Son amie Zelda

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Ça devait être il y a huit ans de cela, alors que les grillons chantaient sous le soleil éclatant de Novillios, que l'herbe resplendissait d'un vert éclatant et que les enfants jouaient au ballon à l'extérieur, que cette gamine insupportable s'était infiltrée dans le jardin de l'église pour venir le voir car il accusait le coup de sa maladie. Alors que le garçon s'ennuyait fortement, il attendait que sa mère lui apporte ses bonbons préférés : les chocoricots – ils étaient infects, je n'ai jamais goûté des... merdes pareilles, voilà c'est dit ! Je ne vais pas faire de la critique culinaire, mais ce n'est pas possible d'avoir eu l'idée de mêler des haricots rouges ou blancs avec du chocolat blanc. Faut les bastonner ceux qui ont eu la brillante – NON ! – idée d'inventer cette cochonnerie ! Cette ignominie !

Du coin de l’œil, il aperçut deux mains se placer sur le rebord de la fenêtre et une tête aux cheveux bleus frisés, il avait les yeux rivés sur les efforts incroyables que fournissait cette inconnue pour pouvoir grimper jusqu’à sa fenêtre.

Il ne dit mot, l'observant dans son acte difficile pour voir où cela allait la mener. L'observant avec toute l'attention du monde, l'entendant haleter en se hissant petit à petit, à l'aide de ses tout petits bras, puis sa tête qui passa le rebord de la fenêtre, il vit son visage qui exprimait tout l'effort qu'elle fournissait pour le voir, les yeux exorbités, narines dilatées qui inspiraient, inspiraient... et expiraient tout l'air de ses poumons, lèvres retroussées montrant ses gencives et le sifflement qu'il percevait provenait du fait qu'il lui manquait deux incisives supérieures centrales. Dès qu'elle put mettre sa jambe sur le rebord, elle put reprendre sa respiration.

Le garçon se retint de rire par la face de cette inconnue, il ne voyait pas pourquoi elle avait eu autant de mal à grimper alors qu'elle pouvait utiliser la gouttière pour arriver au premier étage.

Ensuite, après avoir repris sa respiration, elle leva la tête et lui fit un grand sourire.

- Alors ça gaze ?

Le garçon bandé de partout le faisant ressembler à une momie, allongé sur le lit ne fit que cligner des yeux.

- T'es pas très causant, toi, ronchonna la petite fille, en même temps, j'aurai dû le savoir vu que tu ne parles jamais en classe.

Elle se permit d'entrer dans la chambre, prit une chaise en face du bureau de ce dernier et se plaça à côté de lui.

- Tu te demandes sûrement ce que je fiche là ?

La momie juvénile cligna encore une fois des yeux.

- Je suis censé comprendre quelque chose lorsque tu clignes des yeux ? se tordit de rire la jeune inconnue.

Le malade la regarda sans dire un mot, il était vraiment désintéressé par la venue de cette gamine turbulente qui parlait fort et qui n'avait pas honte de cacher le trou qu'elle avait dans sa dentition.

- Après, je sais que t'es timide donc je vais te dire mon prénom et tu me diras le tien, d'accord ? proposa-t-elle, moi, c'est Zelda et toi ?

Il secoua la tête en fermant les yeux.

- T'es chiant toi ! s'offusqua la petite ingénue, déjà en classe, la maîtresse ne t'appelle jamais par ton prénom ! On dirait que tu n'as pas de prénom...

Il hocha la tête aussi lentement que précédemment.

- T'as vraiment pas de prénom ? dit la fille aux cheveux bleus étonnée, c'est incroyable ! Donc si on t'appelle « la momie à la peau violette », c'est mieux que rien, pouffa-t-elle de rire.

Le garçon sans mot souffla du nez. Elle l'amusait beaucoup cette fille dénommée « Zelda », il était un peu moins crispé en sa compagnie.

- Même si t'as l'air timide et que les autres enfants pensent que t'es zarbi, je suis sûr que t'es sympa comme garçon, sourit-elle, tu sais quoi ? T'es nouveau au village alors t'as jamais dû voir le « Train Super-chargé » qui arrive dans cinq jours ? Bon, on a école ce jour-là, donc... on aura qu'à sécher les cours et faire l'école buissonnière...

- HE ! cria la sœur.

Zelda cria de surprise en ouvrant de grands yeux et se mit sur le rebord de la fenêtre pour sauter.

- Oh, arrête-toi ! hurla la religieuse en courant après elle.

Elle tenta de la rattraper mais échoua, elle se pencha par-dessus le rebord de la fenêtre et vit l'intruse atterrir sur un matelas. Elle tira la langue à la jeune femme et lui envoya :

- Vous ne me rattraperez jamais, ma sœur !

Ensuite, elle s'enfuit à toute vitesse, avec de grandes enjambées.

- Elle a pas froid aux yeux cette môme ? commenta la nonne interloquée, qui c'était ?

La momie haussa les épaules.

- Sérieux, même si tu te sens pas bien, tu pourrais faire un effort pour parler, soupira la femme en tenue de religieuse, c'est important pour se faire des amis, tu sais. Je comprends que ça ne soit pas facile de vivre avec ce que tu as, mais tout le monde a ses différences, surtout aujourd'hui.

La Sœur s'assit sur le lit de l'enfant et le fixa.

- Je viens d'apprendre que tu es tout seul à l'école et que tu ne parles pas, lui dit la nonne, je suis là depuis le début de votre « conversation » (entre guillemets parce qu'il n'y a qu'elle qui a parlé tout du long, et je sais très bien comment t'as fait pour que les autres enfants te trouvent « zarbi », tu as essayé de sociabiliser seulement par les actes, seulement les actes ne peuvent pas être efficaces sans les mots, lui expliqua-t-elle, faut pas écouter les cinquantenaires bourrus qui te disent que les hommes montrent leur amour qu'avec les actes, les mots c'est pour les fillettes ! Sinon le Christ ne nous aurait pas témoigné son amour à travers sa parole, il aurait arraché Légion à main nue du corps de l'homme possédé comme moi je l'ai fait avec l'immense alligator qui a essayé de te manger !

L'enfant rit en entendant cette anecdote et la religieuse fut contente de le faire sourire malgré son état de santé déplorable, elle continua tout de même son sermon.

- En ne t'exprimant que par les actes, on va te prendre pour un petit garçon serviable mais chelou. Si même les muets ont des amis, tu peux aussi en avoir, peu importe ton apparence ou ton passé. Donc rappelle-toi les mots vont de pair avec les actes, ne l'oublie jamais. Ça marche aussi avec les promesses.

Elle prit son sac de course et lui posa sur le ventre la commission qu'il lui avait demandée.

- Voilà la dégueulasserie que tu m'as quémandée ! Profites-en car ce sont les dernières que j'ai pu trouver à Bisonti.

Il les attrapa avec sa main valide et ouvrit le sachet avec les dents.

- C'est de ça que je viens de te parler, toi aussi, le réprimanda-t-elle en le frappant sur la tête, c'est en exprimant ton aide aux autres que tu peux créer des liens, pas en faisant le bonhomme h36.

Vous ne vous rendez pas compte, mais elle fait des efforts pour parler de façon correcte. Et vous pouvez vous indigner sur le fait qu'elle ait frappé un enfant malade mais ce sont juste « les Poings de l'Amour ».

- T'as intérêt à les finir parce que je suis allée les chercher à pied puisque ce n'est pas le jour des courses à l'église.

Il lui sourit et hocha la tête.

Son air fatigué et maladif attristait fortement celle qu'il considérait comme une mère, le voir dans cet état la rendait furieuse face à son impuissance et son incapacité à le faire sourire plus souvent et plus longtemps, car à peine avait-il fait son rictus qu'il retrouvait son air maussade. Elle se devait de trouver une solution. S'il le fallait, elle retournerait à Sylvania quémander l'aide de la reine actuelle.

Mais en attendant, elle l'aiderait à s'ouvrir aux autres.

- Tu sais quoi ? Je t'autorise à faire l'école buissonnière.

Le garçon ouvrit de grands yeux à cette phrase dénuée de sens vis-à-vis de la personne qui la prononçait.

- Oui, oui, lui confirma-t-elle, je vais faire un mot à ta maîtresse et tu pourras aller voir ce train « super-télécommandé » avec cette fille. Mais promets-moi une chose ?

La momie violette l'écouta attentivement.

- Prends soin de cette fille et deviens son ami ! Sinon, je te punis pour avoir séché les cours.

Le garçon accepta les conditions de sa mère en hochant plusieurs fois la tête en souriant.

Il lui tendit son paquet de chocoricots, la nonne fit semblant de mettre ses doigts dans la bouche pour faire semblant de vomir.

Le garçon bouda, elle rit et lui caressa tendrement les cheveux.

Une larme coula de l'un de ses yeux, qu'elle essuya rapidement pour qu'il ne s'en aperçoive pas.

C'était décidé, elle irait à Sylvania et ferait de lui le plus beau garçon de l'univers !

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