Chapitre 7 : Les nouvelles recrues

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Sorenn avait regagné sa chambre à l'auberge. L'aubergiste avait gracieusement fourni une chambre à la fois pour Brenna et pour lui. Allongé sur son lit, le jeune homme ne pouvait s'empêcher de repasser en boucle l'affrontement avec les agresseurs dans son esprit. Il avait été émerveillé par la façon dont Brenna les avait protégés en utilisant l'Anumancie. Cependant, une question persistait dans son esprit : comment avait-elle appris cette forme de magie ? Selon ses propres dires, l'anneau qu'elle avait utilisé ne lui appartenait pas. Sorenn avait plusieurs questions à lui poser à ce sujet, mais Brenna avait mis fin à la conversation, laissant transparaître une certaine gêne lorsqu'il avait évoqué l'anneau.

Sorenn décida de mettre de côté ces interrogations pour l'instant. Il avait besoin de dormir, car il ne lui restait que quelques heures avant le début de la sélection des recrues de l'Ordre. Les épreuves qui les attendaient étaient ardues et exigeaient une concentration maximale. En fermant les yeux, Sorenn espérait que le sommeil lui apporterait du repos et la clarté d'esprit dont il avait besoin pour affronter cette journée cruciale.

Au petit matin, Sorenn émergea lentement de son sommeil, ses paupières s'ouvrant sous la caresse des premiers rayons du soleil. La chambre dans laquelle il se trouvait était modeste, offrant une atmosphère simple et rustique. Les rayons matinaux filtraient à travers les interstices des rideaux, répandant une lueur chaleureuse et dorée dans la pièce. Il pouvait sentir le parfum subtil du bois vieilli, mêlé à une légère odeur de cire d'abeille provenant des meubles en bois qui décoraient l'endroit.

Son regard se posa sur le lit où il avait passé la nuit. Le matelas, bien qu'il ne fût pas des plus confortables, avait suffi à lui offrir un repos réparateur. Les draps simples mais propres étaient soigneusement disposés, une petite commode en bois, usée par le temps, se tenait modestement contre le mur, quelques effets personnels y reposaient, témoignant du passage de voyageurs éphémères.

Sorenn s'habilla rapidement et se rafraîchit le visage, la fatigue de sa courte nuit laissant des marques sur ses traits. Il attrapa son sac, contenant ses maigres affaires, et se dirigea vers la porte, prêt à sortir. Cependant, il fit une pause et pensa à son ami Bragg sans qui il n’aurait pas été là. Puis il ouvrit la porte et sortit. Ils s'étaient donné rendez-vous avec Brenna à l'entrée de la taverne, il passa devant l'aubergiste, qui semblait lui aussi avoir passé une courte nuit, et échangea un geste amical. À l'extérieur de la taverne, Brenna était assise sur sa valise, son regard fixé vers le ciel. Quand elle aperçut Sorenn, son visage s'illumina aussitôt.

"Eh bien, regarde qui a enfin décidé de se réveiller," taquina-t-elle. Sorenn remarqua que la gêne qui se lisait sur son visage précédemment semblait avoir disparu.

"Honnêtement, je n'ai jamais été du matin," sourit Sorenn, sortant de son sac une carte de la contrée partiellement dépliée. "Il semblerait que le rassemblement doit avoir lieu au Fort Brisé."

Brenna s'approcha de Sorenn et observa la carte. "Effectivement, le Fort Brisé se trouve sur l'île au milieu du lac," dit-elle en désignant l'île sur la carte.

"Comment pouvons-nous rejoindre l'île ?" demanda Sorenn en se grattant la tête.

"Eh bien, figure-toi que l'Ordre a mis à disposition une embarcation pour rejoindre l'île," répondit la jeune femme.

Les deux amis se dirigèrent vers le lac, marchant d'un pas déterminé. À la lumière du jour, les petites rues du niveau trois semblaient moins sinistres. Les maisons en pierre grise se succédaient, les devantures des magasins étaient closes. On était bien loin de l'atmosphère chaleureuse et animée de la contrée de Rochebois. L'ambiance était plus austère, presque morne ici

Les deux amis marchaient depuis près d'un quart d'heure, descendant le long d'une rue pavée qui débouchait sur un petit bâtiment aux murs gris. À côté de celui-ci, une embarcation de taille moyenne était amarrée à un ponton en bois. Deux Anumas, reconnaissables à leurs uniformes bleus et leurs anneaux aux doigts, étaient postés devant l'embarcation, tandis qu'une file de personnes s'était formée, attendant patiemment leur tour pour monter à bord, certains étaient vêtus de manière modeste, portant des vêtements usés et d'autres semblaient plus aisés, revêtant des tenues plus soignées

Une autre personne s'installa dans la file derrière les deux amis. C'était un jeune homme du même âge qu'eux, plutôt grand et maigre, vêtu d'un costume élégant semblable à ceux portés par les hommes d'affaires et d’une petite valise noire. Sa chevelure blond couleur blé était soigneusement coiffée avec une raie sur le côté gauche, et des cernes sous ses yeux trahissaient une certaine fatigue. Le visage de ce jeune homme semblait empreint d'anxiété, ses regards furtifs cherchant quelque chose dans les alentours.

Intrigués par son comportement agité, Sorenn et Brenna échangèrent un regard interrogatif. Le jeune homme paraissait nerveux, scrutant la file d'attente et les environs comme s'il cherchait quelqu'un ou quelque chose en particulier.

Brenna adressa un regard bienveillant. Un doux sourire s'épanouit sur ses lèvres, dans l'espoir de dissiper un peu de tension dans l'air. "Est-ce que ça va ?" demanda-t-elle d'une voix calme au jeune homme.

Le jeune homme semblait avoir du mal à trouver ses mots. Son regard scrutait frénétiquement les environs, comme s'il s'attendait à ce que quelque chose se produise à tout moment. "Euh... oui, oui, ça va", répondit-il finalement, sa voix trahissant toujours une pointe d'anxiété.

Sorenn, se joignant à la conversation, prit la parole pour apaiser l'atmosphère. "je m'appelle Sorenn, et voici Brenna", dit-il en désignant sa compère d'un geste de la main. Il tendit sa main en signe de salutation.

Le blond, encore plongé dans ses inquiétudes, accepta timidement la poignée de main de Sorenn. "Moi... moi, c'est Willis Brunel", répondit-il d'une voix légèrement tremblante.

-Avancez hurla l’un des Anumas poster devant l’embarcation

Sorenn, Brenna et Willis montèrent à bord de l'embarcation, après que tout le monde ait embarqué l'un des Anumas activa son anneau argenté. Dans un mouvement fluide de la main, la passerelle se détacha toute seule et l'embarcation commença à se déplacer d'elle-même. Les recrues observaient avec admiration ce spectacle qui s'offrait à leurs yeux.

Alors que l'embarcation voguait sur les eaux du lac en direction du Fort Brisé, une tension palpable régnait dans l'atmosphère. En effet, aucune des recrues ne savait ce qui les attendait une fois arrivées au Fort. Les esprits étaient remplis d'incertitude

Sorenn avait pris le parti d’analyser les autres recrues, se remémorant les paroles répétées de Bragg : "L'information est le nerf de la guerre." Parmi les recrues qui avaient attiré son attention, il y avait une jeune femme aux immenses lunettes qui n'avait pas levé la tête de son parchemin depuis leur embarquement. Il y avait aussi un jeune homme imposant, mesurant au moins deux mètres de haut, dont la peau sombre indiquait des origines des Archipels du Sud. Son visage arborait une expression sévère, et lui aussi semblait observer attentivement les autres recrues.

Pendant ce temps, Brenna s'efforçait de rassurer Willis qui était toujours aussi anxieux. Assise calmement sur le rebord de l'embarcation, elle lui demanda : "Pourquoi es-tu aussi tendu ?"

Willis, assis près de Brenna, les genoux repliés sur lui-même, répondit d'une voix hésitante : "Je... je ne suis pas à l'aise quand il y a trop de monde." Son regard scrutait également les environs, tout comme celui de Sorenn, mais probablement pour des raisons différentes.

Le bateau avait navigué pendant plus de dix minutes, s'approchant enfin de l'île du lac et du Fort Brisé. L'embarcation s'arrêta près du ponton et une passerelle fut abaissée. Toutes les recrues descendirent du bateau, où deux autres Anuma les attendaient sur le ponton.

Sorenn, Brenna et Willis, qui avait décidé de rester avec eux car il se sentait plus rassuré en leur compagnie, avancèrent sur le ponton. Sorenn reconnut immédiatement l'un des Anuma, qui n'était autre qu'Isaac, celui qui l'avait aidé lors de l'attaque de Rochebois et sans qui Bragg n'aurait jamais pu être sauvé.

Isaac reconnut également Sorenn et vint le saluer chaleureusement. "Eh bien, on se retrouve !", s'exclama-t-il avec un sourire, accompagné d'une tape amicale dans le dos qui manqua de faire tomber Sorenn. Ce dernier se reprit de justesse et répondit : "Ça peut aller."

"Bon, on se retrouve l'intérieur du fort". dit Isaac, se détachant pour indiquer le chemin aux autres recrues, Il s'éloigna vers l'embarcation, laissant Sorenn, Brenna et Willis perplexes.

Brenna interrogea immédiatement Sorenn, surprise : "Tu connais des membres de l'Ordre ?" Willis afficha également une expression interrogative, attendant des éclaircissements.

Sorenn répondit d'un air évasif : "Je ne le connais pas vraiment... enfin, si, un peu... c'est une longue histoire." Sa réponse ne fit qu'attiser la curiosité des deux autres recrues, mais il préféra balayer leurs interrogations en changeant de sujet.

"Je me demande quel genre de recrutement l'Ordre effectue", dit-il en scrutant au loin les contours du fameux Fort Brisé qui se dessinaient à l'horizon.

Brenna avait remarqué la manœuvre de Sorenn pour éviter de répondre en détails, mais elle décida de ne pas insister et répondit simplement : "Malheureusement, les recrutements de l'Ordre sont hautement secrets. Il paraît qu'ils imposent une entrave à chaque recrue refusée empêchant toute divulgation des détails concernant le recrutement."

"Pourquoi prendre autant de mesures... C’est surement des épreuves terrifiantes", s'exclama Willis, horrifié, en se tenant la tête entre les mains.

Isaac et son partenaire avaient demandés aux recrues de les suivre en direction de l'entrée du Fort Brisé. Cette imposante structure aux murs gris, qui avait autrefois servi de prison pendant la guerre des trois Semaines, c’était le seul bâtiment encore debout sur l'île du Lac. Abandonnée depuis plusieurs années en effet l'île était parsemée de ruines.

Une fois à l'intérieur du fort, Isaac demanda aux recrues de former quatre files et d'attendre dans le hall central, celui-ci avait une forme rectangulaire et était éclairé par de petites lucarnes tout autour. Une estrade en bois se dressait devant les recrues. Sorenn remarqua une table à sa droite, remplie de petits gobelets, et devant l'estrade se trouvait une table avec un dispositif étrange. Les recrues étaient toutes pleines d'interrogations, et un brouhaha résonnait dans les files. Soudain, l'atmosphère se refroidit d'un seul coup, et les recrues se turent instantanément.

Un homme de taille moyenne fit son entrée dans la salle, et à sa vue, tous les Anuma postés tout autour du hall se redressèrent et firent le salue militaire qui consistait à poser la paume de sa main droite sur la poitrine et d’incliner légèrement la tête vers le bas. L'homme traversa le hall en passant au milieu des allées former par les files de recrues, puis monta sur l'estrade. Sorenn le reconnut immédiatement : c'était Sig, l'Anuma qui était intervenu à Rochebois aux côtés d'Isaac. Sig se positionna au centre de l'estrade, ses yeux bleus semblaient analyser chaque recrue avec attention.

"Bienvenue au Fort Brisé, le lieu où se forge l'élite de l’Ordre. Je suis Sigmund Northern, capitaine de milice de l'Ordre, c'est avec honneur que je me tiens devant vous aujourd'hui. Vous avez décidé de vous engager dans cette lutte face au Voleur de chance et ses fléaux

L’évocation du Voleur de chance avait tétanisé toute la salle, Sorenn sentit son cœur s'emballer, mêlant à la fois la peur et l'excitation. Son corps tout entier était électrifié par ces sentiments contradictoires. Un rapide coup d'œil à Brenna lui montra qu'elle avait détourné la tête de l'estrade, peut-être submergée par l'émotion. Puis, ses yeux se posèrent sur Willis, toujours empreint d'une nervosité palpable. Sorenn reporta ensuite son attention sur l'estrade, déterminé à écouter la suite du discours de Sig.

"Que votre détermination soit inébranlable, que votre esprit soit aiguisé et que votre cœur soit empli de courage", continua Sig, sa voix portée par une conviction profonde. "Laissez votre véritable potentiel briller, et ensemble, nous bâtirons un avenir meilleur. Sur ceux je vous laisse avec celui qui dirigera cette session de recrutement " conclu Sig tout en indiquant de la main la porte d’entrée. Les regards de tous convergèrent vers cette entrée, où un homme attendait patiemment.

Cet homme était imposant, dépassant facilement les deux mètres de hauteur. Sa stature puissante était en parfait accord avec sa taille. Il arborait une chevelure grisonnante, mi- longue, atteignant ses épaules, tandis qu'une barbe naissante grisonnante lui donnait un air robuste. Une immense cicatrice traversait son œil droit comme tous les anumas il portait le traditionnel uniforme bleu, mais contrairement aux autre anumas il arborait en plus un long manteau gris au col relevé

L'homme traversa le hall et se posta au centre de l'estrade, où Sig avait précédemment occupé sa place. Ce dernier se tenait désormais derrière lui.

"Quel discours ! Tu as toujours été doué pour cet exercice", ironisa-t-il en tournant la tête vers Sig. Ce dernier ne releva pas la remarque, restant impassible.

"Je m'appelle Ivan Koliakov, lieutenant-colonel et instructeur au sein de l'Ordre. Je dirigerai cette session de recrutement, comme l'a si bien dit le capitaine Sig", déclara-t-il d'une voix ferme. Ivan fit quelques pas de chaque côté de l'estrade, puis se tourna à nouveau vers la foule et commença son discours.

"Dans ce monde ravagé par les Fléaux, chacun d'entre vous a perdu quelqu'un : un père, une mère, un ami", ses paroles résonnèrent dans l'esprit de Sorenn, mais il refusa de laisser transparaître la moindre faiblesse. Il ne voulait pas montrer la moindre vulnérabilité. Mais laissez-moi vous dire ceci reprit Ivan, en tant que soldats de l'Ordre vous devez mettre de côté vos raisons personnelles et vous engager à servir l’Ordre comme des outils dévoués. Ici, il n'y a pas de place pour les rêveurs, les faibles ou les égoïstes.

La guerre contre les Fléaux est impitoyable, et vous devrez affronter des défis insurmontables. Renoncez à votre individualité et obéissez sans poser de questions. Si vous êtes prêts à sacrifier tout cela, vous aurez la chance de servir quelque chose de plus grand que vous."

"Il ne peut pas s'empêcher de ressasser ces vieux discours, marmonna Isaac à voix haute qui se tenait à l'arrière de la salle.

Les recrues restèrent stupéfaites devant le discours d'Ivan, ce dernier les fixait d'un regard sévère. Après plusieurs secondes qui semblaient durer des heures pour les recrues, Ivan éclata de rire, d'un rire tonitruant. Les recrues restaient incrédules face à ce qui se déroulait devant leurs yeux.

"Vous devriez voir vos têtes !" continua Ivan en riant. "Bon, nous allons commencer", ajouta-t-il en se frottant les mains, avec un sourire malicieux aux lèvres

Il leva la main droite, révélant un anneau orné de symboles gravés tout autour. Une lueur translucide jaillit de celui-ci, formant une aura qui l'enveloppa. D'un simple mouvement de la main, il fit flotter la centaine de gobelets qui reposaient sur la table à sa droite, les plaçant un par un devant chaque recrue.

"Je vous prie de boire", déclara Ivan d'une voix calme mais puissante. Les recrues échangèrent des regards emplis d'interrogation, comme si elles attendaient un signe de validation de la part de leurs compagnons. Une légère tension flottait dans l'air, chacun se demandant ce que cachait réellement cette étrange boisson qui, bien qu'elle ressemblât à de l'eau, avait forcément une signification plus profonde. Ivan insista : "Allez-y, vous pouvez boire en toute confiance."

Sorenn, chercha instinctivement le regard de Brenna, espérant y trouver une lueur de réconfort pour l'encourager à consommer cette mystérieuse liqueur. Brenna, tourna lentement son regard vers Sorenn, lui fit un subtil signe de tête, lui offrant ainsi son approbation silencieuse. Les recrues saisirent les gobelets dans leurs mains, leurs doigts légèrement tremblants de curiosité, puis d'un geste presque synchronisé, ils portèrent les gobelets à leurs lèvres et en burent le contenu d'un trait.

Les effets furent instantanés et variés parmi les recrues, chaque individu réagissant différemment à la substance étrange qu'ils venaient d'ingérer. Ivan observait attentivement les réactions des recrues, arborant un léger sourire de satisfaction

Ivan d’un ton calme mais déterminé demanda : "Levez la main, ceux qui ont ressenti un goût sucré." Près de la moitié des candidats levèrent la main, confirmant ainsi leur expérience gustative particulière.

"Très bien", déclara Ivan en hochant la tête. Puis, il posa la question suivante : "Et combien d'entre vous ont ressenti un goût métallique ?" Cette fois-ci, l'autre moitié des recrues leva la main, parmi lesquelles figuraient Sorenn, Brenna et Willis.

Le lieutenant Koliakov marqua une pause, son visage exprimant une légère surprise. "Cinquante-cinquante, c'est plutôt rare comme situation", commenta-t-il avec un soupçon d'intérêt.

Puis, sans perdre de temps, il ajouta d'une voix ferme : "Bien, que tous ceux qui ont ressenti un goût métallique quittent immédiatement cette salle."

Un sentiment de panique s'empara de Sorenn à l'annonce d'Ivan. Son cœur s'accéléra et une anxiété grandissante envahit son esprit. Avait-il échoué au test ? Les doutes et les interrogations se bousculèrent dans sa tête. Il jeta un coup d'œil rapide à Brenna et Willis, cherchant une réponse ou un signe d'encouragement, mais leurs regards reflétaient la même inquiétude.

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