Chapitre 14 - Relance - partie 1

2 minutes de lecture

- XIV -

Relance

(partie 1)

Après une courte escale à Paris et deux ans d’absence, j’ai enfin atterri à Nice à 12h48, heure locale. J’étais en forme et en uniforme, trop heureux de rentrer chez moi pour laisser parler l’épuisement qui ankylosait pourtant chacun de mes gestes.


J’ai vu la silhouette sombre de Diego qui m’attendait de l’autre côté de la douane. J’ai traversé le hall des arrivées en courant comme un gamin. Et je suis tombé directement dans ses bras. Ses yeux brillaient de larmes et de joie, et ça m'a joyeusement chatouillé le sourire. Il m'a inspecté des pieds à la tête ; il a gratifié mon épaule abîmée d'une grimace douloureuse et réprobatrice, et il m'a serré contre lui.


Nous avons vite quitté l’aérogare et la foule qui allait avec. Diego m’a trouvé trop maigre et il a décidé de m’emmener déjeuner. Nous avions quelques heures devant nous : mes filles étaient à l’école jusqu’à 17h45, et Catalina avait accepté une garde jusqu’à minuit pour être tranquille pendant les quatre jours suivants.


Diego et moi avons donc tranquillement refait le monde devant d’énormes assiettes de pâtes. Entre deux bouchées, j’ai trouvé le temps et le besoin de lui expliquer le sang et la mort, le blanc et la peur. Je crois que c’était ma façon personnelle et maladroite de lui dire que je l’aimais, je crois qu’il le savait et qu’il le sait encore bien au-delà des mots.


Ensuite il a senti que je ne tenais debout que par entêtement, et il m’a emmené à la maison pour que je me repose avant d’affronter mes remuantes jumelles. Je me suis écroulé sur le canapé sans même prendre le temps d’être ému de rentrer chez moi. J’ai dormi deux heures comme un loir exténué.


Puis nous sommes partis chercher les filles à l’école. J’ai reconnu tout de suite mes deux feux follets : elles avaient grandi mais non changé, et elles étaient comme toujours les plus belles de l’école. Elles m’ont sauté au cou, elles m’ont attrapé les mains et le cœur avec entrain et avec bonheur. Je les ai serrées contre moi pendant quelques minutes et ma poitrine s’est dilatée au fil de leur chaleur et de leur câlin. J’ai senti mon sang se réveiller le long de mes artères tandis que je m’imprégnais des deux soleils filants qu’étaient mes deux enfants.


Manon était toujours belle et slave, son regard était nacré comme des perles de nuit. Esméralda reflétait merveilleusement les traits de sa mère et ses yeux étaient limpides comme des perles de jade. Elles allaient bientôt avoir sept ans et le temps les avait un peu assagies, même si elles restaient coquines et malicieuses.


Elles avaient hérité de la verve de leur mère et elles m’ont assailli de questions toute la soirée. J’ai donc été patient pour la première fois de ma vie. Je leur ai expliqué ce qu’était une guerre et ce que j’avais été y faire. Et surtout, je leur ai dit que j’avais été méchant et que je n’aurais pas dû partir sans leur dire au revoir. Elles m’ont demandé d’un air grave si j’allais rester avec elles pour Tous Les Matins du Monde. Et je leur ai promis juré craché que plus jamais je ne partirais nulle part sans les avoir embrassées. Alors elles m’ont fait deux gros bisous sonores et elles sont passées à autre chose.

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