Chapitre 14 - Relance - partie 3

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- XIV -

Relance

(partie 3)



Quand je me suis réveillé, le soleil et Catalina étaient déjà levés depuis longtemps. Il était tout là haut dans le ciel mais elle était bien là, juste en face de moi, qui me regardait dormir avec un petit air coquin et un grand sourire cristallin. J’ai eu droit à mon bisou du matin et à un délicieux câlin. J’avais à l’épaule une douleur lancinante, vestige de mes opérations successives, qui plaidait fortement pour l’abstinence et l’immobilité. Mais j’avoue que j’ai consciencieusement fait la sourde oreille et que je me suis laissé grignoter avec une délectation aussi savoureuse que partagée.


Après le réconfort, l’effort : j’ai voulu me lever et je n’ai pu retenir ni un « aïe » sonore ni une grimace éloquente. Catalina a soudain eu l’air inquiète, elle m’a palpé l’épaule doucement et c’était bien la première fois que ses mains me faisaient mal ; elle a conclu son examen en ajustant mon attelle et en me disant d’aller voir un médecin. J’ai refusé net : nous avions prévu de partir avec nos filles pendant trois petits jours et seule l’amputation aurait pu me faire renoncer à une telle bouffée d’air.


Mais Catalina a menacé de ne pas venir si je ne me faisais pas examiner. Alors je me suis résigné à consulter une doctoresse de la clinique, à qui j’ai promis de faire toutes les analyses et toutes les rééducations du monde en échange de trois jours de liberté. Elle a souri devant mon obstination mais ne m’a épargné ni l’auscultation complète ni la radiographie de contrôle. Elle ne m’a laissé ressortir de son bureau qu’à quatre conditions : je ne devais pas quitter mon attelle, je ne devais pas me baigner, je devais revenir la voir dans trois jours sans faute, et la plus jolie des aides-soignantes de Cannes et du monde entier devait vérifier chaque matin et chaque soir que mon épaule n’avait pas bougé. J’ai bien essayé de protester, mais le ton sur lequel ces prescriptions m’ont été faites m’a convaincu de les respecter.


C’est donc éclopé et entravé que j’ai passé les trois jours les plus précieux et revigorants de ma vie. Nous avions trouvé un gîte isolé dans l’arrière-pays où nous avons passé des instants merveilleux et seuls au monde. Catalina resplendissait dans le calme estival et nos filles étaient gaies comme des étoiles pimpantes. J’ai bu de tout mon cœur leur amour et leur douceur.


A la fin de notre escapade, nous avons dû reprendre le fil de nos vies : Catalina visitait des appartements entre deux gardes à la clinique, les gamines arpentaient joyeusement les couloirs russophones de leur école, tandis que je m’offrais une visite guidée des cabinets médicaux spécialisés de la région.


On m’a imposé un suivi très strict et un lourd programme de rééducation ; mais j’ai échappé à une nouvelle hospitalisation et je n’en demandais pas plus. Après trois mois, j’avais retrouvé une mobilité correcte dans l’épaule et la douleur était redescendue à un niveau supportable.


Malgré tous mes efforts, j’ai été déclaré inapte à reprendre mon service au sein de l’armée de l’air ; ils m’ont cependant gardé comme formateur et je n’ai pas rendu mon uniforme… Et Catalina a eu l’air tellement soulagée quand je le lui ai annoncé que je n’ai pas vraiment regretté ce verdict pourtant sans appel.

Finalement, la dernière séquelle de cette guerre était une séance hebdomadaire  de kiné; c’était tout à fait surmontable et j’ai enfin pu reprendre une vie humaine, au grand air et au grand amour.

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