Chapitre 22

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Par Julien Neuville: https://www.atelierdesauteurs.com/author/559679119/julien-neuville

*

Charlotte tira le frein à main et ouvrit sa portière sans regarder. Un cycliste secoua la tête, bien qu’il fut à deux mètres d’elle sur la bande cyclable du passage Delessert. Elle avait trouvé une place qui n’aurait pu contenir qu’une Mini, mais était parvenue à s’y glisser en se garant à la perpendiculaire.

La jeune femme leva la tête vers la façade crème de l’immeuble aux fenêtres bordées de balconnières fleuries, puis se dirigea vers la porte. Elle sonna à un interphone au hasard et patienta. Quelques instants plus tard, alors qu’elle s’apprêtait à appuyer sur un autre bouton, une fenêtre s’ouvrit au-dessus d’elle.

La lieutenante recula en dégainant son badge et découvrit une vieille femme qui la regardait d’un air suspicieux.

— C’est vous qui avez sonné ?

— C’est la police madame. Je cherche Sonia Vitali.

— Connais pas.

— Vous pouvez m’ouvrir ? C’est important.

— Vous avez un mandat ?

Charlotte se mordit l’intérieur des lèvres, mais tenta de rester calme.

— Madame, il n’existe pas de mandats de perquisition en France.

La femme sembla mâcher quelque chose, puis haussa les épaules.

— Si vous le dites.

Elle referma la fenêtre et quelques instants plus tard, Charlotte entendit un cliquetis résonner dans la porte. Elle la poussa et découvrit la vieille femme debout sur son paillasson. Elle portait une chemise de nuit à rayures bleues, qui rendait son teint encore plus blafard dans la pénombre de la cage d’escalier.

— Je suis la gardienne, qu’est-ce que vous lui voulez à la petite ?

— Je croyais que vous la connaissiez pas.

La femme plissa les lèvres, avant d’ajouter :

— C’est que vous êtes pas la première à la demander, y a déjà votre collègue qui l’a demandée alors je me méfie, vous êtes sûre que vous êtes de la police ?

Charlotte fronça les sourcils, pendant que la femme se grattait la tête, ses cheveux suivant le mouvement comme s’ils étaient d’un seul bloc.

— Mon collègue ? De quoi vous parlez ?

— Il m’a réveillée cette nuit, alors que je m’étais endormie devant Plaza. Il est marrant ce gars-là, avec ses mimiques et tout…

Charlotte sentit que quelque chose clochait sérieusement.

— Madame, je vais avoir besoin d’un témoin de la perquisition, il faut que je monte immédiatement voir mademoiselle Vitali. Vous pouvez me guider ?

La gardienne ouvrit la bouche puis se ravisa.

— Je vais vous chercher la clé.

Elle disparut chez elle, pendant que Charlotte glissait la main dans son dos et en sortait son arme. Elle en vérifia la sécurité, l’abaissa et la tint contre sa jambe en faisant les cent pas.

— Hey mais, qu’est-ce que vous faites ? l’interpella la vieille qui était de retour.

— Je prends mes précautions.

Elle avait enfilé une veste bordeaux par-dessus sa chemise de nuit et troqué ses mules contre des ballerines à boucle. Madame était de sortie.

Elle gravit les marches avec lenteur, en se tenant à la rambarde, Charlotte sur ses talons.

Parvenue au premier palier, la femme s’arrêta et se mit à respirer bruyamment, visiblement avec exagération. Son souffle semblait mêler fatigue et inquiétude.

— C’est ici ? murmura Charlotte.

— Non, au deuxième.

Elles reprirent leur ascension. Quelques marches avant le second palier, la jeune femme retint la gardienne par le bras et lui passa devant en dodelinant du menton vers les deux portes, les sourcils relevés.

— À gauche, chuchota la vieille en redescendant d’une marche sans quitter la lieutenante des yeux.

Charlotte frappa à la porte de côté et attendit. Aucun son ne perçait le voile qui semblait se tisser dans ses veines. Elle frappa une seconde fois. La gardienne était figée, la clé tremblante à la main. Charlotte tendit le bras et la lui prit, puis la glissa dans la serrure et ouvrit.

— Mademoiselle Vitali ?

Pas de réponse.

La lieutenante mit un doigt devant ses lèvres à l’intention de la gardienne, et pénétra dans l’appartement. La petite entrée sombre contrastait avec la lumière vive qui pénétrait dans la pièce plus loin, vraisemblablement le salon. Charlotte vit l’arrière d’un canapé dans son champ de vision, puis avança le plus silencieusement possible.

Elle découvrit une table basse, deux poufs en velours et un téléviseur à écran plat. Mis à part ça, la pièce était vide.

Elle s’approcha de la porte fermée qui jouxtait le canapé et tourna le bouton, puis glissa la main qui tenait son arme en premier en ouvrant rapidement la porte.

La pièce était éclairée par le jour qui filtrait à travers des rideaux en dentelle, illuminant un lit dans lequel Sonia Vitali dormait, tournée vers le mur. Charlotte ne voyait que ses cheveux, qui dépassaient de la couette blanche ornée de cœurs mauves.

Plusieurs peluches étaient disposées sur le lit, et une par terre, un morse dodu. Charlotte en eut le cœur serré, tant son fils lui manquait. Elle s’imagina une fraction de seconde se glisser dans le lit pour venir se blottir contre Sonia Vitali, comme elle le faisait pour Théo quand il avait du mal à s’endormir.

— Mademoiselle Vitali ? chuchota-t-elle. Sonia ?

La femme couchée ne bougea pas, tandis que Charlotte faisait le tour du lit. Elle aperçut alors la table de nuit, jusque là masquée par la silhouette de la fameuse Gladys, ainsi que les quatre plaquettes éventrées à côté de la boite en carton. Zolpidem.

Charlotte s’accroupit, remonta la sécurité de son arme, la remit dans son holster, et glissa deux doigts dans le cou de Sonia Vitali, dont les lèvres sèches ne laissaient plus passer le moindre souffle. La lieutenante baissa la tête, soupira en secouant la tête, puis se releva.

Sur le pas de la porte, la gardienne avait porté la main à son cœur, qui semblait le seul battement dans le silence de mort qui s’était déposé sur leur réalité.

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