La bénédiction

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Depuis son arrivée au manoir, Pierre s’ennuyait. Ici, comme chez Amalia, il passait ses journées entre livres et mnémotique et ne croisait presque jamais personne. Il poursuivait, sans grande motivation, son apprentissage de la médecine et ses recherches sur les transferts de magie.

Chaque jour, invariablement, il se levait, descendait, tentait de trouver quelqu’un avec qui partager un repas, avant que ses hôtes ne partent travailler, puis remontait dans sa chambre. Cette routine lui pesait et l’enlisait dans une attitude maussade qu’il exécrait.

Le dimanche ressemblait à tous les autres jours, à l’exception près que Mattéo, Naola et Xâvier restaient au manoir. Aussi Pierre avait-il pris l’habitude de leur imposer sa présence… Tout du moins le matin, car depuis l’attentat du CERN un mois plus tôt, l’Once infligeait à ses élèves un rythme intensif qui comprenait une session sur la fin du weekend.

Bien sûr, Pierre n’y participait pas. Il ne participait à rien, de toute façon. Il était libre de se promener où bon lui semblait, à l’exception des pièces où pouvait séjourner le Maître, ce qui incluait le dernier étage de l’aile résidentielle du bâtiment, la salle d’entraînement – au grand damne de l’adolescent – et la supposée superbe bibliothèque – à sa grande frustration.

Cette interdiction précise l’agaçait tout particulièrement, alors qu’il traversait le manoir à grandes enjambées. Malgré tous ses efforts pour ne pas se considérer comme prisonnier, il ne parvenait pas à avancer dans ses propres recherches sans se trouver obligé de demander à Xâvier ou Mattéo les livres dont il avait besoin. Aucune autonomie.

Le carnet à la main, une pile de mnémotiques, grimoires et dos collés flottant derrière lui, Pierre marmonnait dans le couloir menant au grand salon.

« Bien sûr, Pierre, nous avons ce livre aussi. Je te le ramène ce soir. Merci bien, Xâvier, comme ça, je suis bloqué jusqu’à ce soir ! Et sinon, me donner l’accès à la Bibliothèque ? Ah bha non. On ne te fait pas confiance mon p’tit Pierre… »

Il entra dans la salle à manger de mauvaise humeur et avisa l’un des gros buffets rangés sur le côté de la pièce pour y déposer les ouvrages sur lesquels il travaillait. Il se garda bien de saluer Naola et Mattéo dont il avait interrompu la conversation – les conversations s’interrompaient toujours quand il arrivait quelque part, comme si ses hôtes prenaient le temps d’évaluer si le sujet en cours pouvait être abordé en sa présence.

Installé de part et d’autre de la grande table, le couple déjeunait, sans l’avoir prévenu ou attendu, bien évidemment. Mattéo, d’un geste désinvolte et sans se donner la peine d’accorder un regard au nouveau venu, activa ses concentrateurs et, d’un sortilège, fit disparaître les ouvrages à peine déposés sur le buffet.

Sans doute regagnèrent-ils leurs places sur les étagères de la fameuse et toujours aussi inaccessible bibliothèque.

« Et si je n’avais pas fini ! ? se récria l’héliade.

— Tu n’avais pas fini ? questionna Mattéo.

— Si. »

Muspell haussa les épaules avec son pragmatisme habituel et Pierre grogna en tirant une chaise. Mattéo adressa un signe de tête à Naola pour l‘inciter à reprendre leur discussion. La jeune femme affichait un air préoccupé qui, depuis le dernier attentat, semblait ne plus vouloir disparaître de son visage.

« Dans tous les cas, je dois passer à l’école cet après-midi, ce dossier ne peut pas attendre. Ensuite, Mordret est rentré de voyage hier soir, il faut encore que j’aille le voir. Je ne sais pas pour combien de temps j’en ai, mais vous pouvez commencer l’entraînement sans moi… »

Mattéo fronça les sourcils, un court instant. Fidèle à son habituelle, immuable et terrible rigueur, il ne sembla pas apprécier le manque de précision de sa compagne. Pierre esquissa un début de sourire. Le comportement très carré du sorcier l’amusait.

« Alix sera là, je te conseille d’éviter d’être en retard. »

Naola se servit à boire pour dissimuler une grimace à l’évocation de la présence de l’Once. De ce que Pierre avait pu comprendre, la jeune femme peinait à suivre le rythme imposé par le Maître de son compagnon. Ses méthodes d’entraînement tenaient apparemment de l’abusif et étaient source de tension au sein du couple. Pierre, quoiqu’il admit volontiers ne pas toujours se rendre compte des moments où il mettait les pieds dans le plat, s’amusait parfois à glisser des allusions, juste pour la distraction que provoquaient leurs disputes explosives.

« J’irais voir Mordret ce soir, alors, conclut la jeune femme, lasse.

— En plus, Xâvier ne sera pas là, renchérit l’adolescent, dans l’espoir de partager avec eux son savoir. Il ou elle sera sans doute intraitable, non ? »

Mattéo, qui lui adressait son premier regard de la journée, le dévisagea d’un air parfaitement impénétrable. Pierre prit cela pour une remontrance et détourna la tête pour se servir du pain, un peu plus renfrogné.

« Xâvier sera là. S’il t’a annoncé l’inverse, il s’est moqué de toi, lâcha son hôte d’une voix sèche.

— Il m’a dit qu’il serait avec la Médic’. »

Mattéo chassa la remarque d’un nouveau haussement d’épaules. L’héliade, attristé à l’idée que Xâvier ait pu lui mentir, afficha une mine toujours plus sombre.

« La Médic’ ? rebondit Naola avec un intérêt non feint.

— La femme avec qui il couche en ce moment est médic’.

— Oh ! Et elle s’appelle comment ? J’ai une amie qui travaille à la Centrale, elle la connaît peut-être.

— Aucune idée. Il ne me donne pas les noms, il a peur que je les compte, répondit Pierre.

— Consternant », soupira Naola.

Comme parler de Xâvier le rendait maussade, l’héliade décida de changer de sujet.

« Le Vampire, pourquoi tu as le droit d’aller le voir ? demanda-t-il à Naola.

— Le droit d’aller voir Mordret ? répéta la jeune femme, perplexe.

— Il travaille avec Fillip, il fait partie de l’Ordre. Tu connais l’Once. Je ne vois pas pourquoi Alix accepte que tu prennes ce risque. »

Concentré sur son assiette, Mattéo esquissa un sourire, mais se garda d’intervenir. La fourchette de Naola resta suspendue quelques secondes entre son plat et sa bouche. Elle reposa doucement ses couverts, s’essuya les lèvres, puis jaugea l’héliade.

« Mordret ne fait pas partie de l’Ordre, d’une. De deux, l’Once n’a rien à redire quant à qui je peux fréquenter.

— Pourquoi ? Tu travailles avec l’Once, tu sais qui il ou elle est. Tu es donc un danger pour lui ou elle. Or il ou elle devrait sauver la Fédération, en tout cas vous vous battez pour ça. S’il ou elle était raisonnable, tu n’aurais pas le droit de voir Mordret. »

Pierre marqua une légère pause.

« Sauf si tu espionnes le vampire pour lui ou elle. Iel. Je vais dire iel. Sauf si tu espionnes le vampire pour iel.

— Je… souffla la jeune femme, sans trouver quoi répondre. Écoute, c’est plus compliqué que ça… Et puis pourquoi est ce que tu te mets à poser ce genre de question, comme ça, d’un coup ? »

Pierre haussa les épaules dans une très belle imitation, à son avis, de Mattéo.

« Je n’ai pas le droit de faire ce que je veux, moi. Je suis “dangereux” parce que je veux accéder à la bibliothèque, mais toi tu es bien plus dangereuse avec tes relations. Et tu as le droit de faire ce que tu veux. J’ai un peude mal avec votre notion d’évaluation des risques… »

Naola jeta un regard en biais à son homme et retint un début de sourire en coin qui n’échappa pourtant pas au jeune héliade.

« Tu es en train de faire une nouvelle crise parce que tu n’as pas accès à la bibliothèque ? reformula-t-elle.

— Je ne fais pas une crise, je ne suis pas un enfant. »

Mattéo haussa un sourcil et Pierre s’énerva pour de bon.

« Non, Mattéo, je ne suis pas un enfant. J’ai bossé pour l’Ordre, oui. Je comprends que vous vous soyez méfié de moi. Mais ça fait des mois que je suis enfermé ici et vous ne montrez toujours aucune confiance en moi ! Je pourrais vous aider ! Mes recherches sur l’utilisation de la magie dans la relation de flux pourraient vous aider. Je pourrais apprendre à me battre ! Je pourrais… Merde ! Depuis que l’Once m’a interrogé, je n’ai été d’aucune aide ! J’ai l’impression que vous considérez que, sous prétexte que vous m’offrez une jolie prison dorée, je n’ai qu’à fermer ma gueule et à me tourner les pouces ! Vous vous tuez à la tâche, vous êtes très visiblement en sous-nombre, mais une nouvelle personne dans l’équipe, ça non. On ne va pas même lui ouvrir la bibliothèque parce que Pierre est même trop con pour avancer dans ses recherches ! »

Naola s’était laissé aller contre le dossier de son siège et avait croisé les bras. Elle lâcha un long soupir, pour conclure le monologue.

« Merlin, Mattéo… On n’est pas mariés, on n’a pas d’enfant, mais on se tape quand même un ado à cadrer. »

Mattéo releva brusquement la tête et alterna son regard entre Naola et Pierre, avant de se fixer sur ce dernier.

« Je ne vois pas où il y a débat, Pierre. Nous n’avons pas la main sur ce sujet.

— Mais…

— Notre avis n’a aucune influence. N’aie crainte, si l’Once décèle en toi quelque chose qui pourrait nous aider, tu n’auras pas le choix. »

*

Mattéo laissa Naola rejoindre Mordret et supporta Pierre cinq minutes de plus avant de lui donner le livre qu’il attendait. Il prit brusquement congé et gagna la salle d’entraînement, dans laquelle il s’enferma. Il se changea et, d’un geste habitué, bascula le gymnase en configuration «musculation». Deux bancs et une succession d’artefacts mécaniques prirent leur place dans la pièce aseptisée.

S’il n’avait craint que Pierre ne se décide à courir avec lui, Mattéo aurait opté pour une course autour du lac du manoir. Il voulait se vider la tête ; passer des heures creuses à transformer à son angoisse en foulées l’y aurait très certainement aidé.

« “En plus, Xâvier ne sera pas là”… Putain, Xâv… T’es sérieux, mec ? », souffla-t-il tout bas.

Son ami aurait pu se montrer plus discret. Pierre avait un don affirmé pour la bourde et ne réussissait pas à tenir sa langue. Sa capacité à dire précisément ce qu’il ne fallait pas au moment le moins opportun relevait presque de la magie. Xâvier le savait, alors pourquoi avait-il été lui parler de son absence !

Mattéo s’allongea sur l’un des bancs, le cœur encore battant de la remarque de Naola. Il usa d’un charme pour charger les haltères à portée de ses mains. Il avait deux heures devant lui, deux heures avant qu’elle ne le rejoigne pour l’entraînement ; deux heures pour se calmer.

Alix ne serait pas là, il avait menti.

Il avait profité de l’absence de son Maître pour mettre à exécution son plan. Xâvier le savait. Il s’était foutu de sa gueule, mais, en bon ami, avait pris la responsabilité de sécher la session pour lui laisser le champ libre.

Là aussi, il avait menti.

Mattéo ferma les yeux, souffla, puis s’abima dans la mécanique de sa poussée pour ne plus penser.

L’entraînement s’avéra peu efficace. Mattéo passa d’un exercice à l’autre sans parvenir à atteindre la sérénité qu’il poursuivait, incapable de focaliser son attention sur autre chose que le Témoin de Promesse et les bagues cachées au fond de son sac. Le temps s’écoulait trop vite et trop lentement à la fois, saccadé par son angoisse. Cinq minutes avant l’arrivée de Naola, il rangea son matériel, se lava d’un sortilège, puis se changea en trois mouvements de poignet.

De façon tout à fait incompréhensible, son cœur s’emballait encore. L’appréhension et le stress, qu’il savait pourtant maîtriser d’une simple inspiration, lui collaient à la peau et l’engluaient dans un état désagréable.

Il fouilla dans son sac, puis, la main serrée sur le Témoin de promesse, ferma les yeux et tenta une ultime, mais toujours aussi inefficace, respiration.

Elle n’allait pas refuser. Elle n’avait aucune raison de refuser.

Le jeune homme croisa son propre regard à travers l’un des larges miroirs de la salle. Il constata avec effroi que, tout a son angoisse, il avait mécaniquement enfilé une impeccable chemise noire. Il jura et la remplaça par un t-shirt de même couleur, conçu pour les combats à la magie.

Si Naola l’avait vu vêtu de la sorte, elle se serait doutée de quelque chose, or il voulait que sa surprise soit totale.

*

Naola passa la porte du gymnase à l’heure précise de leur entraînement. Déjà en tenue, cheveux remontés, le visage sérieux, la jeune femme traversa le bâtiment d’un pas rapide et déterminé. Si elle mettait beaucoup d’application à suivre les garçons dans le programme que leur imposait leur maître, elle n’arrivait jamais au bout et finissait toujours exténuée, assise sur le côté à les regarder terminer la série inhumaine d’exercices prévue par l’Once.

Pierre, en un sens, avait raison : Naola représentait une menace pour le groupe. Néanmoins, il se trompait sur la nature du danger. Toute sportive que soit la jeune femme, elle ne tenait aucune comparaison face à Mattéo et Xavier. Elle restait la plus faible d’entre eux, la moins préparée, la plus vulnérable aux attaques mentalistes et, passerait-elle tous ses jours et ses nuits à s’entraîner, elle ne parviendrait jamais à combler cet écart : ils avaient des années d’avance sur elle.

Merlin, pourtant, savait combien il était critique qu’elle s’améliore, car l’Ordre, et son décompte d’attentats macabres, ne l’attendaient pas. Sombre de cette amère réalité, Naola se composa une expression enjouée en arrivant près de Mattéo.

« Alix est en retard ?

— De toute évidence. Prête ? demanda-t-il avec un sourire.

— À en baver jusqu’à cracher mes poumons ? Toujours ! rit-elle. Tu sais ce qu’elle a prévu ?

— Non. Attrape ça. »

Il lui lança quelque chose d’un geste précis, comme il lui aurait envoyé une paire de gants. Elle s’en saisit, par réflexe, puis baissa les yeux sur l’objet, sans comprendre. Elle détailla, au creux de sa paume, un Témoin de Promesse délicatement ciselé d’un unique gage, volute fine et élégante au motif équivoque. Les joues rougies sous le coup de l’émotion, il fallut bien cinq secondes à la jeune femme pour reporter son attention sur Mattéo. Il attendit de croiser son regard pour sortir de sa poche deux bagues en iris pur et se rapprocher d’elle, un anneau de fiançailles dans chaque main, un sourire incertain aux lèvres.

« Ça peut paraître fou, mais j’aimerais me marier avec toi. Et toi ?

— Je… », souffla Naola en écarquillant les yeux.

À court de mots, même du plus évident, Naola referma les doigts sur le témoin et amorça un geste pour venir l’embrasser. Elle se trouva stoppée net par une petite bestiole qui se glissa entre eux deux et voleta au niveau de son visage avec beaucoup d’insistance. La sorcière recula d’un pas, sourcils froncés.

« Le mémorigami de Mordret… » grogna-t-elle.

Ce stupide vampire n’avait quand même pas manoeuvré pour l’espionner jusqu’au moment où Mattéo lui proposait de se marier ! Elle adressa un regard d’excuse désolé à Mattéo, attrapa le pliage de papier noir et aplatit la feuille d’un geste vif.

« Il n’utilise jamais ce truc. Ça doit être urgent, précisa-t-elle.

— Alix est en train de me parler » répliqua Mattéo, la main serrée sur un bracelet invisible qu’il portait au poignet gauche.

Que l’Once et Mordret les contactent en même temps n’augurait rien de bon.

« Elle nous dit de rester ici. »

Naola, livide, froissa le papier, prit une inspiration rapide, et, sans relever les yeux vers Mattéo, se transféra. L’homme resta sur place, les bagues entre ses mains.

« Nao ! »

Ne la suis pas !, résonna la voix de l’Once dans sa tête.

Mattéo hésita, il baissa les yeux sur les anneaux d’iris, toujours nichés au creux de ses paumes.

Mattéo, ne la suis pas !

Le sorcier serra les dents et pensa, à l’attention de son Maître Elle ne m’a pas répondu !

Les mains tremblantes, il prit la décision de lui désobéir. Il glissa les bagues dans sa poche et ôta son bracelet, coupant tout contact avec l’Once.

Il se matérialisa devant le Mordret’s Pub avant même que le fin bijou de cuir ne touche le sol de la salle d’entraînement.

« Nao ! » répéta-t-il en entrant dans le bar du Vampire de Stuttgart.

Ses deux concentrateurs brillaient autour de ses doigts, l’un chargé d’un sort d’attaque, l’autre d’un charme défensif.

« Je suis désolée, mais je ne peux pas rester au manoir à ne rien faire ! » lui répondit-elle, sans se retourner.

La jeune femme passa derrière le zinc et y récupéra une besace en cuir. Elle jeta un coup d’œil circulaire à la pièce.

« Mordret n’est pas là, sinon il se serait déjà montré. »

Une forte explosion ébranla soudain le Pub au point au point que plusieurs verres se décrochèrent de leur support et se brisèrent au sol. Naola jeta un regard alarmé à Mattéo, puis leva la tête et désigna le plafond d’un signe de menton.

« Sur le toit. On y verra plus clair. »

Elle disparut, sans attendre sa réponse. Le sorcier chercha à la suivre, mais se heurta à une violente barrière. Impossible de demander un transfert ou d’en initier un depuis le repaire du Vampire. Évidemment… Mattéo jura, sortit en fulminant et rejoignit Naola dès qu’il eut posé le pied dehors.

« Ça t’arracherait la bouche de me dire ce qu’il se passe ?

— Mécas qui attaquent le Nid, vampires en rage, c’est ce qu’il y avait sur le mémorigami, répondit la jeune femme. J’ai pas plus d’infos. Mordret doit déjà être sur place. »

Il n’y avait pas de doute quant à la localisation de ce sur place. Devant eux s’étendait le faitage des Halles Basses de Stuttgart et à moins d’un kilomètre vers le sud s’élevait une large colonne de fumée sombre. Le souffle d’une seconde explosion balaya leur visage.

« J’y vais, cria Naola par-dessus le vacarme.

— Attends ! »

Il lui attrapa le bras au moment où elle activa son transfert. Ils apparurent à une distance raisonnable du théâtre des opérations. Naola se dégagea brutalement de la poigne de son compagnon, mais resta figée de stupeur par le spectacle qu’elle découvrit.

Les toits s’ouvraient d’un trou béant et un incendie faisait rage dans un bâtiment qui ne tenait plus debout que par miracle. Les déflagrations avaient imprimé des traînées noires sur toute la surface des tôles environnantes.

« La bourse aux boulons », souffla la jeune femme en fronçant les sourcils.

L’édifice en perdition était un centre d’accueil et d’entraînement pour mécamages. Le point névralgique de toute la communauté semi-organique de la Capitale. Ça ne collait pas avec le message de Mordret. C’était les Mécas qui se faisaient attaquer, non les vampires.

En contre-bas, ils pouvaient voir les vestes de soldats fédéraux aux prises avec un groupe d’une dizaine d’individus. À leur tenue, la jeune femme devina une alliance improbable : mécamages et créatures aux longues dents unis contre l’autorité publique.

« Qu’est ce que c’est que ce bordel », souffla-t-elle.

Naola sentit son mémorigami s’agiter dans sa poche et le déplia une nouvelle fois. Le texte avait changé. Elle jeta un coup d’œil à Mattéo, par-dessus son épaule, puis pinça les lèvres. Elle avait gardé le témoin de promesse au creux de sa paume. D’avoir été serré si fort, il lui laissait une marque bien nette sur la peau.

Elle se tourna vers lui, franchit la distance qui les séparait, passa ses bras autour de son cou et l’embrassa, avec quelque chose qui tenait de la rage. Il lui répondit avec la même intensité.

« Oui. Je veux aussi me marier avec toi, souffla-t-elle, droit dans ses yeux. Maintenant, il va falloir que tu me fasses confiance. Rentre au manoir. Ne me suis pas. »

Le sorcier ne la laissa pas s’écarter.

« On peut très bien se battre à deux.

— Pas cette fois, non. »

Elle se dégagea et recula de quelques pas.

« Tu ne dois pas me suivre », répéta-t-elle, catégorique.

*

Une véritable émeute déchirait Stuttgart et Amalia était clouée à sa chaise. Une quantité de petits mémorigamis, de bijoux et d’objets en tout genre occupait l’intégralité de son bureau et elle passait des ordres et des renseignements à différents interlocuteurs. En pleine crise, elle était le centre névralgique par lequel transitaient toutes les informations. Son rôle devait permettre à Serge, sur le terrain, de prendre les meilleures décisions, sous ses conseils, pour coordonner les attaques et mouvements des fédérés.

Des clés vibrèrent avec un bruit insupportable pour signaler l’arrivée d’un message. Amalia en prit immédiatement connaissance. Le Vampire de Stuttgart venait d’être repéré dans la foule que l’Armée Fédérale tentait de contenir. Que les êtres aux longues dents se battent avec les mécamages, passe encore ; qu’ils s’allient contre les P.M.F., soit ; mais que l’Informateur se déplace, c’était très mauvais signe. Amalia lâcha un juron et attrapa un collier autour de son cou. Mattéo devait empêcher Naola de rejoindre le front : la situation, critique, risquait de devenir dangereuse pour ses élèves.

« Mattéo ! Il y a une émeute en plein centre-ville. Interdiction de sortir du manoir, pour vous trois ! »

Nao !

La voix du jeune homme résonna et Amalia retint un nouveau juron. Elle ne pouvait pas se permettre de les gérer ! Merde ! Elle perdait déjà un temps précieux…

« Ne la suis pas ! »

Pas de réponse. Elle serra les dents et répéta, les lèvres tout contre son pendentif.

« Mattéo, ne la suis pas ! »

Elle ne m’a pas répondu !

« Quoi ? Matt… Mattéo ! »

Plus de contact. Elle relâcha le bijou d’un geste vif. Se promener en plein Stuttgart pendant une attaque probablement orchestrée par les Vestes Grises. Mais bien sûr ! Quelle bonne idée quand on est l’élève de l’Once !

Elle ne devait pas perdre plus de temps : négliger une information pouvait coûter la vie aux hommes de Serge. D’un geste de la main, Amalia fit apparaître un petit objet de métal chromé percé d’une tige. Elle tapa sur l’antique sonnette de table et le hérisson couleur rouge cessa de ronger le vieux couteau helvétique, moyen de communication directe avec le Commandant des Armées. Ainsi suspendus, les instants qu’elle gagnait ici lui seraient facturés une fortune par la Confrérie.

Sans attendre, Amalia se leva et ferma les yeux. Faire le vide, séparer son esprit en deux. Imaginer une ligne d’horizon, mais à l’intérieur de son corps.

Deux Amalia parfaitement identiques. L’une des deux disparut et la seconde, concentrée, reprit sa place aux commandes du bureau. Une explosion venait de ravager une nouvelle maison à l’ouest de la bourse au boulon et les vampires dominaient les mécamages à cet endroit. Une bonne occasion pour les P.M.F. de mettre les semi-organiques sous les barreaux et d’affronter un camp unique.

*

Mattéo se retrouva plaqué contre les tuiles par un violent coup dans le dos au moment même où Naola sentait un sortilège lui coupe les jambes.

« Qu’est-ce qu’il y a de compliqué à comprendre dans Ne la suit pas !, éructa le vieux sorcier à la mine austère apparu près d’eux.

Il portait un gant en cuir qui maintenant une pièce d’iris au creux de sa paume, encore levée vers le couple.

« Laisse-moi partir ! » cria immédiatement Naola.

Ses jambes, comme fondue dans la tôle du toit, l’entravaient complètement. Elle plaqua sa main, concentrateur actif, contre sa cuisse et tenta un contre sort pour se libérer, ce qui s’avéra sans aucun effet. Le vieil homme focalisait son attention sur Mattéo.

« L’Once n’a rien à faire dans un conflit sans Veste Grise ! Mattéo, tu n’es même pas sous couverture !

— Laisse-moi partir, répéta Naola d’une voix paniquée. Laisse-moi partir, abruti de chat ! »

L’ancêtre se retourna vers Naola, aussi surpris qu’outré.

« Abruti de chat ?

— Laisse-moi y aller aussi ! s’écria Mattéo, toujours maintenu face contre terre.

— Non.

— On va se marier ! jugea utile de préciser le sorcier. Laisse-moi y aller ! »

Le nonagénaire qui cachait Alix haussa très haut ses épais sourcils gris.

« Dans ce cas, vous allez rentrer tous les deux, je suppose…

— Non ! Relâche-moi ! s’exclama Naola. Ils ont besoin de moi. Mordret a besoin de mon aide. Lâche-moi !

— Mordret est assez grand pour se débrouiller seul. »

L’Once s’approcha de Naola et posa sa main sur son épaule pour initier un transfert, hésita et se ravisa.

« Tu peux arrêter les vampires ? » demanda-t-elle.

Naola cessa de s’agiter et pinça les lèvres sans rien dire pendant quelques instants. La détonation d’une explosion satura l’espace et fit trembler leur toit.

« Laisse-moi y aller, répondit-elle finalement, les poings serrés. Je dois y aller, c’est tout.

— Très bien. Fais attention à toi. »

Le sortilège qui retenait Naola se résorba et la libéra. Mattéo criait toujours au sol qu’on lui permette de se battre lui aussi.

« Je ramène cet abruti chez vous.

— Merci », souffla Naola.

Elle recula, et, sans un regard pour Mattéo, se détourna et courut sur le toit, puis sauta dans le vide. Son hexoplan apparut sous elle et la porta au-dessus du chaos.

« Laisse moi y al…

— Non. Tu rentres. Si elle a besoin de toi, elle t’appellera. »

L’Once se pencha sur son élève, désactiva le sortilège qui le clouait au sol et les transféra tous les deux au manoir.

*

Mordret marchait sans bruit à travers les allées de graviers blancs du Parc aux Agathes. L’aube léchait la cime des arbres de ses premiers rayons, mais le paysage de verdure n’apparaissait encore qu’en camaïeu de gris et d’ombres. Entre ses bras, serré contre son torse et dissimulé par son ample cape noire, il tenait le corps inanimé de Naola. La jeune femme avait résisté la nuit à ses côtés, avant de s’écrouler de fatigue. Mordret la déposa délicatement sur un banc et, après un regard vers le ciel rosissant, dégrafa son vêtement pour en recouvrir sa protégée. Il n’allait pas s’attarder.

Cette nuit, interminable, s’achevait enfin, après presque vingt-quatre heures d’affrontements. Ensemble, la sorcière et lui étaient parvenus à faire se replier les vampires dans le Nid, à les traîner, de force, hors des combats. Le conflit, privé de la moitié des insurgés, s’était essoufflé de lui-même et le calme était peu à peu revenu dans les rues de Stuttgart.

Une grande partie de la population aux longues dents se terrait maintenant au Pub, inatteignable par quelque autorité que ce soit, ce qui en faisait le dernier lieu où abriter la magicienne inconsciente. Mordret demeura à l’observer dormir deux interminables minutes, fatigué, lui aussi, par les évènements. Restait à s’assurer qu’elle rentrât chez elle en bonne santé. Il se pencha et dégagea la main de la jeune femme des plis de sa couverture improvisée. Il tâtonna quelques instants, très délicat, puis tourna la bague qu’elle portait au médium gauche. Il l’avait déjà vu contacter son compagnon par ce procédé.

Il ne fallut que quelques secondes à Mattéo pour apparaître, un bras en avant l’autre en arrière, son concentrateur principal chargé d’une attaque en direction de Mordret. Il blanchit sensiblement en découvrant Naola inconsciente. Le sorcier raffermit sa position, incertain quant au comportement à adopter face à un personnage capable de battre son Maître.

« C’est vous qui m’avez appelé, constata-t-il.

— Oui. Je ne tenais pas à la réveiller. La nuit était éprouvante », répondit le vampire en s’écartant d’un pas.

Mattéo lança de son concentrateur secondaire un charme de détection et ne trouva aucun enchanteur dans la zone autour d’eux. Il baissa ses armes, doucement, et, enfin, s’avança vers Naola. Constater, en posant délicatement sa main sur son front, qu’elle dormait, tout simplement, le fit souffler de soulagement.

« C’était l’Ordre, n’est-ce pas ? »

Ce n’était pas une question, mais une simple façon de formuler ce qu’il avait en tête. Le vampire comprendrait très bien son sous-entendu. Jamais Mattéo n’aurait imaginé ce genre d’attaque en plein centre-ville, alors que Mordret travaillait avec Fillip.

« Il le semble, vraisemblablement. Les Vestes Grises ont payé des fauteurs de trouble dans les deux camps. Nos communautés ne sont guère pacifiques. Il a suffi de peu pour mettre le feu aux poudres. Au sens propre, à en juger par les bâtiments détruits par les presque-organiques », répondit le vampire.

En dépit de son ton, d’une parfaite platitude, le fait même qu’il livre aussi gracieusement ces informations au front de l’Once témoignait son ressenti vis-à-vis des Vestes Grises. Mattéo l’écoutait attentivement, mais ne quittait pas la jeune femme des yeux. Il surveillait sa respiration. Mordret esquissa un petit signe de tête vers Naola et changea de sujet :

« Elle a usé de nombre d’accélérateurs pour que nous parvenions à maîtriser les miens. Il lui faudra quelques jours pour récupérer, mais elle n’a subi aucun dommage. Dans l’action… »

Il s’agita et fouilla son pantalon, puis tira finalement le Témoin de Promesse à l’intérieur de sa veste. Il le présenta à Mattéo dans sa paume ouverte alors que le sorcier tournait à nouveau son regard vers lui.

« Dans l’action, elle a manqué de perdre ceci et m’a obligé à revenir en arrière pour le retrouver. Je présume qu’il émane de vous.

— En effet. »

L’élève de l’Once ôta enfin sa main du front de Naola, attrapa les deux bagues restées dans sa poche et fit face au vampire.

« Je venais de lui offrir ce Témoin quand vous l’avez contactée. »

Il tendit la main pour le récupérer. La créature referma ses doigts sur l’objet et Mattéo suspendit son geste. Mordret découvrit le bas de ses canines, ce qui rendit son expression un brin menaçante.

« Que sait-elle de vous ?

— Et vous, que savez-vous de moi ? répliqua le sorcier.

— Un tissu de suppositions qui laissent entrevoir un trop redoutable chasseur d’hommes. Et il est des risques que je ne souhaite pas accepter qu’elle coure.

— Vous n’avez pas à avoir peur de suppositions et elle est assez grande pour juger elle-même des risques qu’elle prend, commença par répondre Mattéo dans un froncement de sourcils.

— Qu’elle soit assez sotte pour, d’elle même, mettre en jeu sa loyauté entre deux des mains qui, aujourd’hui, battent les cartes de votre Fédération semble pourtant indiquer le contraire. Sa position, entre l’Once et moi même, hier encore, a manqué d’aggraver la situation. Elle n’a jamais su bien choisir ses fréquentations et, sur le papier, vous ne faites guère exception à la règle.

— Je ne suis pourtant qu’un sportif réformé, entré depuis peu au ministère de la Recherche… », sourit Mattéo.

D’un geste de la main, il activa une série de sortilèges qui les isola tous les trois du reste du monde.

« Sans confirmer vos craintes, basées sur de pures suppositions, et si cela peut vous rassurer, je peux répondre à quelques questions. Naola sait tout de moi depuis mon procès.

— Mon plaisir à étayer ou infirmer mes hypothèses serait moindre si je vous tirais dès à présent les réponses qui me sont nécessaires à votre cas, sourit la créature aux canines effilées. Pour autant, sachez que vous êtes à la tête d’une liste pour le moins impressionnante.

— Il doit y avoir une erreur dans vos calculs, suggéra Mattéo. Quelles que soient mes activités, je doute, en moins de trente années de vie, pouvoir impressionner un vampire millénaire. »

Le sourire un peu crâne de Mattéo contrastait avec la modestie de son ton. Il prenait cela pour un compliment.

« Impressionner un vampire sur ce genre de fait ne saurait être considéré comme une réussite saine », répliqua Mordret sans mettre plus de conviction dans la remarque que dans ses autres réparties.

Mattéo se retint de faire remarquer qu’impressionner un vampire, quelle qu’en soit la raison, tenait tout de même de l’exploit notable de son point de vue.

« Que voulez-vous savoir ? demanda-t-il.

— Je n’ai rien à apprendre de vous. Gardez à l’esprit que dès l’instant où elle souffrira de vos crimes, je serais dans votre ombre. Vous avez gâché bien plus de trente années de vies, hâtez-vous d’entreprendre quelque chose qui ne soit pas destructif. Dans votre intérêt, autant que dans le sien.

— Je ne lui aurais pas proposé de mariage si j’étais toujours dans une… démarche destructive. Les évènements du gala, il y a deux mois, ont changé la donne. Elle le sait et a accepté ma demande en connaissant mon passé. Ne perdez pas votre temps à rester dans mon ombre, vous risqueriez d’y être à l’étroit avec mon Maître. »

Mordret esquissa le début d’un sourire et le fin trait de ses lèvres blanches fut ponctué par la pointe de ses canines. L’instant d’après, et bien trop vite pour que le sorcier puisse ne serait-ce que le voir se mouvoir, il avait récupéré sa cape sur Naola. Il referma ses doigts sur le poignet du jeune homme et laissa tomber le Témoin au creux de sa paume.

« Ceci vous appartient donc », souffla-t-il.

Un battement de cœur plus tard, il s’était éclipsé. Mattéo resserra sa main avec un sourire. Il gagnait visiblement la bénédiction du Vampire de Stuttgart.

*

Mattéo déposa Naola dans leur lit avec délicatesse. La jeune femme grogna et se retourna, pour se protéger de la lumière déjà vive dans leur chambre. Mattéo esquissa un sourire attendri et tira les rideaux d’un geste du poignet. Il la borda d’une couverture moelleuse, puis laissa à sa portée une carafe d’eau, un verre et une série de biscuits apportés par Honkey.

Le sorcier retint un soupir et se massa la nuque, tendu. Il fouilla dans ses poches pour en sortir les bagues, ainsi que le témoin de promesse, qu’il déposa avec précaution sur le chevet.

Mattéo resta quelques secondes les yeux fixés sur la fine bijouterie. Il sourit, bêtement, puis se renfrogna. Ils ne seraient réellement fiancés qu’une fois les anneaux passés aux doigts de leur choix.

Peu lui importait. Elle avait dit oui.

Mattéo se glissa à pas de loup hors de la chambre, rejoignit le salon et trouva son bracelet de cuir disposé sur un petit plateau, à portée de main. Honkey, comme toujours, se montrait d’une prévenance à toute épreuve. L’élève s’accorda quelques minutes de répit avant de porter le bijou devant sa bouche.

« Mordret m’a contacté, je viens de ramener Naola à la maison », se contenta-t-il de dire.

Il n’attendit pas longtemps. Son Maître se transféra devant lui et se laissa tomber dans son fauteuil. Elle lui adressa un sourire fatigué et ne s’encombra pas de politesse.

« Montre-moi ça. »

Mattéo hocha la tête en guise d’approbation. Il baissa ses défenses mentales et sentit son Maître les enjamber. Il repensa sa discussion avec Mordret et visualisa la scène avec force précision. Quelles avaient été les attitudes du Vampire ? Qu’avait-il senti ? La tâche était relativement simple : la créature n’avait fait montre que d’un nombre de sentiments et réaction très limités.

Alix quitta l’esprit de son élève avec un soupir tendu.

« Il t’a laissé trop d’information. Il doit être en colère contre Fillip. J’espère que ça nous sera profitable…

— Tu as plus détails sur l’émeute ?

— L’Ordre l’a revendiquée, mais je n’en sais pas beaucoup plus pour l’instant. »

Le sorcier hocha la tête puis revint sur Mordret :

« Je crois que je ne risque rien.

— Hum ?

— Avec Mordret. »

Alix haussa un sourcil intrigué. Elle tourna lentement le poignet droit et un verre se matérialisa entre ses doigts. Le Maître huma l’Armoric, satisfaite, avant d’en prendre une gorgée.

« En quel honneur ? demanda-t-elle. Il vient de t’annoncer qu’un de ses passe-temps était d’essayer de mettre des preuves sur tes assassinats, et tu viens me dire que tu ne risques rien… Il va falloir être convaincant…

— Sa façon de se comporter avec Naola. Il ne veut pas qu’on lui fasse du mal. Tant que nous serons ensemble, il ne s’en prendra pas à moi.

— C’est un vampire, Mattéo. Il ne ressent rien hormis la rage, la colère et la curiosité. Je doute qu’il considère Naola comme autre chose qu’une simple possession. Indépendamment du fait que tu te sois bien débrouillé avec lui, c’était complètement inconscient de le retrouver seul.

— Je ne l’ai pas retrouvé lui, je suis venu chercher Naola.

— C’est ça. Et tu vas me faire croire que tu n’avais pas déjà identifié l’état de Naola et son entourage ? »

Mattéo pinça les lèvres et Alix se releva, son verre demi-plein à la main.

« N’essaye pas de me mentir, Mattéo. Tu savais très bien que le Vampire serait là. Tu as cherché cette entrevue. C’était dangereux et complètement irresponsable.

— Dangereux, irresponsable… mais il m’a quand même laissé repartir », fit-il remarquer, un sourire provocateur au coin des lèvres.

Elle le fixa, immobile, sans réagir à sa bravade.

« Mais il t’a quand même laissé repartir », répèta Alix.

Songeuse, elle se marcha dans le salon à pas lent. Mattéo n’ajouta rien. Il se contenta de l’observer prendre en compte la nouvelle donne que lui offrait le vampire.

« S’il considérait Naola uniquement comme un objet lui appartenant, il ne t’aurait pas laissé repartir avec le Témoin. Il ne t’aurait pas laissé repartir tout court. Un vampire qui mime l’affection ? Une façon de combler l’ennui en émulant des sentiments ? »

Elle interrompit sa réflexion d’un tapotement du doigt sur son verre.

« Intrigant, ce vampire… »

Le Maître prit une petite gorgée du liquide ambré, puis se retourna vers son élève.

« Un pari risqué, mais pourquoi pas…

— Alors on peut dire que j’ai réussi, tenta Mattéo.

— Si tu attends de moi des félicitations… »

Le jeune homme sourit. Bien sûr, Xâvier et lui n’en recevaient jamais.

« Félicitations, le détrompa le Maître. Félicitation pour cette merveilleuse annonce de mariage. Sur les toits, en pleine émeute, entre deux explosions… C’était parfait ! »

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