Chapitre 6 : Nouvelle confrontation

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Je pousse les rapports en sortant du centre-ville. Le chant du moteur m'apaise un peu. Je me concentre sur la route, attendant le moment où je pourrais accélérer pleinement. Je mets enfin pied au plancher à la sortie du virage et pousse la quatrième avant de passer la cinquième. Je ne pense même pas au risque de me faire prendre. Là, je suis libre. Rien d'autre n'existe que ce ruban d'asphalte sinueux bordé par les champs et moi-même.

Sur le chemin du retour, j'espère quand même qu'il n'est pas arrivé de malheur à Xavier. Il avait l'air chauffé à blanc quand il est parti. Que peut-il lui être arrivé pour prendre la mouche aussi vite en abordant le sujet de la sexualité ? Puceau ? Impossible. Frustré ? Peut-être, mais il n'a clairement pas l'attitude d'une personne en manque.

Je sautille de flaque en flaque. Je ne cesse de me demander ce qui peut avoir traumatisé cet homme. Une rupture trop compliquée ? Qui sait. Je me retrouve enfin chez moi. Je me déshabille à peine rentrée, je pose la bouteille sur un meuble et m'affale sur mon immense canapé en cuir et me munis de mon portable. Je bidouille quelques dossiers et me retrouve sur le journal d'actions de l'entreprise. J'imprime le relevé des passages internet, me penche dessus. Je compare les IP entrantes et sortantes. Je stabilote celles qui concernent la mise en arrêt du service. Je vais, cela dit, avoir un prétexte pour me présenter lundi matin dans son bureau. Je pense à son visage à la fois dur et froid, je l'imagine s'approcher de mon visage. Ma main s'agite sous la dentelle affriolante de mon bas. J'ouvre une fenêtre internet et me trouve un porno tranquille, je me masturbe, jouis et m'endors paisiblement sur le cuir moite.

Ma petite virée m'a fait du bien et a calmé la colère qui s'est emparée de moi face à cette femme. Je rentre chez moi passablement grisé et affamé. Je sors un des plats que m'a préparé Rosalie et me pose devant un film quelconque. Je n'ai juste pas envie de penser. Les pâtes à la carbonara sont délicieuses, comme toujours. Cette nourriture chaude me fait du bien et je m'endors dans mon canapé, une fois mon repas terminé.

Mon weekend tout entier est hanté par cette femme dont les ongles et les lèvres rouges me reviennent pas flashes. Je me déteste de penser à elle. Je n'en ai aucune envie. Personne ne remplacera Marianne, je me le suis promis. Ma vie est dédiée à la rejoindre dans la mort. Je ressors l'album photo de notre mariage. Elle était si belle, si douce et délicate. J'en veux à la vie de me l'avoir arrachée… J'en veux à la mort de ne pas m'avoir emporté en même temps qu'elle. Je sens quelque chose de mouillé tomber sur ma main. Merde, je pleure. Ça faisait longtemps… Je ferme tous les volets de l'appartement et me recroqueville dans mon lit, les bras serrés autour de tout ce qu'il me reste d'elle : son oreiller qui porte encore un peu de son odeur. Je pleure si longtemps que mon corps entier semble vibrer. Déjà cinq ans et la douleur est toujours aussi vive. Je m'endors d'épuisement.

Le dimanche ressemble au samedi mais les larmes se sont taries. Il faut que je me ressaisisse pour être opérationnel demain. Je traîne comme une âme en peine et essaie de m'abrutir devant une série. Je ne saurais même pas dire de quoi ça parle. Je crois que j'ai oublié de manger hier : il reste encore trois plats dans le frigo. Je m'endors, épuisé, sitôt le repas terminé.

Je passe le week-end à penser au lundi matin. Je me perds dans quelques lignes de code. Dimanche soir arrive, il est enfin l'heure de partir rêver au lendemain. Je dors comme un bébé, sans avoir besoin d'aucun stratagème pour arriver à fermer les yeux.

Le lundi arrive. J'enfile mon costume et retrouve la contenance qui va avec. Je me sens déjà plus solide. Je suis le patron. Alexia, ma secrétaire, m'a préparé un café et des viennoiseries. Je vois à sa tête qu'elle a remarqué que je ne suis pas en forme. Je lui sais gré de ne rien dire. Je me contente de la remercier et m'enferme dans mon bureau. Je dois mettre la main sur le plaisantin qui utilise son temps de travail et la bande passante pour du porno.

Je me réveille avec une pêche incroyable. Je revêts un tailleur sophistiqué, sans pour autant être trop austère, et j'enfile un sweat à capuche. Je charge mon sac à dos de mon PC portable et d'une chemise avec les comptes rendus qu'il m'avait demandés. Je n'oublie pas de prendre la bouteille de vin. J'avale un café chaud et m'attrape un croissant à la boulangerie qui fait l'angle de ma rue. J'arrive devant son entreprise et remarque une voiture rouge clinquante. Je me demande qui peut sérieusement vouloir conduire ce genre de bolide, en ville ça tient presque du ridicule.

La société de Xavier occupe les derniers étages d'un immeuble haussmannien. Sa secrétaire, l'air cruche, me regarde de travers. Elle me demande qui je suis et ce que je viens faire là. Je lui explique que c'est moi qui suis en charge de l'administration réseau et de toute l'informatique de la boîte. Sa face pâlit, je lui demande de m'amener au bureau de son boss. Déconcertée, la femme se lève et m'invite à la suivre. Tandis que nous avançons à travers les différents offices, je ne peux que constater la quantité de matos informatique seulement utilisé pour brasser de la bureautique... Quel gâchis. Je n'aime d'ailleurs pas la décoration de leurs locaux, il n'y a pas une seule pauvre plante. C'est bien morne ici. Je comprends mieux pourquoi cet homme n'éprouve pas de joie à vivre. Rien que son environnement professionnel est morbide. J'arrive face à une porte fermée : "Bureau de M. De Rivesaltes, Directeur". Bon bah c'est à moi de jouer on dirait bien.

Je frappe à la porte.

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