Qui suis-je?

3 minutes de lecture

Seule dans l'appartement de mon arrière-grand-mère, je stresse en lavant des tasses. Genre c’est super flippant! À chaque 30 secondes, on entend un bruit soit d’ascenseur qui monte, soit d’une porte qui ouvre à quelque part sur l’étage.

J’essuie la dernière tasse. Logiquement, il faudrait que je redescende, mais bon… Ça me tente pas tant que ça. J’ai le temps. Je vais au fond de l’appartement, à la porte patio. J’observe le stationnement. Les voitures. Et je prends conscience que tout ça, ça me dépasse. Il faut que j’arrête de m’inonder d’illusions. Je ne serai jamais une très bonne sorcière. Je vivrai une vie ordinaire, dans le monde malco. Il faut que j’arrête ça. Que je revienne sur terre. Que ce beau rêve s’arrête, même si ça va être dur. Même si j’aurai l’impression de me retrouver dans un cauchemar.

Soudainement, la porte de l’appartement s’ouvre. Je me tourne vivement. Ouf! C’est juste Olivier.

- Qu’est-ce que tu regardes?

- Euh… Rien. Je viens de finir la vaisselle.

- Ah ok. Drôle d’endroit pour faire la vaisselle.

- Ta gueule.

- Hum. Ça va?

- Ouais! Pourquoi ça irait pas?

- Tu pleures.

Ah. C’est drôle, mais je m’en étais même pas rendue compte. C’est vraiment la soirée la plus étrange de ma vie.

- Euh… C’est pas grave.

- Ok.

Ma mère entre dans l’appartement. Je tourne vivement la tête pour qu’elle ne voie pas mes larmes.

- Ça va, par ici?

- Euh… ouais ouais!

- D’accord… Bon, on va y aller.

On la suit dans l’ascenseur. Entre temps, j’ai le temps d’afficher un sourire, peu convaincant, certes, mais un sourire quand même.

Je dis bye à Ghyslaine et à mes grands-parents, puis, récupérant mon manteau au passage, je vais dehors, attendant que ma mère débarre l’auto. Je m’affale sur le siège arrière, suivie de près par mon frère. S’il s’endort dans les premières minutes du trajet, je n’arrive pour ma part aucunement à relaxer, encore moins à dormir. Dans le plus grand des hasards, j’allume mon téléphone. J’ai une notification. Un texto de Jack! Rapidement, je déverrouille mon cell et me précipite pour lire le message.

Hey! Ça va, les vacances? Avec Max, on se disait qu’on pourrait se voir avant le début de l’école. Quand es-tu libre?

J’ai un sourire involontaire en lisant son message. Vraiment, ça fait du bien après cette mauvaise soirée. Je demande à ma mère :

- Est-ce qu’on est libres demain ou dimanche?

- Ben… Oui, normalement. Pourquoi?

- Ah ben… J’voulais juste voir mes amis.

- Hum… Et qu’est-ce que je dois croire de ça?

- Euh… Tu veux dire quoi, là?

- Laurie, je ne pense pas que je sois particulièrement dure ou sévère, mais là, je dois t’avouer que c’est plutôt louche. Tu disparais chaque dimanche, soi-disant pour voir tes amis. Tu vois Jack tous les jours à l’école, et je ne pense pas que tu aies besoin de les voir toute la journée, les dimanches. Sans compter qu’il est impossible de savoir où vous comptez aller.

Ouais. Je comprends. Mais je ne peux rien lui dire. Aussi bien changer de sujet.

- Ben là, je te parle de cette fin de semaine. Et ce serait juste quelques heures, un après-midi.

- Mouais… Ok. Mais là, je veux savoir : Qu’est-ce que tu fais le dimanche? Je sais bien que tu ne passes pas la journée avec tes amis.

Merde. On y est. Toutes mes excuses, tous mes mensonges ne passeront plus, rendu là. Je ne peux pas dire que je ne m’y attendais pas. C’était évident que cette conversation arriverait un jour ou l’autre. Autant y aller avec le plus que je peux dire, c’est-à-dire rien.

- Je ne peux rien te dire. Désolée, maman.

Elle me regarde intensément dans le rétroviseur. J’ai presque envie de lui dire de se concentrer sur la route, mais bon, je suppose qu’elle gère ce qu’elle fait…

- Quoi? Et pourquoi tant de secrets? C’est dangereux?

Ok, mettons que je vais mentir. Question de ne pas l’inquiéter.

- Non! C’est juste… Je t’en parlerai quand je serai prête.

- Laurie… Tu sais, tu peux arrêter, si tu fais partie d’une secte. On a juste à avertir la police et…

- Non! Je ne fais pas partie d’une secte! Je… Disons que… Je suis une…

Ma gorge se sert violemment. Un avertissement. J’ai failli tout révéler à ma mère. Heureusement que ma… gorge a fait ce truc.

- Une quoi?

- Euh… Une rejet! J’étais rejet avant! Et là j’ai des amis. Donc j’en profite!

- Mouais…

J’attends de voir si elle va rajouter quelque chose. Mais non, elle se reconcentre sur la route. Je fais semblant de m’endormir pour qu’elle ne me reparle pas.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Hermida ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0