Chapitre 28 Ludovic

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Dès qu’Evie passe à ma portée, je me glisse dans son dos et la ceinture sans avertissement, puis la bâillonne de ma main libre. Je sens son corps se raidir d’angoisse, mais elle ne crie pas. Deuxième leçon, que j’abrège très vite en dévoilant mon identité. Il ne s’agit pas de lui occasionner un arrêt cardiaque non plus. Je fulmine, mais ne veux pas prolonger le stress aigu que je viens de lui imposer. Ses muscles se détendent dès qu’elle me reconnaît. Elle n’a pas peur de moi, le guerrier solitaire, elle a tort.

Je lui fais signe de se taire, car les sons portent loin en montagne. Je la tire sans ménagement vers l’entrée et la plante sans un mot, le temps de faire le tour pour lui ouvrir de l’intérieur. Elle se laisse entraîner sans faire d’histoire. Dès que j’ai refermé la barre de force derrière la porte, je la questionne d’un ton rogue :

— Qu’est-ce que tu fiches ici ?

Sa voix est calme et posée lorsqu’elle me répond.

— Tu m’avais dit que tu passerais me chercher. Comme tu ne l’as pas fait, je viens voir pourquoi.

— Tu aurais pu téléphoner d’abord. Cela se fait entre personnes civilisées, non ?

Evie ne commente pas, mais me regarde droit dans les yeux comme pour deviner si elle aurait réussi à me joindre si elle avait appelé. J’essaie autre chose.

— Tu n’as pas songé que si je ne te contactais pas c’est que je n’en avais pas envie ?

Evie pâlit un peu, et je m’en veux aussitôt, cependant son aplomb naturel revient très vite.

— Si j’ai pensé cela, me rétorque-t-elle tranquillement. Mais j’ai aussi imaginé plein d’autres choses. Qu’une mission te retenait ailleurs, peut-être. Ou alors que tu dormais, car tu es épuisé. Ou encore que tu as peur de moi. Je suis venu afin de vérifier par moi-même.

C’est à mon tour de blêmir légèrement. Cette femme lit dans ma tête, c’est insupportable. Je dois l’éloigner de moi au plus vite, elle me déstabilise. Je ne dois surtout pas perdre de vue que mon métier est ma vie, et que je n’ai aucun moment à consacrer à une histoire amoureuse. Il faut que je le lui fasse comprendre, il est temps d’avoir une conversation sérieuse pour mettre les choses au point entre nous.

Je l’invite à quitter son manteau et à s’asseoir dans le fauteuil. Je ne sais pas si c’est le meilleur endroit pour cette conversation, car la fourrure d’ours à nos pieds me rappelle cruellement sa proximité d’il y a quatre nuits auparavant. Mais, comme la table est encombrée de pièces électroniques, il n’y a pas d’autre choix que ces fauteuils ou le lit d’une place. La cabane est loin d’être un palace. Je mets de l’eau à bouillir afin de préparer une tisane.

Evie sourit en me regardant faire ces gestes simples, incongrus chez un militaire, je suppose. Ce petit délai de temps me permet de me ressaisir.

— Qu’attends-tu de moi au juste, Evie ? je questionne en lui tendant une tasse fumante.

— Ce soir ou à plus long terme ? me répond-elle du tac au tac.

— Les deux, je marmonne, vaguement furieux.

Son impertinence me donne de nouveau envie de l’embrasser, pour étouffer sa rébellion permanente envers mon autorité.

Elle soupire. Étaler ce qu’on pense devant un quasi-inconnu est difficile, mais nous n’en sommes plus tout à fait là dans notre relation. Nous avons déjà partagé des moments plus qu’intimes et j’anticipe sa réaction en étudiant attentivement son expression. Elle fronce légèrement les sourcils, prends une inspiration et se lance.

— Ce soir, j’attends une conversation sensée, et plus si affinité, lâche-t-elle dans un souffle, que je voudrais aspirer.

— Et à plus long terme, je demande sèchement, car mon instinct me hurle de la repousser de toutes mes forces.

Cette femme ne peut être qu’une source d’ennui et de complication dans ma vie. Tout attachement induirait que je me préoccupe d’elle, ce qui me détournerait de mon devoir.

— Je n’attends rien de toi, Ludovic, m’assène-t-elle avec sa force de caractère coutumière. Je ne suis pas prête à m’engager dans une relation sérieuse, qui dicterait mes choix professionnels et personnels. Ma liberté passe avant tout. Je ne peux pas nier l’attraction physique que tu exerces sur moi, mais n’imagine surtout pas que je suis une femme que l’on enchaîne.

— Alors qu’est-ce que tu désires, exactement ?

— Je te veux toi, me dit-elle en me regardant droit dans les yeux.

Je réagis immédiatement, sans réfléchir. Elle vient de me donner son consentement, même si elle ne sait pas à quoi elle s’expose. Je franchis la distance qui nous sépare en une milliseconde et m’empare de sa bouche. Ses lèvres douces et chaudes accueillent les miennes sans réserve, cela explose mes neurones.

Je l’embrasse passionnément tandis que je l’attire contre moi pour sentir son corps contre le mien. Elle est si belle, ses courbes harmonieuses se calent entre mes bras. Je la serre contre moi en prenant garde de ne pas lui faire de mal. Elle est si petite et menue que je dois faire attention à ne pas l’écraser. Mais je marque tout de même mon territoire en empoignant ses hanches pour la presser contre moi, afin qu’elle comprenne ce qu’elle m’inspire en ce moment. Elle réagit en se collant davantage contre moi, et je crois que je ne pourrais plus la laisser repartir. Mes mains dérivent vers ses fesses tandis que ma langue explore sa bouche, baiser auquel elle répond de toute son âme.

C’est au prix d’un effort inimaginable que je m’arrache à ce tumulte qui renverse mes sens comme jamais. Je ne peux tolérer qu’Evie soit la seule à être franche, il faut qu’elle entende qui je suis avant de m’enfoncer dans un mensonge dégueulasse et malsain.

— Tu dois savoir la vérité sur moi au préalable, j’énonce brusquement, car je n’ai aucun tact. Je ne suis pas celui que tu penses. Je ne suis pas un type bien.

Elle écarquille les yeux d’étonnement, car elle ne s’attend pas que je la repousse et encore moins à ce que je reprenne une conversation qui semblait close. Je ferme à demi les paupières pour formuler ce que je me dois de lui avouer, tout aussi douloureux soit-il de le faire.

— Je n’ai jamais eu de relation suivie, Evie. Quand j’envisage de baiser une femme, j’ai l’habitude de payer.

Je l’observe attentivement. Je ne lis aucun dégoût dans son regard, c’est à mon tour d’être surpris. Mais après tout, ce que je dois encore lui dire devrait compter lourd dans la balance de notre flirt.

— Tu veux de la franchise, tu vas en avoir, je reprends afin de l’avertir que je n’ai pas fini de dévoiler des vérités bien crades sur moi. Je dois aussi te dire qu’en matière de goût sexuel, je suis un homme à part.

— Ça, j’avais compris, frime-t-elle, avec une voix où perce moins d’assurance que d’habitude.

— Je suis un dominant, j’annonce brutalement. J’aime posséder ma partenaire, et même la soumettre. Et j’estime que si tu es venue seule ici, en pleine nuit, c’est que tu es prête à courir ce genre de risque.

Une lueur d’indécision traverse ses prunelles noisette. Pour la première fois, elle réalise enfin que je suis un prédateur sans scrupule. Cependant, Evie a du cran et elle me le démontre immédiatement. Elle se plaque contre moi, en me regardant droit dans les yeux, sans que j’aperçoive le mouvement de sa main qui se pose sur ma braguette et s’empare de mon érection. Elle ne me serre pas vraiment fort, mais cette preuve de sa témérité m’arrache un gémissement tandis que mon boxer devient trop étroit tout à coup. Evie balaie mes derniers arguments destinés à la faire fuir. Je n’ai plus qu’à lui démontrer ce que je viens de lui dire, alors j’oublie mes remords pour illustrer mes aveux. Je vais la prendre sauvagement, jusqu’à ce qu’elle crie grâce, la marquer afin qu’elle comprenne qui je suis et comment je traite ce que je possède. Demain, elle se rappellera qui lui a fait cela, cela lui donnera peut-être envie de réfléchir avant de revenir.

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