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Prieur Bertahm Corbius, palais d'Anais de Corvinus au Bas Corvin

Les hautes tours du palais de Périssier composaient l’univers de Corbius. C’était là un monde fait de grandeur et de royauté. Toutes ces constructions s’élevaient ainsi dans les airs et dominaient le vieux religieux de toute leur impressionnante hauteur.

Toutes étaient construites de la même manière. Elles s’étendaient depuis leurs solides bases de pierre en s’étirant ensuite telles de frêles et éphémères flèches de bois vers le distant et maussade ciel du Bas Corvin.

La capitale du sud était encore bien calme. La matinée et le mauvais temps devaient freiner la grouillante ville du Bas Corvin. C’était tout du moins ce que se disait Corbius. Réaliste comme il l’était, il savait que la cité, et plus généralement la région, s’était peu à peu vidée de ses forces vives. Aspiré par l’insatiable sangsue de la guerre. Mais tout cela fut comme appelé à changer quand les cloches de la ville annoncèrent la fin de la matinée. Comme si la léthargique ville se réveillait munie de ses derniers soubresauts de force.

Le distant temple de la cité fit bientôt résonner ses nombreuses cloches qui furent reprises tel un écho par celles du palais de la royauté. Les nombreux oiseaux qui peuplaient les vieillissantes boiseries des tours s’envolèrent alors en de nombreux essaims formant bientôt de petits et sombres nuages dans le ciel.

Quittant ces différentes visions qui lui étaient offertes, Corbius enleva ses mains des rêches rebords de pierre de la fenêtre pour retourner à son bureau. À son travail qui lui n’allait pas s’envoler.

Les dimensions de son propre « petit royaume » étaient à l’échelle de la considération que lui portait la reine Anaïs. Après tout, il était simple prieur sans affiliations de la foi des Trois depuis les événements de la capitale. Mais un prieur qui avait tout de même l’oreille de la fille du défunt roi de ces terres…

Un accomplissement pour un homme avec de modestes origines. Un accomplissement et un sort qu’il avait forcé à advenir.

Il était, par son dur travail durant ses nombreuses dernières années, devenu l’un des hommes de confiance de la reine. Bien ironiquement, il fallait l’avouer. Car seul Corbius était au fait de ses pensées. De ses ambitions pour lui et le royaume du Corvin. Un chemin qui pourrait d’ailleurs à terme s’avérer différent de celui de la reine.

Cependant Corbius ne lui souhaitait aucun mal, après tout, il l’avait vu naître. Et le roi, même disparu, avait encore tout son respect.

Foulant l’antique parquet de son bureau, le religieux fut accompagné à son bureau par les craquements des planches du sol. Si ces dernières semblaient anciennes, le bureau de Corbius n’était pas en reste. Le meuble, le bois, avait pris une teinte sombre avec le passage du temps. Cela rendait plus difficile la lecture des parties taillées de main de maître qui représentaient les Sauveurs ainsi que les hommes s’étant battus à leurs côtés. Ces sculptures s’étendaient sur le long du bois telle une fresque de leur histoire dont Corbius connaissait évidemment les moindres détails.

Le prieur rallia alors la chaise qui jouxtait cette grande table sans plus de flânerie et s’assit. Reposant son corps qui, il fallait bien le dire, n’était plus des plus jeunes. Corbius rapprocha la chaise de la table pour se mettre au travail. Il saisit les grosses lunettes qui reposaient sur leur riche support décoré avant de reporter son attention sur la pile de documents qui semblait bien envahir l’espace de travail.

Le prieur s’éclaircissait la gorge et se motiva donc à lire les nombreuses lettres destinées à sa seule attention. Il y avait des missives de toutes les tailles, de toutes les formes. Corbius, qui s’était déjà équipé de son fin couteau, ouvrait à présent les sceaux et rubans les uns après les autres.

D’un geste appliqué, comme machinale face à l’impressionnante pile de travail qu’il devait traiter, il ouvrit les documents pour les approcher de ses yeux vieillissants. Réaffirmant la tenue des lunettes dont il s’était équipé, il lit alors rapidement les lignes qui courraient sur les nombreuses feuilles de papier dégradées pour certaines par leur long voyage.

Le sujet de chacune d’elles était bien sûr différent. Variant entre doléances adressées à la souveraine, rapport des espions du prieur et simples banalités de lointaines connaissances.

Son attention baissait à chacun des textes qui se dévoilaient à lui. La pile semblait ne pas se finir et ce fut d’autant plus vrai lorsque Corbius entendit quelqu’un frapper à sa porte.

Ce fut l’un de ses aides qui s’approcha muni de nouveaux documents.

Corbius qui, tout de même, le remercie se replongea dans son travail lorsque ledit servant quitta prestement le bureau. Comme durant la prime matinée, les heures passèrent. Elles défilèrent sans discontinuer et Corbius se transforma en bourreau de travail. La pile de documents lus commença bientôt à s’élever sur le bois laqué du bureau en toisant sa grande jumelle à l’autre bout du bureau.

Lorsque Cobius déposa une énième missive de demande, son intention fut captée par une lettre laissée dans sa protection de cuir. Déliant le lacet qui nouait la poche, le prieur déplia les pans de cuir sur le bureau et se mit à parcourir le texte, les lettres qui noircissaient le parchemin.

À première vue, rien de bien particulier. Il semblait s’agir d’une énième missive destinée à rappeler une amitié à Corbius dans l’espoir d’en tirer quelque bénéfice. Pourtant si le contenue ne captait point son attention. Le vieux religieux se retint de déposer la lettre sur la pile de documents lus lorsqu’il regarda à nouveau le destinataire du message.

Pazino Abati.Un nom qui semblait marquer Corbius…

Ce nom était comme un souvenir lointain qui ne désirait qu’être redécouvert. Mais à chaque fois que le prieur forçait sa mémoire pour cela, le nom et l’identité du destinataire lui échappaient encore et toujours.

Et ce fut quand Corbius laissa vagabonder son regard sur sa cruche de vin que ce dernier revint à lui. Pazino Abati, un code qu’il avait utilisé fut un temps pour échanger avec le grand seigneur Priamo Petitit.

Par tous les Saints… se disait le religieux. Que venait bien faire ce nom ici…

Sans plus attendre, Corbius se mit à ouvrir l’un des nombreux tiroirs de son bureau. Sa main experte reconnaissait chaque recoin de cet espace exigu et en fin connaisseur, il repéra bien vite la subtile corde qui se cachait dans un des angles de ce petit compartiment.

Il tira dessus et mit au jour la cachette bien remplie que comprenait le tirroire.

Sortant une petite boîte en cuivre, il referma avec soins le tiroir avant d’ouvrir le contenant bien mystérieux. Une poudre jaune y prenait place et d’un geste, Corbius recouvra l’arrière de la lettre de cette dernière.

À première vue, rien de notable ne se passa. C’était comme saupoudrer de terre un papier en espérant un quelconque miracle mais dans ce cas précis la magie. Ou plutôt le tour de passe-passe prit du temps à opérer.

Le papier était alors humidifié par la poudre.

Un effluve citronné vint bientôt au nez de Corbius et des lettres apparurent alors tel un fantôme qui écrivait un message au religieux :

À l’attention du Prieur Corbius Bertham,

Cher Prieur, je vous transmets le compte-rendu de mes actions comme nous en avions convenu il y quelques mois de cela. Je suis malheureusement alité à l’heure où j'écris ses lignes.

Mais nulle crainte, je suis entre de bonnes mains avec vos frères et sœurs du Temple de Vembois. Pour en revenir à l’origine de ma position actuelle, laissez-moi vous parler des prémices de mon voyage. Après vous avoir quitté, j’ai poursuivi mon devoir avec l’inquisiteur Kreisth. Nous avons suivi toutes les traces laissées par l’Ordre. Ces dernières rares et éparses nous ont conduit loin dans le Haut Corvin. Nous avons chassé chaque membre de l’Ordre que nous ne convertissions pas.

Les insignes de Kreisth lui ouvrirent bien des portes, mais nulle trace de notre véritable gibier. Les Ghesïls restaient introuvables…

Ce fut pourtant lors d’une sombre nuit que nous retrouvâmes la trace de l’un d’entre eux. La bourgade de Vedènne nous accueillit et nous y trouvâmes non seulement le Ghésil, mais un ennemi que nous pensions diminuer. Le culte nous a attaqués et la victoire ne fut pas simple. J’ai moi-même versé mon sang lors des affrontements.

Des trois Géshils, seul un est toujours dans la nature. L’ordre a bientôt disparu au Corvin, mais le culte lui me semble être bien dangereux à présent.

Ne pouvant continuer notre combat, j’ai à contrecœur laissé l’inquisiteur poursuivre ses investigations. Je reste donc en convalescence pour l’heure et prie les Trois pour une rapide rémission.

Mes pensées accompagnent notre camarade sur les dangereuses routes du nord et je vous présente à nouveau mes sincères salutations et vous assure à nouveau de mon dévouement à notre cause.

Juliano Petiti

Alors que la lettre reposait à présent sur la table face au prieur. Corbius ne resta pas longtemps perdu dans ses pensées. Il rapprocha la bougie du meuble et vit le document disparaître face à ses yeux. Les avides flammes couraient sur la surface blanche en la transformant en de fins copeaux noirs.

La tâche de Corbius semblait se complexifier. Il avait de nombreux atouts dans sa manche, de compétents alliés, mais tout cela ne le réjouissait guère. Un ennemi semblait être enfin diminué et un ancien resurgissait…

Il n’y avait décidément pas de repos…

Pour Corbius, il n’y avait qu’une fin à toute cette aventure. L’accomplissement de ses plans, ou la mort. La sienne et celle d'un futur pour son cher royaume du Corvin

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