PROLOGUE

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 Rien ne peut l’arrêter. Arme chargée contre son torse, il plisse les yeux pour discerner le moindre mouvement à son approche. Entouré de ses hommes, il avance dans la nuit, zigzaguant entre les troncs massifs de la forêt. Le bruit que font les loups à une trentaine de mètres d’eux échauffe Ugo qui arbore un sourire victorieux.

 Son corps tremblant, ivre de ces sensations tant connues, il se laisse aller par ce regain d'énergie. Son sang pulse dans ses veines, prêt à sauter sur le groupe d'individus qu’il a en visuel. Il sent son cœur battre à une vitesse effrénée. Il régule sa respiration hachée et calme son anticipation. Le plan risque de tomber à l’eau si, à la hâte, Ugo vient à céder à ses pulsions meurtrières. Il fronce les sourcils, plaçant le viseur de son fusil de chasse à hauteur des yeux, percevant des mouvements entre les arbres.

 Il garde son objectif en tête, celui de massacrer ces bêtes immondes. Ugo fait un geste insonore à ses hommes qui se déploient en demi-lune. Bien que les arbres ne facilitent pas leur visibilité, chacun trouve sa place. Ils sont cinq et ils comptent bien en finir avec la menace de cette meute qui pèse sur Clearwater.

 Les ennemis sont au nombre de quinze et avec un peu de sérieux, Ugo est persuadé que son groupe va réussir à les éliminer avec une simplicité enfantine. Les yeux rivés vers le camp de fortune, Ugo prend son mal en patience. Ces bêtes pathétiques lui filent la gerbe, bien malgré lui, il doit garder son calme. À une vingtaine de mètres de là, son cœur fait un looping dans sa poitrine. C’est le moment. Il sent la tension monter à mesure que les secondes s’écoulent.

 Soudain, le vent se lève.

 L’un des loups, le plus proche d’Ugo, flaire l’air. Les poils hérissés, il se tourne vers le chasseur. Celui-ci fronce les sourcils, étonné par le comportement du lupin. Ugo sait que la bête a pris trop de temps pour réaliser qu’il se tenait derrière lui. L’aboiement du loup alerte la meute qui jappe et grogne. C’est le signal. Les premiers tirs font décamper le groupe, une réaction qui n’appartient pas à une meute habituelle. Rageur, Ugo mitraille trois fuyards tandis que Carl, son bras droit, en tue deux autres. Le visage crispé, il reste quelques instants figé, observant les dernières touffes de poils disparaître dans la nuit noire.

 — Patron ? murmure l’un des chasseurs.

 — Prenez les colliers, nous en avons terminé ici.

 Ugo est perplexe par ce qu’il vient de se passer. Il jette un œil aux quatre chasseurs qui n’ont pas l’air de s’interroger. A-t-il fabulé ? Il garde la bouche fermée, soupirant. Ugo passe une main sur son arme afin d'enclencher la sécurité, se faisant interpeller par l’un de ses subordonnés.

 — Moche, pas vrai ?

 Ugo toise les trois cadavres, en saisissant d’une main les colliers qu’il lui tend.

 — Comme toutes les abominations.

 Ugo grince des dents lorsqu'il remarque des poils liés par une cordelette. Il y en a plusieurs, tous accrochés sur les colliers. C’est comme une sorte de rituel ? Ce n’est pas banal. Il n’a jamais vu ça. Les pendentifs sont propres à chaque meute, fait de bois et d’une simple corde, ils permettent d’un coup d'œil de savoir dans quelle clans ils appartiennent. Les chasseurs possèdent un bestiaire répartissant les différentes meutes de la Colombie Britannique selon les bijoux qu’ils ont amassés au fil des siècles. Ugo est certain de ne pas reconnaître ce symbole. Soupirant, il ignore le chasseur et s’approche des monstres. Il passe une main distraite sur le corps duveteux du cadavre et grommelle. Encore une bizarrerie. Son poil est rêche. D’ordinaire, il ne doit pas l’être, car un loup-garou est doux et soyeux. Ils sont bien souvent dans leur forme humaine et ils s’intègrent avec les gens, copiant leurs manières, hygiène incluse. Avec le temps, leur fourrure s’est adoucie.

 Songeur, il glisse sa main sur la blessure et ôte la balle incrustée dans la chair encore chaude. Les doigts ensanglantés, Ugo regarde la cartouche en argent, souriant lorsqu’il constate que toute la plante à l’intérieur a été injectée dans cette bête. Il jubile. Ça a fonctionné.

 — C’est un bijou de fabrication, murmure-t-il.

 — Ugo ?

 Il se tourne vers l’homme qui le surplombe, fronçant les sourcils lorsqu’un canon froid se pose contre son front. Qu’est-ce qu’il fout cet idiot ? Ugo regarde son collègue, la gorge sèche. C’est donc lui, le traître.

 — Je peux savoir ce que tu fous ?

 — Il faut que je passe un message clair, tu sais.

 Il est bien décidé à tuer Ugo ce soir. Le leader hausse un sourcil, pas inquiet pour le moins du monde. Cette trahison dégoûtante, ça lui pend au nez depuis des années. Ugo se demande même comment cela se fait qu’il a attendu autant de temps pour agir.

 — Je suis l’unique.

 Une brise froide le fait frissonner. Il ne regrette pas. Il part l’esprit libre. Sans qu’il n’ait le temps d’ouvrir la bouche, sa tête est propulsée en arrière. Les yeux ouverts, des bouts de chair et de crâne explosent, s'effondrant sur le sol boueux de la forêt de Clearwater.

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