Le test de Sawyer

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Les mains qui l'avaient saisi le relâchèrent, le laissant tomber lourdement sur le sol. Son agresseur sauta de l'endroit où il se trouvait et rejoignit le Héros, l'aidant à se relever.

- Encore tes Mains de l'Ombre, dit le Héros en reprenant sa respiration.

- C'est la première fois que je t'ai aussi facilement avec ce sort, répondit Helmir, c'est Fée-Sans-Aile qui te fait autant tourner la tête ?

- Qu'est-ce que tu racontes ? s'offusqua le Héros en toussant, c'est pas une gamine qui...

- Tu sais son âge pour dire ça ?

- Non...

- Alors évite de l'appeler gamine alors que tu ne sais presque rien d'elle.

- Ça n'a rien à voir.

Helmir posa sa main sur l'épaule du Héros et approcha son visage de celui du frère d'Astéron.

- Ça ne fait rien d'avoir du cœur pour les autres, ça t'évitera d'être comme ton abruti de frère qui s'empiffre de moules et qui n'a que l'argent en tête. C'est déjà bizarre qu'il se « préoccupe » de toi. Mais évite de relâcher ton attention, autant pour toi que pour elle...

- Je ferai gaffe...

- Surtout si tu vas à l'extérieur du royaume, abruti ! l'engueula-t-elle en lui frappant la tête.

La douleur fut si intense que le Héros se jeta par terre, l'elfe de nuit se souvint que les blessures sur le crâne de l'enfant avaient du mal à cicatriser et qu'elle devait faire vraiment attention lorsqu'elle jouait avec lui.

- Oh désolé ! Je me suis un peu emportée ! Ça va ?

- Oui..., lui répondit-il douloureusement, tu y es allée un peu fort...

- Mais même pas !

- Et quand tu t'excuses tu pourrais montrer un peu plus d'empathie, Helmir..., lui reprocha-t-il.

L'espionne ne pouvait nier que même lorsqu'elle s'excusait, elle avait du mal à exprimer une once d'émotion, son regard gardait sa froideur en toute circonstance – à son grand désarroi.

Une fois la douleur atténuée, Helmir reprit sa plainte envers celui qui la considérait comme sa tante.

- Tu pourrais éviter d'aller à l'extérieur du royaume avec une princesse ou au moins éviter de durer aussi longtemps à l'extérieur ? Je ne suis pas tout le temps avec toi pour surveiller la moindre de tes bêtises, donc fais attention.

- Tu dis ça comme si je pouvais connaître ce lieu...

- Je sais. Mais je ne veux pas qu'il vous arrive quelque chose, surtout à la fée sans ailes, sinon on va avoir des problèmes tous les deux.

- Je te rappelle que je suis le héros de la légende, tantine, rit le Héros.

- Je ne suis pas ta tante, le reprit Helmir.

- Je... je sais..., lui dit le Héros d'un ton désolé.

- Mais tu peux m'appeler grande sœur, après tout, je suis la petite amie de ton grand-frère.

- Vous avez quoi à vouloir qu'on ait une filiation ? sourit le Héros.

- N'inverse pas les rôles, le rectifia Helmir en lui mettant une pichenette sur le front, je n'aurai jamais pensé que tu me considérais ainsi. Et de toute façon, tu as l'air si faible qu'on a envie de te prendre sous notre aile, dit l'elfe de façon faussement ironique.

- C'est cela, oui.

Puis Helmir eut un flash. Elle se souvint qu'elle avait quelque chose sur elle pour lui. Elle sortit de sa poche une feuille et la donna au Héros.

- Le lieu où tu dois te rendre pour ton entraînement.

- Pourquoi faire ?

- Pour t'entraîner.

- Pourquoi faire ? répéta-t-il.

- Pour devenir plus fort, j'imagine.

- Pourquoi faire ? répéta-t-il encore une fois. J'en ai pas besoin, déclina-t-il la proposition, je suis bien assez fort. Je peux me farcir n'importe qui dans ce royaume.

- Si tu le dis. Mais c'est avec quelqu'un de spécial que tu vas faire cet entraînement, ça vaut le coup. Je pense. Recommandé par la reine, ajouta-t-elle, et comme tu l'as dit à cette demoiselle, tu n'as rien à faire, donc vas-y au lieu de pioncer tous les jours.

Le Héros ronchonna mais accepta l'invitation.

Helmir sortit de sa poche un médaillon avec une étrange inscription turquoise dessus.

- Vu que tu n'as plus ton épée démoniaque, tu ne peux plus utiliser le « Pas Elefique » que j'ai tant de mal à inscrire dessus. Donc, tiens-en un deuxième.

- Merci, c'est sympa ! s'enthousiasma-t-il.

Il va être encore plus en retard puisqu'il a l'occasion d'aller plus vite, se dit Helmir.

Et alors qu'il enfila son médaillon et qu'il le mit sous son haut, Helmir s'en alla dans l'ombre et le Héros n'entendit que ses pas s'enfuir dans une direction inconnue. S'il devait un jour l'affronter, cela serait l'un des combats les plus difficiles qu'il aurait à faire.

- Félicitation pour ta deuxième victoire ! dit Helmir dont la voix se propageait dans toute la caverne.

C'est vrai qu'il venait de gagner son deuxième match dans l'arène. Il avait complètement oublié cela. Il ne lui en restait plus que quatre avant que le tour de la Fée soit venu et qu'elle prouve qu'elle est digne de succéder à la reine Audisélia. Après cela, il reprendra sa poursuite de cette chimère qu'était Némésis et sa troupe d'immondices. Il se demanda, par la même occasion, comment cela se faisait qu'Albedo soit séparée des autres Némésis. Il avait trop peu d'éléments pour identifier une quelconque anomalie dans leurs comportements.

En attendant, il allait se rendre sur le lieu de cet entraînement spécial avec cette personne recommandée par l'illustre reine sur le déclin de Sylvania.

- Merci ! lui répondit-il.

A la caserne des gardes royaux, où résidaient et s'entraînaient les gardes et futurs gardes qui étaient ou seront chargés de la protection des nobles de la cour et de la reine elle-même, l'attendait son futur entraîneur, préparant les différents épouvantails et cibles pour tester le Héros, mais il ne pensait pas en avoir particulièrement besoin. Il en enchanta tout de même quelques-uns pour voir comment il réagirait dans une situation inattendue, mais de ce qu'il a pu voir, le Héros avait une capacité d'adaptation effarante.

Mais il comptait bien l'éprouver, peu importe qu'il soit le fils d'Elena, dans les petits papiers de la reine Audisélia ou le héros de la légende qui est censé délivrer le monde des ténèbres qui l'ont envahi bla bla bla...

Si ce héros voulait faire gagner sa princesse et abattre le Némésis, il allait devoir se surpasser pour au moins le défaire, lui, le Commandant de la légion des Saints de la Reine, de l'armée de Sylvania, premier garde royale et ex-champion de la vingt-sixième reine de Sylvania.

Parmi le brouhaha causé par le tintement des armures et des armes des soldats, le bruit des caisses déplacées et leurs cris au cours de leurs entraînements, conduits par les différents généraux de la capitale, Sawyer perçut les bruits de pas du Héros mais aussi l'aura particulière qui l'entourait, ce vide oppressant qui l'accompagnait à chaque instant.

À sa venue, le bruit routinier de la caserne commença à s'atténuer avant de disparaître complètement, ne laissant place qu'à un silence perturbée par le bruit des pas du Héros qui battaient le sol.

Tous l'observaient.

Peu d'entre eux étaient au courant, mais la rumeur s'était bien répandue qu'un humain avait combattu la reine, qu'il s'agissait entre autres du héros de la légende et qu'il aurait survécu à ce face-à-face monstrueux. Mais avec la version apportée par la reine lors du tournoi, ce ouï-dire n'avait plus sens.

Observé de tous, certains crachaient à son approche, d'autres lui jetaient des regards noirs remplis de haine et de mépris. Lui, il se fichait de l'attention qu'on lui portait, il était venu voir celui qui prétendait pouvoir le rendre plus fort et lui prouver qu'il l'était déjà bien assez. Il s'avança en direction du seul homme qu'il connaissait, et qui se tenait nonchalamment contre un épouvantail d'entraînement, un petit sourire en coin et une paille en coin de bouche.

- Par Osgul, tu es venu jusqu'à moi, dit Sawyer d'un ton faussement surpris.

- C'est vous qui m'avez fait venir ? lui demanda le Héros les bras croisés manquant de patience.

- Effectivement. Tu m'as l'air plus qu'impatient de suivre mon entraînement.

- Non. Je suis plus qu'impatient de prouver que je n'ai pas besoin de ce dit-entraînement.

Sawyer rit allègrement devant cette vaine affirmation.

- Tu es bien arrogant pour quelqu'un qui n'a pu que compter sur son immortalité pour survivre aux assauts d'une simple fée.

Les subordonnés de Sawyer s'offusquèrent des propos de celui-ci, cela relevait du blasphème de rabaisser à ce point la souveraine de Sylvania. Mais personne ne pouvait le juger car, mis à part la reine—et feu Triface –, il était la plus haute autorité dans le royaume.

- Pour vous, c'est une simple fée ? Amusant. Alors qu'il y a des gens qui la considèrent comme une déesse ici, à ce que j'ai ouïe dire.

- Si l'église de la Sainte Fée existait encore, on m'aurait arraché les ailes mais vu qu'ils ont été balayés d'un revers de main par la Félonne, je peux médire autant que je veux sur la reine, dit-il en hochant la tête avec dédain, mais pour en revenir à toi, mon jeune garçon humain dénué de nom : si tu crois vraiment avoir le niveau pour vaincre le numéro un de la grande armée de Sylvania, alors prépare-toi à subir la leçon de ta vie !

À peine il voulut se jeter sur lui que le Héros se retrouva bloqué au sol. Le garde du corps de la reine agitait simplement son index et son majeur devant le Héros.

- Sort de gravité extrême : Douloureuse Pesanteur.

Le Héros se retrouvait incapable de faire le moindre mouvement, pressé par une incroyable pesanteur qui l'alourdissait de plus en plus jusqu'à ce qu'il pose un genou à terre.

- Sérieusement... Se faire avoir par un sortilège aussi bateau... La plupart des soldats peuvent se défaire d'un piège aussi absurde, le nargua Sawyer, mais c'est vrai que toi, tu es totalement dénué de magie, donc tu ne peux que subir mon sort.

- Tu crois ?

Levant son bras se confrontant à l'intense gravité qu'il subissait, Sawyer fut distrait un instant par le geste étrange de son futur élève, ce seul instant permit au Héros de s'évaporer dans l'air, disparaissant aux yeux de la foule qui commençait à se rassembler autour d'eux. C'est bien grâce au collier offert par Helmir qu'il peut reproduire l'exploit qu'il avait accompli dans l'arène. Il réapparut dans un flash de lumière turquoise, derrière le garde du corps de la reine, prêt à lui mettre un coup à l'arrière de la tête.

- Comme avec l'homme-lézard, dit Sawyer identifiant la technique utilisée par le Héros, malheureusement, je connais bien cette « technique raciale »...

Devinant exactement où se situait son adversaire, Sawyer lui attrapa le bras et le plaqua au sol, le bloquant avec une clé de bras.

- Pour des fées, vous êtes bien vaillantes, déclara le Héros en essayant de se libérer de la prise de Sawyer.

- Nous sommes déjà au courant que nous sommes des fées d'un tout autre genre comparé aux autres. C'est à cause de nos ancêtres qui étaient des fées aimant se battre et ayant une taille humaine, ce qui est plus ou moins rare parmi les nôtres, que nous avons cet avantage indéniable sur les autres races qui s'attendent à affronter de faiblardes fées n'ayant que la magie pour se défendre, expliqua-t-il, mais cela ne doit pas rendre arrogante car nous ne sommes pas les seules fées à taille humaine qui manions des armes. Sinon, tu veux bien abandonner ?

- Je peux très bien me casser le bras pour le reconstituer plus tard...

- Vu comment il a fallu te réparer lors de ta venue avant même que tu prennes le bain miraculeux, je voudrais bien éviter cela...

- Alors je vais m'arracher le bras..., suggéra l'humain excédé par la position dans laquelle il était.

- Au prix d'une grande endurance et d'une accumulation excessive de fatigue, lui rétorqua Sawyer, c'est pour ça qu'au tournoi tu as préféré terminer le combat rapidement, quitte à choquer les mœurs des habitants de ce royaume. Laisse tomber et abandonne.

- Jamais ! Je ne dois pas contre quelqu'un de beaucoup moins fort que le Némé...

Le commandant de l'armée de Sylvania le fit taire en incantant le sort Silencio.

- Abstiens-toi de parler de « ça », lui chuchota Sawyer, les gens ont déjà du mal à accepter que le héros de la légende puisse exister et que ça te donne donc le droit de rester ici, mais si tu te mets à énoncer le nom de cette chose abominable, je ne pense pas que ça passera. Allez, relève-toi.

Sawyer se leva et l'aida à se relever. Et à peine remis sur pied que le Héros voulut reprendre le combat, alors le garde décida qu'il fallait lui donner une bonne leçon pour qu'il comprenne que bien qu'il soit le héros de la légende, il y a toujours moyen de vaincre l'insurmontable... surtout s'il était humain.

Avant même que le Héros exécute son coup, la fée lui décocha une droite dans l'épaule, l'immobilisant, il fut prit d'un mal de tête ravageur, le faisant ployer genou à terre.

Était-ce une technique qui lui était inconnue ?

L'utilisation d'un quelconque sort ?

Non. Loin de là.

Il s'agissait d'un simple coup bien placé là où avait été tranché son bras, juste là où se trouvait l'une des broches en nanomachines qui lui avaient été implantées dans le corps il y a cinq ans.

Il détestait ressentir cette douleur de la part de ces microbes biomécaniques, surtout lorsque l'une des parties de son corps, contenant l'une des broches qui se régénérait, était touchée.

- Tu as raison : tu es fort. Et peut-être même talentueux, mais pas assez pour prétendre être aussi fort que ta mère. Si je suis capable de te battre, alors imagine ce que peuvent faire tes ennemis que tu haïs tant.

- Vous avez réussi à me vaincre car vous connaissez l'une de mes faiblesses..., pesta le Héros, essoufflé.

- Si tu n'avais pas tant d'ouvertures, ça ne serait jamais arrivé, le contredit-il, surtout que tu ne te donnes même pas la peine de te donner à fond face à moi...

Un frisson parcourut l'échine de toutes les personnes présentes à l'extérieur des casernes, stoppant le conflit entre le Héros et Sawyer, les deux se tournèrent dans la direction de la source de leur frémissement.

C'était la reine Audisélia qui venait d'arriver. Et comme à son habitude, lorsqu'elle était encore atteinte de paresse aigüe, et que circuler en carrosse l'ennuyait, elle parcourait la ville en courant à la vitesse de l'éclair. Le notable inconvénient de cette course électrique était que lorsqu'elle atterrissait, une décharge électrique était relâchée sous ses pieds, assez forte pour électriser les gens autour d'elle.

- Ne vous ai-je pas déjà dit d'apprendre à atterrir convenablement lorsque vous effectuez votre course ? la réprimanda son garde du corps, déjà que vous vous substituez à votre garde rapprochée en mon absence...

- Ne sois pas aussi rigide. C'est mon jour de promenade, je n'avais aucune envie d'être entourée de personnes avec qui je ne partage pas d'atomes crochus, dit-elle en faisant un clin d'œil au Héros.

Celui-ci ne comprenait pas où elle voulait en venir avec son expression. Sawyer se frotta les yeux d'exaspération.

Ne peut-elle pas cesser de se donner en spectacle ? s'irrita la fée commandante.

- Je ne comprends pas le Franca, et le parle encore moins par rapport à elle ou les autres Nobles, mais ce qu'elle avait voulu dire est similaire à « avoir le sang d'Estep agité » ? chuchota-t-il au Héros.

- Oui..., je suppose...

Elle pourrait lui parler franchement, au lieu de lui faire des appels du pied pour nouer amitié...

Il soupira avant de lui faire la révérence pour la saluer et tous les autres en présence firent de même, sauf le Héros.

- Fais de même, lui ordonna Sawyer.

- Je vous l'ai déjà dit que je ne courberai l'échine devant personne...

- Et je t'ai dit que ça n'était pas grave, le rassura-t-elle, relevez-vous, vous autres.

Sawyer voulut lui dire de s'en aller pour le laisser mener son expérience à bien, puis réfléchit et se dit qu'il pourrait très bien observer leur comportement à tous les deux.

- Alors cet entraînement, comment se déroule-t-il ? demanda Audisélia au Héros.

- On a pas encore commencé, on a juste fait un petit combat pour se jauger...

- Hum, je vois, hocha-t-elle la tête, de toute manière, tu es le héros de la légende, tu dois être aussi fort que ta mère, j'en suis certaine.

- Je ne pense pas, madame, réfuta-t-il d'un air gêné, elle restera toujours plus forte que moi.

Le chef des Saints Cheval Royaux plissa les yeux.

- C'est vrai qu'elle était drôlement forte, elle était le seul être sur cette terre à pouvoir me tenir tête...

- Reine Audisélia, je pense que vous devriez partir, lui dit Sawyer, surtout que de nouvelles infos sur l'armée qui est au loin nous ont été transmises, en plus, de certaines qui concernent cette secte qui se terre dans notre royaume.

- C'est vrai que je dois encore m'occuper de ça, soupira-t-elle, je vous laisse vaquer à vos occupations d'hommes.

- Au revoir, dirent à l'unisson tous les soldats de la caserne.

- Au revoir, ma... tante, se tenta de dire le Héros.

Donc c'est le statut que tu m'as choisi..., pensa la reine, soit.

La reine les salua de la main et rejoignit le général Kiliyam pour s'entretenir de la situation concernant cette armée qui se trouvait loin de leur royaume.

Sawyer prit l'épaule du Héros et lui indiqua qu'ils iraient tous les deux en haut d'une tour qui se trouvait juste derrière eux.

En haut, le Héros comprit qu'il s'agissait d'un terrain d'entraînement, le garde du corps avait emmené avec lui les épouvantails, il les disposa au milieu du terrain.

- C'est ça que je vais combattre ?

- Maintenant ? Non. C'est toujours moi que tu vas combattre. J'avoue que t'avoir pris de court avec ma magie n'était pas très fair-play.

- Sur le champ de bataille, il n'y a pas de fair-play qui tienne.

- C'est l'esprit... Néanmoins, pour l'instant, je ne t'entraîne pas, je te teste.

- C'est encore pire que ce que j'aurai cru..., s'agaça le Héros, je pensais que mon combat contre la reine était plus que suffisant !

- Absolument pas pour battre le Némésis, rétorqua Sawyer, mais c'est bien ce combat qui me fait dire que je dois encore voir quelque chose avant d'ajuster ton entraînement.

Il prit des épées dans un tonneau et les jeta au Héros.

- Voilà les deux épées que tu as commandées au forgeron.

Le Héros les testa en fouettant l'air avec.

- C'est un bel ouvrage, n'est-ce pas ?

- Ouais.

- Sache qu'elles sont personnalisables à ta guise vu qu'elles sont technomagiques.

- Valait mieux me donner des épées magiques directement.

- Tu n'as jamais eu d'armes technomaguiques et magiques pour savoir la différence entre les deux ?

- Non. Mis-à-part l'armure qu'il faudrait, au passage, qu'un jour vous me rendiez, je n'ai jamais été en possession d'une quelconque arme technomagique ou magique. J'en ai juste combattu des magiques.

- Je vois. Alors laisse-moi t'expliquer les inconvénients et avantages de l'une et de l'autre : les armes magiques sont directement créées à partir de la magie de son « invocateur », si je puis dire. Cette arme alors conçue depuis l'esprit de son utilisateur a une puissance égale au maximum de sa magie, cependant, cette incroyable puissance éprouve l'arme à l'en briser en mille morceaux.

- C'est le même principe que les armes enchantées ?

- Pas tout à fait. Les armées enchantées sont à la base de simples armes qu'on a recouverts de magie pour les rendre plus puissantes, mais elles n'utilisent que la moitié du potentiel magique de leur enchanteur. Seules celles ayant étaient façonnées avec un travail d'orfèvre par un expert forgeron et qui seront associées à une puissante magie provenant d'un puissant magicien érudit peuvent prétendre égaler une arme magique ou technomagique.

- Et alors, qu'est-ce qu'une arme technomagique ou néomagique ? le questionna le Héros.

- Ah ! Tu es à jour sur les termes ! dit le garde du corps surpris, le marchand d'armes a dû t'expliquer que les armes et armures néomagiques sont différentes car elles utilisent la magie comme le ferait un être vivant : en assimilant la magie directement en son sein. Les armes néomagiques, à ne pas confondre avec la néomagie, utilisent le pouvoir magique issu de pierres qu'on crée difficilement avec sa propre magie et de joyaux spéciaux, mais pas obligatoirement, et qu'on insère dans des cercles d'absorption. Et à partir de cela, les armes sont capables d'utiliser la magie de la ou les pierres insérées avec plus ou moins de puissance selon les facultés physiques et psychiques de son utilisateur.

- Donc même des non-magiciens peuvent employer toutes ces armes.

- C'est exact. Mais pour l'instant, il n'y a rien inséré dans tes armes, donc tu vas te battre à vide face à moi.

- Encore un combat..., grommela le Héros, déjà que le premier ne m'a pas amusé.

- La reine ne m'a pas confié ton entraînement pour que tu t'amuses, le rabroua le chevalier, pour l'instant, je veux vérifier une certitude que j'ai sur toi et la reine, et qui, potentiellement, est avérée par l'espionne Helmir.

Le Héros empoigna fermement ses deux nouvelles armes et fonça sur son adversaire, courant à toute vitesse, ses lames sifflant dans l'air et percutant le flanc droit de l'armure de la fée.

- Rapide... mais prévisible.

Des runes rouges s'illuminèrent sur l'armure de Sawyer et un champ de force repoussa le Héros avant de disparaître aussi vite qu'il était apparu.

- Quand ?

- Pendant que je t'expliquais le principe des différentes armes « magiques », lui révéla-t-il, tu n'es pas assez concentré pour pouvoir me vaincre... mais surtout, comment pouvez-vous avoir l'audace de vous retenir, la reine et toi ?

- Hein ?

Sawyer retira son armure et dévoila son buste.

- Vois-tu une seule égratignure ? Un seul hématome après ton coup ? Ne joue pas avec mes nerfs ! Même si ta malédiction est en stase, ne me dis pas que c'est tout ce qu'a en lui le héros de la légende ! Celui qui doit pourfendre les ténèbres des cieux et terrasser le Maléfique pour remettre la lumière sur le monde ? fulmina Sawyer, toi et Audisélia, n'avez-vous pas honte de vous retenir stupidement à cause de votre amour inconditionnel pour Elena ?

- De quoi tu me parles ?

- De votre admiration sans borne pour Elena. Toi encore, je veux bien comprendre parce qu'elle est ta mère... mais ça reste de l'excès. Et grâce à toi, entre guillemets, j'arrive enfin comprendre pourquoi vous faites cela. Et c'est parce que vous avez tant d'admiration que vous avez peur de la dépasser.

- Qu'est-ce que tu racontes ? s'énerva le Héros, comme si je ne me devais pas d'être plus fort...

Sawyer prit son armure et la jeta au Héros qui l'attrapa au vol.

- Tu sais elle est en quoi cette armure ?

- En ardésium ou une autre connerie avec laquelle vous m'avez attaché.

- Sûrement pas. Tes épées l'auraient explosé, c'est un matériau très bien pour faire des chaines ou contraindre quelqu'un mais sûrement pas pour se protéger. Et vu que tes épées ont été faites en un alliage de métaux comme le voliarinium, elles l'auraient dévoré. Non, mon armure a été faite en fer.

- Hein ?

Quel twist, mes amis.

Le fer est devenu un métal basique en cette période de toutes les fantaisies. Il ne sert que de base pour certains alliages ou sert à construire des outils tests pour vérifier la fiabilité et la viabilité de nouveaux outils ou nouvelles créations avant de passer à des matériaux beaucoup plus rares comme le bois de Lilinel – Lilinel qui est une créature diabolique issue d'un arbre maléfique qui se trouve dans la forêt des Magmirs noirs, dans le nord du pays des moulins rouges Amstertis. Ces bois sont très appréciés pour leur conductivité magique.

Or, dans un monde où des créatures résistent aux plus puissantes bombes construites par le genre humain, ce n'est pas une épée de ferraille qui va faire la différence...

- J'aurai pensé que c'était du mithril...

- Parce que je l'ai à peine polie, ne te laisse pas duper. En tout cas, je ne sais pas si c'est consciemment ou inconsciemment que tu brides tes capacités mais faudrait arranger ça.

Ses capacités seraient bridées ? Impensable. Juste il y a à peine quelques jours il dépeçait un loup à la seule force de ses mains. Avec un tel acte, on ne pouvait pas dire qu'il bridait ses capacités, surtout qu'elles étaient déjà bridées par le sceau qui avait été apposé sur son corps.

Ce Sawyer devait se jouer de lui pensait-il.

- Et je voudrais que tu saches, même si tu ne crois aucun mot de ce que je dis, que tu t'entêtes à ne pas prendre conscience de ce blocage, en conséquence tu risques de te mettre dans une situation risquée pour toi... et ceux que tu aimes, Sans-Nom. Qu'importe ton immortalité et ta régénération. Une dernière chose, ne crois pas parce que tu as battu ces clowns du tournoi que tu es tout-puissant. Même Tarkus...

- T'as fini ? enragea le Héros.

- Oui.

- Alors je m'en vais.

- Reviens la semaine prochaine, je t'aurai trouvé un entrainement adéquat.

- Si l'envie me vient.

Le Héros descendit de la tour plus que bougon.

Les paroles de Sawyer l'avaient vraiment irrité. Pourtant le garde du corps n'avait pas pensé à mal : il lui avait juste donné ses observations faites en comparant deux personnes qu'il connaissait. Mais le Héros sentit que celui qui se prétendait comme l'un des amis de sa mère avait un réel ressentiment envers elle. Peut-être était-ce sa façon de parler ou son esprit qui lui jouait des tours ?

Cependant, ce qui l'avait le plus gêné, c'était le fait qu'il puisse penser qu'il ne se donne pas à fond. Cela voudrait dire que lors de son périple, il aurait pu sauver tant de monde qui était à sa portée, avec la force qu'il avait acquise...

Ça l'énervait au plus haut point. C'était la faute de cette foutue Volonté qui les contraignait à ne pouvoir sauver personne car le seul devoir était de sauver le monde, et non les gens qui y habitent. Il pouvait une certaine marge de manœuvre, mais lorsque le Destin dérivait...

Ironique n'est-ce pas qu'il se plaigne de cette injustice, alors qu'il haïssait les habitants de ce monde. Même en renaissant sous cette abominable forme, sa nature naïve, compatissante et empreinte de quête de justice pour tous ne voulait le quitter.

Et pourtant, il fallait qu'il s'en débarrasse pour mener à bien son « ambition »... malsaine...

Au-dessus de la tour se trouvait encore Sawyer qui s'entraînait à l'aide des épouvantails, perfectionnant son maniement de la lance sans utiliser de glyphes. Il repensait à ce qu'il venait de dire au Héros ; il ne pensait pas avoir été trop dur avec lui, il lui avait juste mis du plomb dans la cervelle pour qu'il puisse comprendre qu'il serait capable de tellement plus s'il ne se laissait pas aller ainsi. Mais il s'avoua être lâche d'être incapable de dire ces mêmes mots à Audisélia.

Cela le crispait.

Pourtant les deux avaient un même amour démesuré pour cette femme. Mais, même s'il le pensait fortement, Elena ne semblait pas être la seule raison pour laquelle il se bridait ainsi.

Maintenant que le pouvoir de la malédiction était annulé, et que son pouvoir héroïque a été amoindri par l'absence de boost qu'apportait la malédiction, et l'affaiblissement qu'ajoutait le sceau dessus, ses capacités étaient affaiblies mais il ne pense pas qu'elles se soient affaiblies au point qu'il redevienne un humain lambda, déjà cela était impossible vu qu'il possédait en lui un attribut génétique – qu'il soit défaillant ou non, là n'était pas le souci.

Peut-être avait-il été trop brusque lorsqu'il évoqua sa mère. Le Héros devait croire qu'il la détestait... Nier, toute animosité envers elle, serait un mensonge, mais elle restait son amie... C'était juste que...

Non, il ne devait pas penser aux morts, « seuls les vivants peuvent être secourus », comme disait son défunt paternel. Il fera tout pour sauver Audisélia de son diabolique lignage, quitte à ce qu'elle le déteste, et ne laissera plus personne interférait dedans.

En parlant de la reine, il devrait peut-être aller voir comment se déroule le conseil de guerre. Bien qu'il connût déjà la conclusion de cette fantoche réunion : personne n'agira tant qu'Audisélia ne l'aura pas ordonné, donc il s'agira juste d'essayer de la convaincre de partir en guerre.

Espérons qu'elle ne cède pas par conformisme comme autrefois..., se dit Sawyer.

Dans la salle de réunion, les discussions étaient enflammées : nombreux étaient d'avis d'intervenir, d'autres de prendre la tangente en déterrant les pattes d'Oterrapin – un autre nom de la tortue, parfois on l'appelle Ratasquel Oterrapin – pour s'éloigner de cette armée malfaisante et une minorité prônait la passivité.

- S'ils avaient voulu nous attaquer, ils l'auraient déjà fait, se défendit le capitaine Krine.

- Qu'est-ce que tu en sais ? l'interpella le général Tzamirin, comme si tu avais véritablement vécu la guerre, tu n'es qu'un jeunot.

- Venant d'un noble qui se cachait derrière les pauvres des Basfonds enrôlés de force..., lui rétorqua le capitaine Krine.

- Je n'ai pas de leçon à recevoir d'un vulgaire elfe lépreux des Basfonds !

- Mais qu'est-ce qu'il me veut l'humain sur un corps d'âne ? éclata-t-il.

- Du calme. Du calme, les rappela à l'ordre le général Kiliyam, ce n'est pas un comportement à avoir en présence de notre reine.

Il déroula un immense parchemin, agitant les doigts dans les airs, et tous virent apparaître un plan du pays de Kano. Des points lumineux de différentes tailles et de différentes couleurs s'y affichèrent, comme dans les précédentes informations qu'elle avait reçues, Audisélia remarqua que cette étrange armée se trouvait toujours à la frontière de ce territoire volcanique. Ce qu'elle trouva étonnant fut la grandeur de celle-ci, elle était équivalente à celle de Sylvania, cependant, elle avait une différence notable par rapport à toutes celles que le royaume ait pu affronter au cours de son existence : elles n'étaient composées, à grande majorité, que de morts-vivants.

Encore fallait-il savoir s'ils étaient guidés par de grands nécromanciens ou s'ils étaient guidés par leur propre instinct, et donc avaient gardé l'intelligence de leur vivant.

Cela conditionnerait la marche à suivre.

- Avons-nous reçu une déclaration de guerre depuis ? demanda la reine Audisélia.

- Toujours pas.

L'un des anciens tics d'Audisélia revint, sa joue se crispait de façon incontrôlable, mais il fallait vraiment être un fin observateur pour le remarquer. Cependant, cela l'irritait vraiment que ça réapparaisse maintenant. Il ne pouvait s'agir que d'un mauvais présage. Elle essayait de ne pas y croire, toutefois, la dernière fois qu'il était apparu c'était lorsqu'elle avait perdu le contrôle de son corps.

Ses généraux la sortirent de ses pensées en l'appelant à plusieurs reprises.

- Hein ? Euh... Nous parlions de quoi déjà ?

- De la marche à suivre.

- Sincèrement, intervint le conseiller Norgul à lunettes, Ijiluan, notre organisation actuelle ne nous permet pas de partir en guerre et, selon nos rites que vous connaissez tous, il nous est impossible de combattre tant que la sélection de la nouvelle reine n'est pas encore déterminée. Laisser une guerre entre les mains d'une nouvelle reine inexpérimentée pourrait causer la chute de tout ce que nous avons établis alors, surtout que c'est son champion qui deviendrait le nouveau commandant suprême des armées de Sylvania et je n'imagine pas un simple enfant commander nos généraux ici présents. Si vous voulez faire une guerre, il faut que cela en vaille la peine, l'avertit-il, car ils peuvent n'être que de passage.

- Il est vrai, avoua la reine, ce n'est pas la première fois qu'on rencontre la route d'une « armada morte », au vu de notre méconnaissance sur le sujet nous ne pouvons prédire leur comportement, mais il ne vaut mieux pas les taquiner.

- En outre ? demanda le capitaine.

- En outre, on ne fait rien jusqu'à nouvel ordre... de ma part ! souligna-t-elle, parce que je vous connais, je vous ai laissé bien trop libertés auparavant, et ce qui s'est déroulé par le passé, ne devra jamais plus se reproduire. Étais-je claire ?

- Affirmatif, madame, dirent-ils à l'unisson.

Audisélia sortit de la pièce et après avoir fermé la porte, elle resta au pas de celle-ci, fixant son bracelet de cristal azur. Bien que sa teinte n'ait pas été perturbée depuis tant d'années, ce mauvais présentiment qu'elle avait, depuis qu'elle avait appris l'existence de cette armée, lui donnait des sueurs froides. Encore plus lorsque le Héros a été en contact avec le Némésis. Elle espérait du fond de son cœur que cette funeste impression n'était due qu'à son imagination fertile, sinon... !

Seuls les dieux du panthéon supérieur pourraient la garder.

- Je pense avoir échoué, Elena... Mon cœur n'était toujours pas aussi pur pour leur pardonner... comme ce garçon, sans doute.

La journée avança jusqu'au lendemain, et voilà que notre Héros se retrouvaitentouré d'une famille de fées et d'une invitée naine

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