Chapitre 12

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Anton

Je m’extirpe tant bien que mal du lit, ce matin. Nous sommes dimanche, considéré comme le jour de la famille pour mes parents. C’est sûrement pour cette raison que ma mère souhaite nous voir aujourd’hui. La soirée d’hier n’a pas été des plus roses. Tu es restée enfermée toute la soirée dans la chambre, sans rien avaler. Je t’ai entendu te relever dans la nuit. En te recouchant, tu as déposé un baiser sur mes cheveux, ce qui m’a rassuré. Tu étais sans doute calmée. Je comprends que tu puisses être en colère contre moi ; après tout, j’aurais dû dire à ma mère que tu avais voulu mettre fin à tes jours. Je voulais simplement nous protéger de ses remarques assassines. J’ai eu tort, voilà tout.

Je te regarde une dernière fois avant de sortir de la chambre. Tu es complètement décoiffée, mais cela te donne un charme fou. Je vais me faire un café à la cuisine pour bien me réveiller. Un papier plié en deux est posé sur le comptoir près de la cafetière. Un À Toi écrit au feutre fuchsia y est inscrit. Je déplie la feuille pour le lire.

Anton,

Je suis terriblement désolée pour ce soir, enfin, hier soir, puisque tu liras ces mots demain matin. C’est très confus dans ma tête. Et tant qu’on est dans les excuses, je dois t’avouer que je me suis fait mal, encore une fois. C’est plus fort que moi, je ne peux pas m’arrêter. J’ai peur que tu aies honte de moi, que tu me supportes seulement parce que tu as pitié. Alors je me blesse parce que tu mérites mieux.

C’est ce que ta famille pense aussi. J’ai sûrement mal réagi. Je voulais que tu sois honnête avec ta mère parce que tu me dis toujours d’accepter qui je suis et que si les autres ne comprennent pas, c’est leur problème. J’avais envie que tu suives ton conseil, mais après avoir réfléchi, je comprends ta décision. Je n’y adhère pas, mais je la comprends. Tu voulais me protéger. Te protéger toi, aussi. Mais tu sais, pour que je guérisse, il faut que j’affronte la réalité. Alors tu n’as pas besoin de cacher aux gens ma tentative de suicide. Tu m’aimes, c’est ce qui m’importe le plus. Je t’aime aussi, et ça ne changera jamais.

Je souhaite que l’on dise la vérité à ta mère lors de sa visite. C’est important pour moi, j’espère que tu ne me contrediras pas.

Je me sens terriblement honteux. D’abord, je me rends compte que j’aurais dû être honnête avec ma mère. Ce n’est pas juste envers toi. Je te dois d’être le même avec tout le monde, dans toutes les situations. Je ne peux pas te dire d’accepter qui tu es et d’assumer tes actes si c’est pour agir de manière diamétralement opposée lorsque tu as le dos tourné. Je ne m’opposerai donc pas à ta décision. Je la salue et la respecte ; elle montre bien ton courage immense.

Ensuite, je n’ai pas remarqué tes blessures en allant me coucher, alors que je les vois toujours. Je veux savoir quand tu lacères ta peau. Je ne peux pas te faire arrêter du jour au lendemain, je sais pertinemment que c’est impossible, mais je caresse l’espoir de t’aider à trouver une autre façon de gérer tes émotions. Et je m’en veux de ne pas toujours être en mesure de te protéger de toi-même. En quelque sorte, tu es ta pire ennemie. C’est difficile à admettre pour moi, car tu ne ferais pas de mal à une mouche. Tu es probablement la femme la plus gentille qu’il m’ait été donné de rencontrer. Ta naïveté l’emporte parfois, tu te fais avoir de temps en temps, mais cela ne te rend pas moins généreuse. Tu te soucies réellement des autres, ton âme est pure et doit le rester. Il n’y a qu’avec toi que tu ne fais pas preuve de la même compréhension.

Le reste de la matinée se passe sans encombre. Je te prends dans mes bras dès que tu te lèves, et tu me demandes de te faire l’amour avec une sensualité qui me surprend. Tes caresses sont douces, le rythme est lent et délicieux, je retrouve la chaleur de ton corps avec bonheur et me délecte de tes baisers.

Nous préparons une salade composée pour le déjeuner. J’adore ces moments de partage dans la cuisine, chacun apportant un savoir-faire qui lui est propre. Nous échangeons nos idées sur la recette à suivre, puis discutons un peu de ton À Toi au moment de nous mettre à table.

- Je suis d’accord avec toi. Nous allons parler à ma mère de ta tentative de suicide et de ton séjour à l’hôpital.

- Comment elle va réagir, d’après toi ?

- Mal. Je ne sais pas exactement de quelle façon, mais sa réaction sera négative, dis-je en haussant les épaules.

- C’est tout ce que ça te fait ? glousses-tu.

- Elle peut bien dire ce qu’elle veut, ce qui m’importe, c’est ton bonheur.

Le repas se termine par nos sourires respectifs, peut-être un peu niais, mais en symbiose totale.

Ma mère arrive à treize heures trente, l’heure de son café d’après-déjeuner. Elle sonne trois fois, comme à son habitude. Le protocole est si cérémonieux qu’on croirait accueillir la Reine d’Angleterre. Ton stress se lit sur ton visage, aussi je te prends la main en souriant d’une façon que j’espère rassurante et marmonne :

- Que le spectacle commence.

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