"Wild"

6 minutes de lecture

"Sauvage" (attention, ce texte est la suite de "Overgrown")

Célia errait depuis bien trois heures dans les rues de son ancienne ville, une ville à peine reconnaissable tant la végétation l'avait transformée. Le vent seul semblait encore répondre à ses suppliques, s'engouffrant dans les galeries de sève et de béton. Choquée par sa découverte, n'arrivant pas encore tout à fait à y croire, elle avait erré dans la cour, sauté par-dessus la grille de son lycée grâce aux arbustes qui s'y étaient accrochés... et avait remonté lentement la rue jusqu'à son arrêt de bus. Bien sûr, tout était bouché. Il y avait des voitures éventrées au milieu de la route, renversées par d'étranges branchages. Le goudron était usé, le métal rouillé... Il semblait que des siècles étaient passés et qu'elle ne retrouvait plus que des ruines. Mais, pourtant, quelque chose l'intriguait. Assoiffée, elle avait trouvé dans un distributeur explosé par terre à boire et à manger... et franchement, ça ne semblait pas périmé. Sur la route, juste devant la grille de l'école, une voiture de pompier semblait avoir été stoppée, laissée-là comme une vieille épave. Célia ne pouvait pas s'empêcher de penser que c'était peut-être l'ambulance que l'école avait appelé pour elle. Et si c'était le cas... alors ce qui s'était passé a été immédiat.

Elle avait fouillé la camionnette, et plusieurs autres voitures aussi. Rien. Tout avait été pris, comme si quelqu'un _ou quelque chose_ s'était déjà servi. D'ailleurs, il n'y avait ni corps, ni squelette : aucune trace humaine morte ou vivante. Peut-être les animaux les avaient emportés... ? Elle n'avait pas encore osé rentrer dans une maison, retenue par un mauvais pressentiment. La jeune fille frissonna, croyant entendre un hurlement lointain, à moins peut-être que ce ne soit le vent. D'un coup, des larmes lui montèrent aux yeux : et sa famille, qu'était-elle devenue ? Elle n'avait retrouvé aucun de ses amis, et ses chances pour retrouver ceux qu'elle aime semblaient s'amoindrir au fil de ses pas. Elle renifla bruyamment, les mains serrées contre ses épaules, regardant les herbes qui avaient pointé sous le gravier. C'est que pour rentrer chez elle à pied, sur ce terrain accidenté, c'était bien plus long qu'elle ne le pensait.

Un crissement de pneu au loin la fit sursauter. Elle pensait avoir rêvé, fouilla du regard derrière les immeubles encrassés. C'était bel et bien une voiture qui se dirigeait à toute vitesse à travers les racines sauvages, les monticules de terres et les débris. Célia resta interdite, se cacha derrière le muret d'une station d'essence. Soudain, un claquement. Une autre voiture suivait la première, pédale au plancher. Un homme était à la fenêtre, semblant porter une arme de poing. Mon dieu, il tirait sur la voiture de devant ! La jeune fille frissonna, se tassa contre la protection de pierre en priant que les balles ne touchent pas le réservoir de la station. Les deux véhiculent passèrent près d'elle à toute allure, la première s'enfonçant vers le parking de la supérette V du coin. Ou tout du moins ce qu'il en restait.

La lycéenne resta figée, les yeux écarquillés. Ce n'était pas tant la scène étrange, ni même le fait d'enfin voir un être vivant qui l'avait tant interloquée. C'était l'apparence de ce bras, de cette main griffue recouverte de poil, de ce visage étrange, qu'elle venait de voir passer tout juste devant elle...
La première voiture s'était retrouvée coincée dans le parking, comme Célia le pensait. Des silhouettes en étaient sorties, s'étaient dispersées à travers les buissons sous une pluie de balle ennemis. La jeune fille pouvait apercevoir les agresseurs, de grandes créatures tout droit sorties des enfers, tenant des fusils entre leur grosses pattes. Elle décida de ne pas bouger : le moindre bruit, le moindre mouvement pouvait bien les attirer par ici, même s'ils étaient encore relativement éloignés. Pourtant, elle s'inquiéta aussitôt que les bêtes humèrent l'air, semblant renifler les alentours. Célia avait un chien, un chat, et même un poisson rouge : elle savait donc très bien qu'un animal pouvait renifler sa présence à des mètres. A des kilomètres même, qui sait... Et ces choses avaient tout l'air d'animaux enragés. Il y en avait même un qui semblait ressembler à un doberman, ou tout du moins de ce qu'elle arrivait à en distinguer : les oreilles droites, le pelage noir et feu, le tout surmontant une silhouette longiligne et solide habillée de noir.

La jeune fille sentit la peur monter en elle, ses muscles se contracter. Non, vraiment, ce rêve commençait vraiment à tourner au n'importe quoi ! Soudain, elle sursauta, manquant de peu de pousser un cri. Une ombre avait bougé juste à quelques mètres d'elle, et semblait avoir fondu dans les buissons. Elle retint son souffle, fouilla les feuillages du regard. Deux croissant lumineux semblèrent la fixer avec férocité. Une petite larme de peur coula sur sa joue.

« Trouvez-les et tuez-les ! Ne laissez aucun survivant !!! » aboya l'une des créatures plus loin, agacée d'attendre.

Le cœur de Célia était au supplice, jonglant entre terreur et colère : mais c'était quoi encore, ce bordel ?! Les deux yeux lumineux continuaient à l'observer, à lui lancer des regards pleins de menaces. D'un coup, un autre bruit à sa droite. Un cri s'échappa enfin de sa poitrine, comme libéré de sa cage thoracique. Pourtant, elle n'eut pas le temps de l'entendre.

Il y avait bien eu du bruit à sa droite, et même plus qu'un bruit : une autre créature avait surgi et s'était dirigée à toute vitesse sur elle. En face était sortit du buisson une immense silhouette noire, luisante, qui avait directement bondit elle aussi sur la jeune fille, bloquant sa bouche et frappant sa tête contre le sol. Son crâne lui fit à nouveau mal. A moitié sonnée, Célia rouvrit la bouche, étonnée d'être encore en vie. Sa vue était floue, et elle avait du mal à respirer avec la chose qui lui bloquait ses lèvres. Cela semblait être une patte, une grosse patte toute douce... devant ses yeux embués se trouvait un gros chat noir, ou peut-être une panthère... Elle cligna des yeux, refixa à nouveau les deux croissants dorés qui l'avait fixé quelques seconds avant. Ce n'était pas un animal : il avait des bras, des jambes, un corps humain recouvert de poil. Mais sa tête avait les traits d'un félin, les yeux animés d'une intelligence supérieur.

« Que fout une humaine ici ? cracha-t-il à voix basse.
– Tais-toi, ils vont nous entendre ! répondit l'autre créature à côté. Elle était plus petite, d'une couleur grise et orange, mais avec le même visage carnassier.

Trop tard, une balle se ficha à quelques centimètres à peine de la tête de l'adolescente, en plein dans le muret. Le grand félin attrapa Célia, l'envoya rouler derrière une autre barrière de pierre, juste avant qu'une nouvelle volée de balle retomba sur eux. La lycéenne ne comprenait plus rien : que faisait-elle donc, prise en embuscade, entre deux gros chats géants ?

Encore sonnée du choc, elle ne vit pas tout de suite une nouvelle voiture arriver à toute trombe, un grand Range Rover freiner juste devant eux. La porte coulissa, et un cri les interpella :

« Dépêchez-vous, vite ! »

Les deux félins grimpèrent à toute vitesse, la laissant plantée derrière son muret. Quoi ... QUOI ?! Une autre balle frappa juste à côté d'elle, et elle poussa un cri apeuré.

« On la laisse crever là ? Tu sais qu'ils vont pas la rater ! »

Un silence de trois millisecondes, qui parut pourtant une éternité. Un grognement de rage raisonna, et elle vit le chat noir revenir, lui tendre un bras. Sa vue brouillée par ses larmes l'empêchait de bien voir, mais elle s'agrippa à cette main tendue, plongea elle-aussi dans l'ombre du 4x4. Enfin, la voiture fila à toute allure, ignorant les derniers coups de semonces raisonnant derrière eux.

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