Naissance d'une amitié autour d'un bain

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A bien y regarder, cette fille était jolie sans plus, bien que Dame Nature l'ait dotée d'une généreuse poitrine qu'on pouvait même qualifier d'« arrogante » - ça vient de moi ! Pas l'adjectif mais le commentaire. Notre petit homme lui n'y voyait rien d'outrageux... vraiment les hommes...

Mais je suis mauvaise langue, malgré ses formes généreuses c'est autre chose qui attirait son œil, quelque chose qui titillait son esprit. Il voyait dans son regard une certaine bizarrerie qu'il n'avait pas vue depuis si longtemps... peut-être même qu'il ne l'avait jamais vue... Était-ce de la bêtise ? De la naïveté ? Il ne saurait pas le dire.

Son regard se tourna ensuite sur le lieu où il se trouvait et il remarqua qu'il était effectivement dans de l'eau, elle brillait de mille feux et était rose et dorée, il était si bien dedans. Subjugué par le bonheur dont l'enivrait cette eau, il passa à côté du fait qu'il était tout nu dans cette eau. Ce qu'il finit par remarquer en faisant juste de l'arithmétique logique : « Fille + bain + nudité = GROSSE HONTE » !

Il se jeta sur son sexe pour le cacher à la vue de cette intruse avant de vouloir se cacher l'ensemble de son corps, elle ne devait pas le voir, il était à découvert, elle voyait l'ensemble de ses anomalies physiques.

Que devait-elle penser de lui à ce moment-là ?

Elle devait sûrement le prendre pour un monstre. Et pourquoi il s'inquiétait que cette fille le prenne pour un monstre ?

Ça n'était pas la première ni la dernière !

HAAAA ! criait son cerveau.

Ses mouvements erratiques et désordonnés le faisant bouger comme un fou éclaboussaient la princesse qui, agacée par ce comportement infantile, maintint ses bras contre ses hanches, plongeant dans cette eau mystérieuse.

- Tu n'es pas tout nu alors arrête de bouger ! le gronda-t-elle.

Elle le touchait...

Elle le touchait ?

ELLE LE TOUCHAIT !

Et apparemment elle n'était pas dégoûtée, qu'est-ce que c'est que cette histoire ?

Même le jeune homme en fut surpris, au point qu'il voulait la fuir mais elle serrait tellement les bras qu'il aurait dû lui faire du mal pour s'en dégager.

- Ne t'inquiète pas, le rassura-t-elle, elles t'ont mis un short de bain avant que je te lave.

HEIN ? Mais elle est très entreprenante cette fille. Elle lave souvent les inconnus qu'elle rencontre.

- Souffle un bon coup.

Il lui obéit et détendit ses muscles.

- Hé bah voilà ! dit la jeune femme ravie, je ne te pensais pas aussi pudique au point d'en ressentir le besoin de t'agiter comme ça.

Elle le lâcha et il se mit en boule dans cette baignoire remplie de cette eau pailletée, cachant son visage entre ses genoux. Il ne la connaissait pas mais elle lui inspirait un peu confiance, après tout, il n'était plus dans cette cellule pitoyable et y avait juste deux gardes à côté d'eux. Ces deux-là lui taillaient ouvertement un costard. S'il n'y avait pas cette demoiselle, il les aurait déjà défenestrés.

- Ne te préoccupe pas d'eux, dit l'inconnue en le ramenant à lui, j'ai tant de choses à te demander mais je veux déjà te dire quelque chose.

Le Héros haussa un sourcil interrogateur et releva un peu la tête.

- Je voudrais te remercier de m'avoir sauvée de cette tentative d'assassinat, c'était la première fois que je suis passée aussi près de la mort. D'habitude, je suis toujours sauvée in-extremis par un garde, un champion, mes parents, mes amis ou la reine elle-même mais cette fois-ci j'allais vraiment y passer et voir qu'un inconnu comme toi... puisse se préoccuper de moi alors... qu'on ne se connaît même pas... c'est tellement...

Elle baissa la tête et fixa ses jambes pleurant à chaudes larmes.

- C'est si gentil ! finit-elle par dire.

Sentant que ça lui chatouillait les yeux et la poitrine, il éclaboussa la jeune femme, se retrouvant totalement mouillé sous le regard surpris des deux gardes. Ses habits commencèrent à laisser transparaître ses dessous et bas, elle exigea des deux gardes qu'ils s'en aillent.

- Mais nous ne pouvons vous laisser seul avec cet humain !

- Vous préférez que je vous fasse exécuter pour m'avoir reluquée.

Les gardes s'en allèrent en fuyant de la pièce.

- Et toi pourquoi tu as fait ça ?

Le garçon haussa les épaules et les mains en souriant à pleine dent pour qu'elle puisse distinguer son sourire.

- Ah oui ! C'est vrai que tu ne parles pas, se rappela-t-elle, je vais devoir te poser que des questions fermées.

Le Héros hocha lentement la tête en regardant droit devant lui.

Il n'osait pas la regarder droit dans les yeux à cause de sa timidité naturelle qui reprenait le dessus à cause de cette hallucinante situation. Tous ses muscles étaient crispés, il tentait, avec difficulté, de garder son visage impassible, mais c'était laborieux de l'être avec cette fille à la longue chevelure brune qui ne lui manifestait aucune animosité, c'était tout le contraire, elle paraissait avoir une véritable sympathie pour lui... Mais avoir de la sympathie pour quelqu'un ne signifiait pas lui frotter le dos ! On est dans un shojo là ?

- Au fait, c'est bizarre que tu me comprennes ? remarqua la Fée, c'est plutôt rare les humains qui parlent l'Oli'Ane, surtout si jeune, tu es réellement humain ? lui demanda-t-elle.

Le Héros hurla de rire bruyamment, effrayant sa soigneuse avant qu'elle comprenne qu'il se moquait en la regardant avec un air amusé qui semblait dire : « Sérieusement, ça ne se voit pas... ».

- Arrête de rire ! ordonna-t-elle se sentant embarrassée par sa question, tu te moques, on dirait que c'est évident que tu es humain avec ce que tu as fait au stade et ce tr... cette tâche noire... qui recouvre ton corps.

Il fixa son reflet dans l'eau. C'était vrai qu'il ressemblait aucun être humain ou Féérique qui existe, il était donc ardu de définir son appartenance raciale - bien qu'en le touchant elle remarqua ses oreilles arrondies au lieu d'avoir un tubercule de Darwin comme la majorité des Féériques. Mais c'était comme ça, il avait décidé d'avoir la force de soumettre ce chevalier et ses sbires.

- Tu sais depuis que tu t'es évanoui, j'ai tenté de la retirer en frottant de toutes mes forces sur toute la partie noire de ton corps avec la potion contre les maléfices que j'ai mis dans le Bain Miraculeux, mais rien ne change depuis tout à l'heure.

Bonne chance pour la lui retirer, surtout avec cette méthode. Si c'est pour la force qu'il a sacrifié son apparence, ça ne sera pas forcément par la force qu'elle pourra la lui retirer mais pour quelque chose qui lui a été retiré, qu'il a rejeté mais qu'il recherche malgré lui et qu'il demande dans ses prières depuis qu'il est petit.

- Bon, je sais que tu ne peux pas me parler mais avec tes doigts et mes propositions, tu pourras m'indiquer de quoi il s'agit ? proposa-t-elle, ou même, t'as juste à hocher la tête pour la réponse juste. Bon alors : un pour la malédiction héréditaire...

Aucune réaction.

- ... deux pour le sortilège jeté sur toi...

Toujours aucune réaction.

- ... trois pour le contre-coup magique parce que les humains vous n'êtes point très bon en magie, rit-elle.

Encore aucune réaction.

- Euh... bah...quatre pour un pacte que tu as scellé..., dit-elle d'un ton hésitant.

La mâchoire du Héros se resserra mais il resta calme, et il ne montra, encore une fois, aucune réaction.

- Alors je ne sais pas là ! rouspéta la Fée, cinq pour tout autre chose.

Le Héros resta pareillement de marbre.

Il n'avait aucune envie de déballer sa vie à une personne qu'il ne connaissait ni d'Adam, ni d'Eve. La sauver de deux tentatives d'assassinats ne signifiait pas qu'il allait faire ami-ami avec elle.

- Tu sais, je prends quand même bien soin de toi, tu pourrais me faire confiance !

Cela était son problème si elle éprouvait l'envie de guérir sa maladie, de lui retirer sa malédiction ou autre chose.

- Non, je comprends, se ravisa-t-elle en prenant une voix plus calme, on se connaît à peine, voire pas du tout en vérité, et tu te réveilles dans une baignoire avec une inconnue qui te frotte le corps et qui te pose des questions. J'admets que cela doit être déroutant pour toi. Alors je vais faire amende honorable et te dire un secret (pas si secret que cela finalement). Approche l'oreille que je te le dise.

Le Héros obéit et s'approcha d'elle, il tendit son oreille et elle, avança ses lèvres près de lui.

- J'ai oublié de me présenter auprès de mon héros, alors recommençons. Je suis l'une des princesses de Sylviana, royaume protecteur des Féériques dont je dois hériter dans un futur très proche, mais ma particularité première qui ne se voit pas au premier abord, c'est que je n'ai pas de nom. Voilà mon secret, finit-elle en s'éloignant de l'oreille de l'ancien prisonnier.

Le Héros écarquilla les yeux, il ne savait pas ce qui le choquait le plus : le fait que cela soit une princesse qui va devenir reine qui le soignait et qui le lavait ou le fait qu'elle aussi n'avait pas été nommée.

Vous devez vous dire qu'il est bête de n'avoir pas remarqué que la fille qu'il avait sauvée était une personne importante, cependant rappelez-vous que vous assistez à l'histoire des deux points de vue... Mais c'est vrai qu'il est sacrément con ! Néanmoins, ne pensez pas non plus que parce que c'est une princesse que le Héros donnera plus de crédit à ses paroles ou à ses attaques, ou il aura plus de considération pour elle, plus que pour une pauvre fille orpheline... C'était même tout le contraire, il haïssait les gens de la haute société, bien trop haut pour voir ce qu'il se passe sous leurs pieds. Cependant, le fait qu'elle soit une princesse l'embellissait encore plus, mais plus important, le fait qu'elle n'ait pas de prénom le fascinait encore plus.

- Ça t'étonne ? dit la Fée d'un air taquin amusée de la surprise dans le regard du Héros, c'est vrai que ce n'est pas commun pour une « noble ». En même temps, à peine étais-je née qu'on renia mon existence car je suis différente de mes semblables, expliqua-t-elle en ayant la vision troublée en se remémorant son passé mais en s'attelant toujours à sa tâche, comme dit l'adage : « Ne pas nommer les choses, c'est nier l'existence... ».

Le Héros avait déjà entendu cette expression auparavant de la bouche de sa mère, mais il manquait une partie à cette citation de ce penseur humain d'un temps lointain.

- Mal nommer les choses, c'est leur ajouter du malheur...

La Fée sursauta, elle guetta dans tous les recoins de la pièce pour savoir d'où provenait ces paroles, puis se remit en face du Héros et le fixa intensément.

- C'est toi qui as parlé ? demanda la fée aptère avant de remarquer qu'une nouvelle plaie s'était ouverte sur son front détournant son attention sur la personne qui avait prononcé ces mots, comment tu t'es encore fait ça ? ronchonna-t-elle, tu abuses ! J'ai passé deux heures à les effacer !

Effacer ? Donc la poussière de fées ne guérit que les blessures physiques, pas les maladies et autres ? Cela aurait été trop beau. Alors pourquoi voulait-elle tant en récupérer ?

La Fée remarqua que même pour la voix, elle n'eut droit à aucune réponse de sa part, et de toute façon, la voix était bien trop rauque pour qu'elle soit issue d'un individu qui semblait jeune au premier abord, mais avec cette tâche noire qui recouvrait son visage, il lui était difficile d'estimer son âge bien qu'elle sentait qu'il était aussi jeune qu'elle. Bien sûr tous les mâles de la Terre ont une puberté, et celles des humanoïdes semblaient être similaires aux humains, donc s'il était bien humain, il devrait avoir une voix déraillée qui part dans les aiguës par moment, pas celle d'un trentenaire massif ou d'un faune.

Sortant de sa réflexion, elle se rappela qu'il avait des affaires à récupérer.

- Au fait, les médecins ont retiré tout cela de ton corps, lui indiqua-t-elle en pointant un panier qui était à la droite du Héros.

Il pivota les yeux dans la direction du doigt et vit tout l'attirail qu'il cachait dans son corps, derrière ses blessures : son holophone, son matériel de crochetage, un pistolet à balle creuse et un autre laser - mais tous les deux avaient été vidés -, une grenade électromagnétique - qui a été neutralisée -, des devises provenant de différentes cités, différentes cartes d'identité, de l'eau bénite et autres bibelots sans valeurs ou plus ou moins utiles - il avait aussi des balles en argent qui lui avaient été confisquées - dans des situations que n'avait jamais vécus la Fée. Il regarda son interlocutrice qui lui rendit son regard avant de comprendre ce qu'il voulût lui dire :

- Non. Ne t'inquiète pas, je sais à quel point le monde extérieur est dangereux, je ne vois aucun mal à ce que tu aies tout ça, le rassura-t-elle, mais la question qui me taraude l'esprit c'est : comment tu as fait pour mettre tout ça dans ta poitrine et tes entrailles ? Tu n'as vraiment pas l'air d'être une personne ayant des capacités chirurgicales.

Il hocha les épaules.

Enfin une réponse, elle n'aurait jamais cru en recevoir, même si c'était un simple « je ne sais pas » cela valait mieux que ces regards méprisants - qu'il avait tout de même cessé après qu'il avait appris qu'elle n'avait pas de prénom.

Même si elle était ravie d'enfin obtenir une réponse, elle n'était pas satisfaite de ce simple haussement d'épaules mais elle allait s'en contenter pour l'instant.

- Tu me répondras plus tard. Pour l'instant, je vais continuer tes soins.

Elle reprit un gant de toilette et lui frotta le front en lui étalant cette mystérieuse eau magique sur le visage. La sensation de chaleur et de bien-être qu'il avait ressenti durant son sommeil. C'était si bon !

Voyant le sourire du Héros, la Fée lui demanda :

- Est-ce la première fois qu'on use sur toi de la poudre de fées ?

Il hocha la tête.

Une seconde réponse ! se réjouit la Fée, finalement, il n'était pas aussi réticent à parler !

- Ça se voit vu comment tu étais crispé quand on t'a mis dedans ! rit la Fée, ce bain en est rempli, en plus d'une potion pour lutter contre le maléfice que tu es sur le corps. Normalement, tu devrais te sentir mieux après ça, surtout que tu n'as pu te laver depuis que tu es arrivé à Sylvania, je peux te dire que tu ne sentais vraiment pas la rose...

Quelle honte ! Non seulement, elle le lavait mais en plus elle a dû endurer son odeur fétide parce que les autorités de cette ville n'accordaient pas de douche à leurs détenus. Quel travail épuisant avait-elle dû effectuer pour retirer toute la crasse et le sang qui s'étaient incrustés sur son corps, et en plus, avec ses cicatrices qui ne cessaient pas de réapparaître à chaque fois ? Il devait peut-être être plus conciliant avec elle après tous les efforts qu'elle avait - étonnant qu'aucune cicatrice ne soit infectée - fournis, lui manifester plus de sympathie, surtout qu'il en ressentait pour elle.

Alors, malgré la honte, il prendrait sur lui.

Mais elle ne devait se faire aucun espoir futile : il n'y avait aucune chance qu'elle pût défaire de ce maléfice, seul lui, en vainquant le chevalier et assouvissant sa vengeance pourrait se désensorceler.

Néanmoins, le bien fou que lui procurait ce bain lui faisait lui dire que cela valait le coup d'avoir tous ces maux s'il pouvait y rester éternellement avec cette fille aux oreilles pointues, il l'accepterait... Il commençait même à s'endormir dedans.

Le voyant se détendre, la Fée oubliait qu'il y a à peine quelques heures de cela, il faillit être exécuté par la reine et que sa vie était encore en sursis.

Mal nommer les choses, c'est leur ajouter du malheur..., pensa-t-elle, serait-il réellement le Némésis ? Si elle se trompait, il ne mourrait pour rien...

Quelques heures plus tôt, au milieu du stade.

Je tiens à revenir là-dessus.

Je ne vous ai pas menti... Je n'étais juste pas au courant que le Héros était le Némésis ! Mais après tout, il est le Héros de cette histoire. Donc je n'ai pas vraiment menti.

J'avoue je fais un peu ma David Goodenough.

Mais pour l'instant, reprenons.

- Lui ? Le Némésis ? s'exclama la Fée, je veux bien qu'il ait accompli des choses dépassant le commun des humains mais de là à le mettre au même niveau que le Héraut du Malin, c'est...

- J'avoue, ma Dame, que c'est un peu fort de café, intervint le soldat Birnet, y a quand même un nombre de choses explicables entre un humain lambda et le Némésis tout de même. Vous-même vous avez affronté des humains modifiés auparavant.

- Des humains modifiés capables de se téléporter sans magie, incantation, sigle ? T'en as vu beaucoup ? Tu sais combien de temps cela met avant de pouvoir se téléporter ?

- Non...

- Trente minutes ! lui répondit la reine, et je peux te dire que trente minutes c'est long lors d'un siège, coincé sur une montagne complètement embrasée par les flammes des Nordules et de leurs dresseurs de dragons, raconta-t-elle bruyamment, et encore, c'était pour se téléporter dix kilomètres plus loin et courir à travers le brassier qu'était devenue la forêt de Tarmistriel. Donc quand je vous dis que ce qu'il a fait tient de l'impossible, ce n'est pas une blague, assura la reine.

Audisélia avait le même regard que celui d'une folle, son expression faciale était un mélange entre de la colère et de l'inquiétude. Personne ne l'avait vue jamais ainsi, sauf le garde Sawyer, il savait que son inquiétude n'était pas vaine au vu de ce qu'ils ont été témoins, autant ce jour-là qu'autrefois.

Ce genre d'exploits, il en a été le spectateur, il y a très longtemps de cela, lorsque cette femme était venue, il y a vingt-cinq ans de cela, à une époque où la reine Synomia était mourante et était sur le point de mourir, elle souffrait d'un mal inconnu de tous, donc, comme à ce moment-là, on organisait le tournoi pour mettre sur le trône une nouvelle reine. C'est pendant cette période qu'elle fit la connaissance de ce phénomène de foire qu'était cette humaine.

Celle qui allait devenir la meilleure amie de la reine Audisélia.

Sawyer prit la main de la reine avec ses deux mains et la rassura.

- Ce n'est pas à toi de le vaincre, Sélia, déclara le garde Sawyer, s'il est effectivement le Némésis, elle reviendra sûrement lui régler son compte et tu la reverras forcément.

- Comme si j'avais besoin de la revoir ! Qu'elle fasse sa vie ailleurs... même si...

Sélia ? répéta la fée en son for intérieur.

Elle observait sa reine et son garde du corps. Tous les deux étaient vraiment proches, peut-être étaient-ils des amis d'enfance ?

Elle se demandait aussi qui était cette personne que citait le garde Sawyer qui avait le don d'à la fois irriter et apaiser le cœur de la grande guerrière qu'était la reine Audisélia.

Sa Majesté essuya ses larmes et reprit sa grande stature.

- Mais tu as sûrement raison, renifla-t-elle en souriant, l'Héroïne de la légende va sûrement refaire son apparition.

- Hein ? interrompit la Fée, vous...vous...vous connaissez le Héros de la légende ?

- Bah oui, c'est ma copine ! s'écria toute souriante la reine Audisélia, elle est géniale...

Sawyer lui mit une gifle sur l'épaule pour qu'elle se comporte comme une digne reine. Elle toussa et se reprit :

- Effectivement, l'Héroïne est une connaissance à moi, et oui, c'est une personne formidable. Toutefois, revenons sur le sujet premier, et après vos arguments, je pense que je vais lui laisser le bénéfice du doute mais prenez-lui son glaive qu'on identifiera de son authenticité ou l'inverse. Et toi ! s'adressa la reine à la princesse.

- Oui ? sursauta la Fée.

- C'est toi qui va-t'en occuper ! lui ordonna-t-elle, déjà tu vas le laver et le soigner grâce au Bain Miraculeux, les mages essaieront de lui retirer ce maléfice qui lui a été jeté en préparant un quelconque sort ou potion qui sera associé au Bain Miraculeux...

- Attendez ! interrompit la fée aptère, vous voulez dire que je vais laver un humain moi-même ? Un Homme ? Un mâle ? Non ! Non ! Non ! répéta-t-elle, je ne peux pas toucher un autre homme que le mien ! s'insurgea-t-elle, désolé mais je refuse.

La reine, tous les gardes et autres soldats regardèrent autour de la Fée et autour d'eux-mêmes et Audisélia lui demanda :

- Où est-il ?

- Euh...

- Voilà, je vais lui casser la gueule, dit la reine.

- Sélia !

- Non ! Pas cette fois, Sawyer ! On lui confie la vie de l'une de mes successeuses et lui la laisse s'approcher d'un dangereux individu. Occupez-vous du pseudo-Némésis, moi je vais le convoquer.

La reine était vraiment en colère contre Beneltig. Et la Fée savait que la colère de la reine n'était jamais mesurée, aucune de ses actions étaient mesurée. Heureusement que le Royaume était en temps de paix parce que rien que la colonne de foudre qu'elle a envoyée sur l'humain était une attaque bien trop démesurée.

C'est vrai que Triface avait une justice qu'on pourrait qualifier de non seulement expéditive mais surtout d'abominablement disproportionnée par rapport aux faits qui étaient reprochés aux accusés - combien de personnes issues des Basfonds ayant simplement volé un bout de pain se sont retrouvées au fin fond des Limbes ?

Alors on pouvait s'attendre au meilleur comme au pire avec la reine.

La Fée voulait atténuer sa colère, mais la reine la fit taire immédiatement.

- Ne crois pas que tes belles paroles vont le sauver une nouvelle fois, l'avertit-elle, je sais que c'est toi qui l'as choisi, ou qu'il se trouvait être ton seul choix, autre que les sales pervers qui se laissaient contrôler par leurs hormones et qui exigeaient une rémunération « douteuses », mais il reste tout de même un représentant des forces du Royaume, l'un des symboles de la puissance de Sylvania ! Crois-tu sérieusement qu'un homme qui n'est pas capable de protéger la personne dont il a la garde, pourra assurer la protection de la future reine de Sylvania, hein ? lui demanda la reine.

La sylphide sans aile était dos au mur, elle ne pouvait plus prendre la défense de son champion, la reine avait raison : confier la sûreté de sa vie et du royaume à un homme qui a peur face à des gens plus forts que lui, qui baisse la tête sans même se donner la peine de leur faire face.

La reine s'approcha de sa petite protégée et la prit dans ses bras.

- Je ne te reproche rien, ma petite ! la réconforta la reine, si tu l'as choisi en ton âme et conscience, tu devras en assumer les conséquences car toi, tu ne peux pas avoir de remplaçant car personne ne voudra se battre pour toi sans avoir en échange de rien de bien particulier, alors je vais juste lui rappeler et le remotiver, ne t'inquiète pas. De toute façon, tu as un nouveau travail qui est aussi ta punition pour tes nombreuses oppositions contre moi. Occupe-toi de ce garçon, informe-toi sur lui et prouve-nous qu'il ne soit pas un danger pour le Royaume.

- Mais je n'ai pas d'aile pour faire le bain miraculeux.

- Ne t'inquiète pas, tu vas utiliser ma poussière d'étoiles pour le soigner, après tout, je l'ai bien utilisé pour ce lézard dont je dois encore m'occuper, dit-elle en retirant son étreinte de la fée aptère.

Elle se craqua les doigts et le cou et se dirigea vers le filet de lézard, elle posa son pied sur la gueule enchainée et édentée de l'assassin homme-lézard.

- Tu as compris ta mission, gamine ? Prouve-nous que la confiance que tu lui as accordée parce qu'il t'a sauvée à deux reprises n'est pas vaine.

La Fée acquiesça.

C'est vrai.

C'est sa mission.

Mais pour l'instant, elle ne voyait rien de bien méchant chez lui malgré l'étrangeté de son corps. Elle l'avait vu comme un monstre, mais au final, il était juste un enfant comme elle. Un adolescent qui n'était pas aussi étrange qu'on pourrait le penser, il était juste muet - ou contraint de l'être à cause de ce maléfice.

C'était plutôt son corps qui était étrange.

Normalement, une petite baignade dans le Bain Miraculeux guérissait toutes les plaies, tous les stigmates, tous les maux et maladies, rien ne pouvait ne pas être soigné dans cette eau miraculeuse remplie de poussière de fée et de cette potion censée contrer le mal qui recouvre le corps du garçon.

Mais bien qu'il ait été mis dedans, ses plaies avaient du mal à disparaître, malgré le fait qu'elle le frottât pour les gommer, elles réapparaissaient inlassablement. Elle pouvait le décroûter, nettoyer ses plaies, lui renverser l'eau magique sur le corps, rien n'y faisait. Et avec cette « tâche » noire qui recouvrait sa tête et une grande partie de son tronc et de ses bras, elle ne pouvait pas observer correctement son corps. Elle se demandait même ce qu'était cette tâche.

Une maladie ? Un sort ? Une malédiction ?

Après tous ses efforts, elle jugea être satisfaite de ce qu'elle avait accompli malgré son manque de connaissance en soin, elle ne pouvait pas faire mieux sans savoir comment procéder pour retirer cette chose qui masquait une grande part du corps de son ange-gardien, alors elle mit fin à la séance de douche, le Héros se précipita pour sortir hors de la baignoire, et chuta face contre terre, ses jambes ne purent pas soutenir le poids de son corps. La Fée se jeta en arrière devant le corps « nu » du Héros.

- Attends que je sorte de la pièce, enfin ! hurla la Fée en se cachant les yeux.

S'il pouvait rougir, il aurait bien trop mal pour le faire, mais je peux vous assurer qu'il serait devenu rouge comme une tomate, il n'aurait pas besoin de costume pour être un Red Lantern. Il essaya de se relever mais ses forces l'avaient abandonné, la surutilisation d'Ymir l'avait privé de la majorité de ses capacités motrices.

La Fée détourna le regard de son patient, elle lui jeta une serviette et lui déposa des béquilles qu'elle avait demandées aux médecins qui s'étaient occupés du Héros, et sortit de la salle de bain.

- Je t'attends de l'autre côté, bégaya-t-elle.

Décidément, aucun des deux ne se souvenait que l'humain portait un maillot de bain.

Le Héros, après quelques courtes minutes, se remit de la gêne occasionnée par son empressement à sortir du bain, il réussit à se relever en s'appuyant sur le rebord de la baignoire, il tendit ses pieds difficilement vers les béquilles et la serviette qui lui avaient été données et réussit à se déplacer dans la pièce.

Il partit s'asseoir sur une chaise en bois et il commença à s'essuyer tout le corps. En tombant sur le sol, il put découvrir que toute la pièce était pleine de verdure, autant le sol que les murs et le plafond, par la fenêtre il voyait l'ensemble de la ville.

À la vue de l'architecture de cette pièce et de la cité où il se trouvait, il comprit ce que lui avait dit Astéron sur l'utilisation et la maîtrise de la nature par les Féériques. Il imaginait bien que les Limbes et le Colisée des Champions étaient des anomalies parmi toute cette architecture féérique du royaume, elle était faite en un savant mélange entre la nature et les structures manufacturées.

Il put aussi remarquer que le royaume féérique se trouvait sur une colline, il n'arrivait pas à percevoir les limites de pays dont il avait toujours pensé être minuscule alors qu'il devait faire la taille des plus grandes cité-états d'Europea. Il était aussi le seul endroit où on pouvait observer un ciel aussi bleu. Dans les autres pays, cité-états, villes ou villages plus ou moins grands on ne savait jamais quand il faisait jour ou nuit, seule l'heure de nos montres ou réveils nous indiquaient quand il était la bonne heure de se réveiller et de se lever - l'un des nombreux héritages de l'Ere des Ténèbres. Mais bizarrement, à Novillios, le cycle jour/nuit était respecté. Peut-être les verrait-il enfin ? Ces objets lumineux que prétendait avoir observé sa mère et qu'elle lui avait promis de lui montrer. Il pensait se souvenir qu'elle les appelait « OVNIs ».

Il prit les habits propres qui étaient sur le lavabo sur lui avait laissés cette fille étrange au regard étoilé.

Il se demandait vraiment si la gentillesse dont elle faisait preuve était véritable...

Il était vraiment parano, mais en même temps comment pouvait-on lui reprocher cela ?

Il se demandait alors si elle n'était pas « Honey Trap » envoyé par cette grande dame qui devait être la reine de cet endroit qu'il avait vu avant de s'évanouir. Non, elle n'avait aucun intérêt à le faire, il n'avait aucun secret de puissants de ce monde déchu à leur révéler, il n'était pas un espion ou un assassin qu'ils avaient repéré sans qu'il le sache, il n'était juste qu'un vagabond qui recherchait un scélérat.

Finissant de mettre ses nouveaux vêtements, il découvrit, interloqué, qu'on ne lui avait pas fourni de chaussures - déjà qu'il n'appréciait pas le style vestimentaire des Féériques, si en plus il devait marcher pied nu, ça n'allait vraiment pas le faire.

Il se déplaça vers la porte en boîtant avec ses béquilles, puis se projeta contre la porte de tout son poids et s'écroula par terre, la porte frôla le nez de la « soigneuse » qui lui fit face, elle ouvrit de grands yeux devant la brutalité et secoua la tête désemparée face à la maladresse de l'humain.

La Fée l'aida à se relever en le regardant tendrement comme une mère avec son fils.

- Un vaillant combattant qui n'arrive pas à mettre un pied devant l'autre, plaisanta-t-elle.

Elle l'installa sur le canapé qui avait été mis dans le logement, le Héros vit qu'on lui avait aussi mis une télévision avec une console de jeux et un lecteur d'holodisques - il espérait qu'ils n'avaient pas oublié les holodisques, Astéron lui avait déjà fait le coup. Elle s'assit à côté de lui, posa son coude sur l'accoudoir et déposa sa tête dans sa main.

- Je te manquais à ce point pour que tu te précipites aussi maladroitement de la salle de bain ? rit-elle.

Il la regarda circonspect.

- Je blague. Mais dis-moi pourquoi cet empressement alors que tu as du mal à marcher ?

Le Héros prit son pied avec difficulté car il n'était pas vraiment une personne qu'on pourrait qualifier d' « adroit » et il remarqua, au passage, qu'il sentait à peine sa jambe - il y était allé vraiment fort avec l'épée maudite -, et tenta de lui faire comprendre qu'il voulait des souliers ou des bottes. Ne comprenant ce qu'il voulait lui dire, la Fée l'imita et sut soulever sa jambe et la mettre au-dessus de son autre jambe avec beaucoup plus d'agilité que son jeune sauveur. Le garçon fut impressionné par tant de dextérité de sa part.

- Que veux-tu avec ton pied ? lui demanda la Fée, si c'est un massage des pieds c'est non, il ne faut pas abuser, protesta-t-elle.

Le Héros allait se montrer un peu plus précis et peut-être même retester de communiquer avec la langue des signes, mais il s'y résigna en voyant les pieds nus de la fée aptère. Elle, non plus, n'avait pas de chaussures.

Il reposa son pied par terre et lui fit signe de laisser tomber, il n'avait finalement rien à lui demander.

- Tu es un garçon vraiment bizarre, ricana la Fée.

Il répliqua par un hochement d'épaules.

- Tu pouvais le dire que tu ne te sentais pas bien sans bottes...

Elle avait compris ? Pourquoi avait-elle fait semblant alors ? De surcroît, elle avait l'air vraiment sérieuse dans son refus de lui masser les pieds qu'il était certain que c'était comme cela qu'elle avait interprété.

- Ahah, on se sent bête, hein ? se moqua-t-elle, je pense que je vais m'amuser à t'embêter.

À ce moment-là, le Héros se dit qu'elle était vraiment bête comme fille de l'embêter ainsi - même si cela l'avait fait rire intérieurement.

- Pour l'instant, tu n'as pas besoin de bottes puisque nous nous trouvons au sein du château, l'éclaira-t-elle au sujet des souliers manquants, et je ne pense pas qu'on te fera quitter tes appartements tant qu'ils n'auront pas clarifié ta situation. Tu n'es incontestablement pas le genre de personne qu'on appellerait un enfant de chœur.

Curieusement, elle avait tort sur ce dernier point. Mais effectivement, après ses exploits de la veille, c'était sûr qu'ils n'allaient pas pouvoir sortir librement dans le Royaume, même avec de la surveillance.

- En conséquence, la seule chose que je peux te montrer est... ton logement ! dit joyeusement la Fée.

C'est vrai qu'elle venait de lui dire que ce lieu était ses nouveaux appartements, cela voulait dire qu'il ne retournerait pas dans ce lugubre endroit infesté d'araignées géantes, se disait-il.

Il eut un petit sourire de soulagement qu'il tenta de réprimer le plus vite possible avant qu'elle le remarque.

- Ravi que cela te fasse plaisir, pas besoin de le cacher, lui sourit-elle, c'est un cadeau de la reine... et de ma part aussi ! Même si je n'aime pas me mettre en avant... Mais après tout, tu m'as sauvé la vie deux fois et tu as vaincu cet acharné de Juge Fou... et tout...

Pour la première fois depuis qu'elle conversait avec lui, ses mots l'atteignirent, il percevait enfin que les remerciements de cette fille étaient vraiment sincères, ce qui rendait ses larmes lorsqu'elle pleurait dans la salle de bain encore plus tristes. Son cœur battit un grand coup sans savoir pourquoi.

Pourquoi cela l'affectait-il autant ?

Belachat l'avait aussi remercié lorsqu'il effraya ses harceleurs qui le martyrisaient, pourtant il l'avait trahi dès qu'il reprit confiance en lui...

Et pourtant...

Et pourtant, il ne discernait aucune malveillance dans les mots qu'elle prononçait, ils étaient véritablement sincères, alors il voulait bien lui accorder le bénéfice du doute et admettre qu'elle était véritablement une personne sincère.

Sa bonté lui semblait vraie... comme celle de sa mère.

Gêné de s'être mépris sur son compte, il se gratta la joue et regarda le plafond, avant de lui décoiffer les cheveux.

- Hé mais que fais-tu ? se rebella la Fée.

Echappant à la main du Héros, elle releva les yeux et put voir le sourire éclatant de son sauveur. Ce sourire était si joyeux, si naturel.

Elle se demandait bien à quoi il ressemblait sans cette chose qui recouvrait son corps.

La fée aptère se leva et prit le poignet de l'humain pour le relever.

- Viens ! Je ne t'ai pas dit que j'allais te faire visiter ta nouvelle demeure ?

À l'entrée de la porte, les deux gardes écoutaient la conversation des deux jeunes enfants. Quelqu'un vint à leur rencontre sans qu'ils s'en rendent compte en dégustant une pomme juteuse.

- Alors vous avez remarqué rien d'anormal ?

Ils se retournèrent et virent le garde Globox, le ventre à l'air avec son nombril plein de poils, sans armure.

La chose la plus ignoble que les gardes redoutent plus qu'une nouvelle guerre ou une nouvelle catastrophe comme il y a eu, il y a trente ans de cela, c'est les jours de pause du garde Globox Yaramn. C'était vraiment horrible à voir, sa peau verdâtre ruisselant de sueur, ses poils éparpillés sur tout son corps. Le voir torse nu était vraiment une insulte au sens de la vue, de plus, il avait l'arrogance de se complaire dans cette attitude en mettant des lunettes qu'il avait « confisquées » à un contrebandier qui était venu vendre sa camelote.

Les deux gardes avaient envie de vomir en observant l'ogre à moitié dénudé, mais l'un d'eux réussit à passer outre son aversion pour lui poser une question :

- Ce n'était pas dans deux semaines que vous deviez avoir votre pause ?

- Si, mais Sawyer m'a viré à cause de l'audition de Beneltig auprès de la reine.

- Il va vraiment passer un sale quart d'heure, grelottèrent de peur les deux gardes, Est-ce courant qu'il te renvoie ?

- Non, c'est la première fois depuis cinq ans qu'il vous congédie, intervint le second soldat.

- Oui il est vrai, lors des cent jours de rage de la reine mais je ne pense pas que cela soit aussi grave, rit-il.

L'un des gardes céda.

- Vous ne voulez pas vous rhabiller, s'il vous plaît, le supplia le premier garde.

- Non ! J'en profite, j'ai encore le droit encore quatre mois avant de n'y avoir plus droit.

Encore quatre mois !? éclatèrent en sanglot les deux gardes.

Le « jugement » de Beneltig avait commencé, l'ambiance était pesante, voire électrique. Le jeune couard faisait face à la plus grande menace du royaume, la véritable arme vivante du Royaume Féérique : la reine Audisélia en colère.

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