon reflet dans un bout de miroir brisé, ce n’était pas le visage d’une enfant, mais de quelqu’un détruit. J’ai aussi entendu des histoires de personnes réincarnés qui sont les héros de ce monde, mais c’est pas mon cas. Remarque, j’ai peut-être un pouvoir caché, comme celui d’être faible, chétive, inutile.

« Désolée, je m’apitoie, alors que pour toi non plus ça doit pas être facile monsieur le rat. » Ah, ben il est parti, dommage, il est distrayant.

« La soupe ! »

Eh voilà le garde, comme chaque soir, heure fixe, pain rassie, soupe froide. Dire qu’ils ont vendu maman la semaine dernière et maintenant je suis toute seule, j’ai faim, soif, et froid, le combo gagnant ! Ce bouton aussi m’inquiète, je pense que j’ai chopé une maladie. Et ma jambe me fait super mal, mais mes pensées sont claires, c’est peut-être ça mon pouvoir.

Tiens la grille grince, ils emmènent quelqu’un ? Des pas, ils s’approchent. Eh, c’est ma cellule qu’on ouvre… Beurk, encore ce gros lard… mais c’est qui la gamine enchaîner, elle fait gosse de riche. Ah !

J’ai réagi au quart de tour, pourquoi il l’a poussé comme ça ? Heureusement, que je l’ai rattrapé. Et voilà, il se tire sans explication, super !

« Ça va ? Rien de cassé, moi c’est Keira, mais tu peux m’appeler Kei. »

Super, elle me dévisage… Elle a quoi dix ans, en tout cas elle est jolie elle au moins, et bien grassouillette. Enfin, pas grosse quoi, mais je veux dire, on sent pas ses côtes comme moi.

« Tu sais parler ? »

Alors sois elle parle pas, soit elle connaît pas ma langue, soit elle est timide, soit… Ah, j’en ai marre de me triturer le cerveau ! Bon, dodo, on verra demain. Je m’allonge sur la paille pour dormir, et vu ma fatigue cela ne tarde pas. Je sais vraiment pas comment je vais gérer ça.

Elle s’est endormie… Keira, j’aime bien son prénom, une réincarnée, humaine, hi, hi…