Une famille ?

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Je suis assis à mon bureau, en train de savourer une tasse de thé en jetant un oeil à quelques paperasses. Le soleil s'est déjà couché, marquant le début de la soirée. La lumière de la lune qui passe à travers la fenêtre n'étant pas suffisante, je me sers de l'une de ces lampes à base du cristal qui formait le sous-sol de l'ancienne chapelle des Reiss pour éclairer la pièce. C'est drôlement efficace, ces engins-là. La chute de l'ancien régime nous a décidément apporté beaucoup de points posititfs.

On toque à la porte. Je réponds :

- Entre !

Éléonore fait son entrée, souriante comme à son habitude. Elle s'approche de moi en me demandant :

- Je vous dérange ?

- Non, je réglerai ces paperasses vite fait. De toute façon, Hansi m'a dit que ce n'était pas très urgent, juste quelques formalités. Qu'est-ce que tu veux ?

Elle dépose sur mon bureau la moitié d'une pâtisserie qui a été soigneusement découpée au couteau, en répondant :

- Je voulais juste vous donner ça.

- Ce n'est pas la pâtisserie que je t'ai donnée ?

- Si, mais je veux vous en offrir la moitié.

- Pourquoi ?

- Je trouve ça triste que vous ne puissiez même pas en goûter alors que c'est vous qui les avez achetées. Vous la méritez.

- Tu sais, si j'en avais vraiment voulu, je m'en serais pris une. Merci d'avoir pensé à moi, mais tu peux la reprendre et la manger. Elle est à toi, je te l'ai donnée.

- Non, maintenant que je vous l'ai donnée, elle n'est plus à moi. S'il vous plait, prenez-la, j'insiste. Et puis, j'ai comme principe de ne jamais reprendre ce que je donne à quelqu'un.

Je pousse un soupir. Cette fille est, comme son frère, une véritable tête de mûle. Je sais que c'est inutile d'insister avec elle et prends donc la moitié de gâteau qu'elle a posée sur mon bureau.

Après quelques secondes de silence, elle me demande :

- Est-ce que je peux savoir ce qui vous est passé par la tête pour que vous rentrez en nous offrant des pâtisseries ? Vous êtes quelqu'un d'exceptionnel, mais il faut bien avouer que ce n'est pas dans vos habitudes de nous faire des cadeaux.

- Ce n'était en effet pas dans mon intention de vous en acheter, mais j'ai croisé involontairement un vendeur qui m'a proposé d'en prendre pour ma famille. Je me suis alors dit que ça vous ferait plaisir.

- Vous avez pensé à nous quand cet homme a évoqué votre famille ?

- On peut dire ça . . .

- Est-ce que ça veut dire que vous nous considérez comme telle ?

Je lève mon regarrd vers elle. Elle me regarde droit dans les yeux, de son air innocent. Un silence de quelques secondes s'installe entre nous, avant que je ne déclare :

- Je ne voudrais clairement pas avoir des gamins aussi turbulents, bruyants et mal éduqués que ceux-là.

Elle éclate de rire. Je ne vois vraiment pas ce qu'il y a de drôle dans ce que je viens de dire, mais cela ne m'étonne pas d'elle. J'ai en effet rapidement compris que c'est une personne d'un naturel joyeux et optimiste et je me suis fait à son sourire presque constant. De toute façon, tant qu'elle fait correctement son boulot, je n'ai pas à juger le reste.

Lorsqu'elle arrête de rire, elle prend la parole :

- Vous savez, il y a des enfants plus calmes et sages que d'autres, vous l'avez bien vu avec Armin, mais vous ne pouvez pas vous attendre à un enfant qui soit entièrement raisonnable et qui ne fasse aucune bêtise, c'est impossible. Cela fait partie de leur développement. On a tous été plus ou moins turbulents à une époque de notre jeunesse, pas vrai ?

- Oui, enfin, ce n'est pas le sujet.

- Dit celui qui a parlé le premier de la turbulence de ces adolescents, dit-elle en gloussant.

Je la fixe sans rien dire. J'ai parfois l'impression qu'elle se fiche un peu ouvertement de moi. C'est qu'elle n'a pas peur de dire ce qu'elle pense, celle-là. Enfin, bref. Ce n'est pas important.

Je suis sur le point de replonger dans ma paperasse, quand je l'entends dire :

- En tout cas, vous pouvez être sûr que moi, je considère cette escouade comme une famille. Non seulement mon petit frère adoré en fait partie, mais en plus, avec nos camarades, nous formons une fraterie dont je suis l'ainée.

- Je croyais que tu avais plutôt le rôle de la mère poule. Du moins, c'est ce que j'ai cru comprendre de tes amis en entendant la façon dont ils t'appellent si souvent.

- Oh, c'est juste un surnom affectueux qu'ils m'ont donné pendant notre formation pour me taquiner, mais je pense plus qu'ils me voient comme une grande soeur que comme une mère.

- Si tu le dis . . .

- En tout cas, pour ce qui vous concerne, vous êtes incontestablement la figure paternelle de notre jolie petite famille, ha ha ha !

- Moi ? Une figure paternelle ?

- Oui, je vous rappelle qu'Eren vous a quand même inconsciemment appelé "papa".

- Oh, ne m'en reparle pas . . .

- D'accord. Bon, je vous laisse. Je vais rejoindre les autres en bas. À plus tard !

Elle tourne les talons et quitte la pièce, en refermant la porte derrière elle.

Une famille ? C'est vrai qu'on a vécu pas mal de choses ensemble et que ça nous a tous beaucoup rapprochés. Malgré le fait que leur immaturité les rend parfois vraiment lourds à supporter, j'ai une entière confiance en chacun d'entre eux et je ne peux pas nier le fait de m'être attaché à ces gamins. Cependant, je ne me vois clairement pas comme une figure partenelle pour eux alors peut-on vraiment dire que je les considère comme une famille ?

Je repense au moment où le vendeur m'a proposé d'acheter des pâtisseries pour ma famille. C'est vrai qu'après avoir pensé à ma mère et mon oncle, l'image des membres de mon escouade m'est aussitôt venue en tête. Est-ce qu'inconsciemment, je les considère comme une famille ?

Je hausse les épaules. Quelle importance ça a, après tout ? Tant qu'ils vont bien, c'est tout ce qui compte.

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