Lucidité absurde
La lucidité rend les choses vaines de la vie absurdes.
Il est vrai que l’on vit dans le seul but de mourir.
Il est vrai que l’on survit dans le seul but de vivre un peu plus.
Il est vrai que l’on parle dans le seul but de vivre en société.
Il est vrai que l’on pense dans le seul but de se maintenir vivant et viable.
Il est vrai que la Terre est une sphère, et pourtant le monde ne tourne pas rond.
Il est vrai que seuls les écrits restent, du moins, ceux dont la recherche et la réflexion des hommes ont permis de déchiffrer.
Il est vrai que les enfants naissent absous de toute émotion, tout caractère, toute prédisposition, et pourtant certains restent plus talentueux que d’autres.
Il est vrai que les femmes restent souvent au second plan, parce qu’un fermier vante plus la marchandise issue de son champ que le champ en lui-même.
Il est vrai que les plus intelligents parlent seuls ; c’est pourquoi certains ont la voix cassée en public.
Il est vrai que les êtres les plus odieux ont déjà été de sages enfants.
Que les personnes acclamées pour leur bonté ont souvent été des harceleurs orgueilleux, aux parents capricieux.
Il est vrai que ce monde ne tourne pas rond, et pourtant la Terre est une sphère.
Il est faux, celui qui pense que tout travail mérite salaire.
Que toute besogne mérite d’être récompensée.
Il est faux, celui qui admet pouvoir devenir riche en faisant exactement la même chose tous les jours.
Il est faux, celui qui pense être unique alors qu’il est parmi ceux qui agissent comme lui.
Il est faux, celui qui a beaucoup d’amis.
Il est faux, celui qui n’a jamais pleuré.
Il est faux, l’homme qui pense être fort.
Il est faux, l’homme qui pense savoir écrire.
Et il est faux, l’homme qui a écrit ces phrases.
Vous aussi, vous êtes faux, ceux qui lisent ces lignes.
Certains écrivent avec une plume de larme, de droite à gauche, pour éviter de passer l’arme à gauche. Et d’autres lisent avec des yeux d’enclume, pour mieux comprendre la pesanteur des mots.
Une carcasse. Une épave. L'homme ne sent ni la lavande, ni les herbes de Provence. Il est une viande avariée qui varie en fonction de l'avarice de celui qui l’a nourri. Il n’est ni mauvais, ni noble. Il est une coquille de néant qui se remplit à mesure que celui-ci ment, triche, crie et saigne. À mesure qu'il s’assagit, bon et digne. Chuchote en soignant les plaies ouvertes d’autres hommes, plus vils.
L'homme est un reflet. Celui du néant. De notre néant. Une carcasse et une épave. L'homme n’est ni un miroir de l’homme, ni une entité à la recherche de l’âme sœur. Il est un déchet oublié de tous, enchaîné dans l’inconscient de tous. Et tout ce qu’il fait, c’est attendre que quelqu'un le délivre.
L'homme est une carcasse d’épave qui a échoué en voulant faire comme les autres : se considérer unique.
Or, l'homme, il est pareil à tous.
Une entité en décomposition, qui cherche, comme les hommes, à survivre dans un monde qu’ils pensent comprendre. Alors qu’en réalité, c’est le monde qui pense les comprendre.
Et à la fin, personne ne se comprend.
Dissonance de l’homme.
Entre l'homme et la réalité.
Homme. L’homme en a fait des hommes. Encore des hommes. Trop d’hommes pour peu d’enfant. L’Homme. Avec une grande hache.
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