Les Tristes Vies de Talemilia et Lelelitio Grave: l'ultime résolution

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À l'hôpital, Avelilinélia passa une batterie d'examens, les médecins l'auscultèrent et s'occupèrent des blessures qu'elle avait sur le dos, recousant adroitement ces immenses plaies qui lui avaient été infligées. En tout et pour tout, cette visite médicale avait duré trois semaines avant qu'elle soit autorisée à retourner chez elle. Et durant ces trois semaines étant donné l'efficacité des médecins engagés par la reine. Et en parlant d'elle, celle-ci passa rendre visite à Avelilinélia chaque jour, dès qu'elle le pouvait, non pas pour la convaincre de s'engager dans la course au trône mais juste pour prendre de ses nouvelles. Avelilinélia ressentait toute l'affliction que pouvait ressentir la reine Audisélia à son égard, et ça ne devait sûrement pas concerner que sa personne.

Les poids qu'elle porte sur ses épaules doivent être énormes pour qu'elle me semble si fatiguée ? se dit Avelilinélia préoccupée par l'état de santé de la reine, et elle prend même le temps de me voir en m'apportant à manger...

La reine Audisélia venait souvent avec énormément de feuilles qu'elle remplissait tout en faisant la discussion à Avelilinélia, elle avait un peu de mal à être drôle mais elle tentait à chaque fois de faire sourire la princesse qui tolérait difficilement les soins qui lui étaient administrés.

Parfois elle passait juste en coup de vent pour lui dire bonjour et repartir.

La culpabilité qu'elle avait elle devait être énorme.

En dehors des visites de la reine, des soins et des consultations, Avelilinélia faisait le tour de cet hôpital flambant neuf, la reine lui avait expliqué qu'il avait été construit sur le modèle des hôpitaux humains – elle avait même demandé à un architecte humain de travailler conjointement avec des architectes Féériques de Sylvania pour qu'ils réussissent à construire cet hôpital souterrain.

Malgré ce qu'on pourrait penser, il n'a pas été fait juste pour les nobles et leurs amis mais pour toute la population du royaume, beaucoup de gens de Haute-Ville avaient été envoyés ici pour se soigner, et plus surprenant encore, il y avait des gens des Basfonds, mais surtout des enfants. Et il en venait par dizaines. Ils étaient traités de la même façon que les autres résidants de l'hôpital, on leur apportait même de nouveaux vêtements. Avelilinélia en était choquée.

- Notre reine se démène pour que tout le monde soit traité équitablement et sans différence, s'adressa une fée-infirmière à Avelilinélia.

- Je vois ça. Et personne ne dit rien ?

- Beaucoup ont été contre à l'annonce de l'hôpital, et encore de nombreuses personnes se battent pour que les soins soient d'abord administrés aux nobles puis aux Haute-villois et que les habitants des Basfonds ne foulent aucunement le sol de cet hôpital.

Avelilinélia était abattue à cette information.

- Mais la reine s'est battue contre vents et marées pour qu'il soit accessible à tous, et je pense que tant qu'elle sera là, rien ne changera.

- Et s'il lui arrivait malheur ? dit la jeune fille, inquiète.

- Comment peux-tu penser cela de l'Arme Ultime de Sylvania ? rit l'infirmière, mais il est vrai que si elle venait à abdiquer pour une quelconque raison, cela pourrait être problématique. Mais je pense, sincèrement, qu'elle y a déjà pensé et qu'elle y travaille pour que cet endroit ne devienne pas un hospice pour riches.

Cela rassurait la fée qui observait les siens sourire d'un sourire véritable lorsque les médecins en profitaient pour leur faire des grimaces ou les gâter en sucreries.

Finalement, ils ne sont pas aussi mauvais que Niloran..., pensa la princesse.

C'est après cette discussion que, quelques jours plus tard, la princesse Avelilinélia, lors d'une visite de la reine, lui posa quelques questions.

- Ma reine.

Le nez dans ses documents, elle releva brusquement la tête.

- Tu peux m'appeler Audisélia, mais oui ?

- Je n'oserai pas !

- Cesse tes simagrées, on vient du même endroit. Je ne parle jamais à des gens des Basfonds parmi les officiels, à chaque fois ce sont soit des nobles, soit des Haute-villois. Bien que je n'y aie vécu qu'un court moment et que j'en ai aucun souvenir, je me dis que... je sais pas... pas qu'on soit amis parce que cela serait vraiment bizarre et problématique au vu des futurs événements, et Sawyer voudrait pas, ronchonna-t-elle, mais voilà...

- Je pense avoir compris où vous voulez en venir, dit Avelilinélia en se grattant la joue, je fournirai un effort alors.

- Très bien ! se réjouit la reine, alors que me veux-tu ?

- Je me posais d'innombrables questions sur le rôle de reine de Sylvania, voire de reine tout court... dit la princesse en s'entortillant les doigts.

- Commence par la première, ça sera déjà suffisant.

Avelilinélia prit une grande inspiration puis demanda :

- Est-ce vraiment nécessaire d'être aussi forte ? Aussi forte que vous pour prétendre au trône de Sylvania ?

La reine pencha la tête de gauche à droite réfléchissant en se tapotant la joue avec sa plume trempée dans l'encre avant de replonger la tête dans ses documents.

- Que tu sois un homme ou une femme, un roi ou un paysan, tu te dois toujours d'être fort ou du moins d'être à la hauteur de ce que tu protèges, déclara la reine, que ça soit le royaume ou tes proches. Néanmoins, être aussi forte que moi n'est pas une condition sine qua non à être la dirigeante de Sylvania, juste prouver que tu es digne des habitants que tu protèges est suffisant.

- Sûrement. Alors si ce n'est pas nécessaire, pourquoi vous êtes aussi forte ?

- Ah ça ? C'est juste que je suis née forte tout simplement, et au fil de mes combats je suis devenue encore plus forte, au point que Sawyer se sente inutile en tant que garde du corps... Non je devrais dire, au point qu'on me surnomme l'Arme Ultime de Sylvania. Mais je te l'ai dit : la force personnelle n'est pas le plus important, c'est le fait de s'entourer de personnes dignes de confiance, d'être brave et courageuse, intelligente et prête à tout pour ceux qu'on aime qui l'est. Le reste tu devras le trouver toi-même.

- Ça paraît si simple quand c'est vous qui le dites...

- Ça ne l'est jamais. C'est du travail d'être reine. Un travail interminable... Regarde toutes ces feuilles que je me coltine à remplir ! enragea la reine Audisélia, tout ça à cause de cette foutue « épuration ». Des documents administratifs, des feuilles de calculs magiques, de la comptabilité...

- Mais normalement vous avez des ministres pour cela non ? demanda Avelilinélia.

- Oui et non. Oui normalement j'en ai mais non, j'ai dû bouter les factions dissidentes de mon gouvernement donc je dois m'en occuper.

- La fameuse « Épuration Foudroyante Gouvernementale ». Vous les avez exterminés ?

- Absolument pas. Triface aurait bien voulu pour asseoir ma domination royale mais je me suis jurée de ne m'être à mort personne durant mon mandat royal. Ils ont tous été jetés au cachot. L'argent des impôts n'a pas seulement servi à construire cet hôpital mais a aussi servi à agrandir les Limbes. Je pense me diriger vers la bonne voie dans cette fin de mandat.

Aux yeux d'Avelilinélia, la reine était une vraie bosseuse, bien qu'elle se sente coupable pour une raison autre que son état de santé. Elle semblait être une personne droite et gentille.

- Vous pourriez aider les gens du Basfonds...

- Non, je ne peux pas faire ça.

- Pourquoi ? s'insurgea-t-elle.

- Calme-toi, lui ordonna la reine avec un ton très sévère.

Ce qui fit sursauter la princesse qui se calma mais reposa plus tranquillement la question.

- J'ai commis de nombreuses erreurs dont je ne suis pas très fière et j'ai mis dans une grande misère le peuple de Sylvania. J'essaie de réparer mon erreur mais étant donné mes anciennes actions, je ne peux pas le faire. En tout cas, ce n'est pas par moi que le changement de mentalité pourra s'effectuer. Je ne suis pas légitime à cela puisque j'étais « façonnée » dans le moule de la royauté.

- Pourtant vous m'aviez dit que vous veniez des Basfonds comme moi ! Comme ses enfants qui sont dans des chambres adjacentes à la mienne ! Comment pouvez-vous les laisser subir un tel sort alors que vous avez pris connaissance des ignominies qui se perpètrent au plus profond de ceci ? s'indigna Avelilinélia.

- Je t'ai dit aussi que je n'y ai pas franchement vécu, donc c'est pour cela que je t'ai proposé de participer à la succession.

- Vous ne voulez pas agir pour que je participe à ce foutu tournoi, c'est ça ?

- Qu'est-ce que j'aurai à y gagner ? lui répondit nonchalamment la reine, je n'ai pas fini de réparer mes erreurs et je dois me préparer à combattre un ennemi surpuissant sans les fonds et les hommes du royaume. J'ai juste répondu à ta question.

La princesse Avelilinélia se rallongea et fixa le plafond, incapable de cacher la colère dirigée contre la reine.

- Dans les paramètres actuels, malgré mes faits d'armes, je suis totalement impuissante, reprit la reine, la faction qui est contre moi n'est pas totalement morte, mais j'ai pu me débarrasser des plus virulents. Néanmoins, sur certains points je ne peux pas leur donner tort et agir comme un dictateur ne mènerait à rien de bon. C'est pour ça que je suis venue te voir et analyser tes paroles pour voir. Si tu n'étais pas digne de monter sur le trône, je ne t'aurais jamais fait cette proposition, toutefois je t'aurais tout de même soignée. Et tu dois savoir que je ne peux pas intervenir plus en ta faveur car tu as connaissance de nos lois, de nos dogmes et de nos traditions. C'est à toi d'agir et de régler le royaume sur ton tempo. Le reste t'appartient princesse Avelilinélia Grave.

La reine n'avait pas tort. C'était le manque de courage d'Avelilinélia qui faisait qu'elle refusait de prendre part à la conduite à suivre du royaume, mais il ne fallait pas lui mettre toute la faute sur le dos.

Après tout, elle était encore traumatisée de l'amputation barbare qu'elle avait subie il y a deux ans et demi...

- Si tu veux obtenir quelque chose, soit la première instigatrice du changement que tu veux apporter, c'est tout. C'est pour ça que je me casse la tête avec toutes ces merdes ! éclata la reine, vivement que les nouveaux ministres soient sélectionnés et que l'armée soit reconstituée.

Avelilinélia prit en compte ce que dit la reine et y repenserait plus tard.

Alors que la reine était venue rendre visite à Avelilinélia pendant ces deux semaines, Lelelitio n'avait pas daigné la voir durant son hospitalisation. Bien sûr il était impossible pour les habitants du Basfonds d'accéder à Haute-Ville et encore moins au Sanctuaire...

- Mais il aurait pu faire un effort, se plaignit Avelilinélia en sortant de l'hôpital.

Une calèche royale vint l'attendre à l'entrée du château et l'emmena jusque devant sa maison dans les Basfonds. Celle-ci retrouva une maison complètement refaite. Bien évidemment, elle n'était pas trop extravagante pour ne pas attirer l'œil des curieux et révéler la présence, dans les Basfonds, d'une princesse de la lignée Grave considérée comme éteinte.

Mais ce qu'elle n'avait pas prévu c'est qu'il y ait désormais une serrure. D'habitude, ils bloquaient la porte avec une planche de bois contre la porte – de la magie basique s'il devait partir un long moment – pour que personne ne s'y infiltre. Elle ne prévoyait pas défoncer cette porte nouvellement installée et ne connaissait aucun sort pour crocheter une serrure, alors elle alla se poser sur un banc dans un parc pas très loin.

Assise, elle se mit à peser le pour et le contre de redevenir une princesse pour accéder au trône. Un faux dilemme pour esquiver la principale raison pour laquelle elle se refusait à imaginer se lancer dans cette campagne pour le trône de Sylvania : elle n'était absolument pas à la hauteur de ses convictions.

À force de lire et relire le conte sur le héros et la fée de la légende, elle s'était convaincue pouvoir être à la hauteur de ces immenses figures, le dernier bastion d'espoir des Féériques Terriens... mais à sa petite échelle. C'est pour ça qu'elle avait participé à rendre cet endroit malfamé beaucoup plus paisible pour ses habitants. Se tenir à la hauteur de ce héros qu'elle admirait tant. Mais, bien qu'on prétende qu'elle soit forte, de simples bandits l'ont ridiculisée et lui ont pris ce qu'elle avait de plus précieux pour le revendre je ne sais où comme une vulgaire marchandise.

Si elle n'était pas capable de se protéger elle-même, comment pourrait-elle prétendre protéger les autres et ramener de l'ordre dans ce royaume décadent ?

Se battre lui semblait tellement hors d'atteinte. Lelelitio avait traversé vents et marées pour la retrouver et s'était retrouvé, à de nombreuses reprises, à se confronter à des personnes qui lui voulait du mal. En définitive, elle restait un poids pour ses épaules, et non pas la figure de proue qu'était le héros de la légende.

Cela faisait bien deux semaines qu'elle réfléchissait à la proposition de la reine et elle ne vit aucun moyen d'obtenir une réponse positive de sa part sans être hypocrite et cacher son incompétence.

- Je pense qu'il est de temps d'avouer la vérité à la reine car me triturer l'esprit avec cette question ne m'avance à rien, se dit-elle à voix haute, une fois que Lelelitio rentrera à la maison, j'userai du coquillage de communication qu'elle m'a donné pour lui donner ma réponse.

C'est alors qu'elle releva que des enfants étaient poursuivis par une troupe d'hommes, ils s'enfonçaient de plus en plus dans les Basfonds, ils allaient bientôt atteindre la zone du cadavre de l'Hydragon : l'endroit le plus dangereux des Basfonds. Prise d'une étrange curiosité, elle les suivit jusqu'à se retrouver dans une ruelle sombre, les enfants étaient acculés par ces étranges hommes qu'elle reconnut : il s'agissait des bouchers de Traxi dont la cheffe était la femme qui avait accepté de transformer Malalalivia en steak haché. Des gens horribles qui profitaient de la misère des gens pour amasser de la viande en les utilisant pour se nourrir eux-mêmes.

Les hommes qui faisaient face aux enfants étaient des brutes épaisses, avec des biceps énormes, des piques et des cornes de partout, des masses aussi grandes que ses jambes. À leur simple vue, elle en était complètement terrorisée, elle voulait agir mais il était certain qu'ils étaient bien plus forts qu'elle, elle venait tout juste de sortir de l'hôpital, que pourrait-elle faire dans son état ? Alors elle était affalée contre le mur, observant la scène du coin de l'œil, espérant que quelqu'un arrive et sauve ces enfants du funeste destin auquel ils étaient promis.

Leur cri de peur, leurs larmes, les « grand frère » apeurés que percevait Avelilinélia lui tiraillaient le cœur, mais elle ne se sentait pas apte à agir, elle était faible... indigne du héros de la légende... Elle ne faisait que supplier le ciel qu'un garde arrive et intervienne, que la reine elle-même débarque et les sauve... Mais comment ? Personne n'ose s'aventurer dans cette zone de non-droit où aucune lumière ne pouvait être visible.

L'un des ravisseurs attrapa le garçon parmi les enfants et d'une seule main l'empoigna avant de le lécher pour le gouter.

- Moma a toujours dit qu'elle avait pôs b'soin de la tête, dit celui-ci avec une voix rauque et de gros débile.

- Non, non. Pas b'soin, lui répondit l'autre dans le même ton.

- Bah t'c'est génial ! se réjouit-il, on pourra jouer au tire-ballon !

Le garçon les supplia de les laisser partir en se débattant du mieux qu'il pouvait, frappant tout autour de lui, il les supplia d'au moins laisser partir son petit-frère et sa petite-sœur.

- On peut pô sinon Moma va pô être contente. En plus, la viande des nenfants est toujours délicieuse.

Le garçon se mit à crier à l'aide, suppliant qu'on vienne les sauver, Avelilinélia derrière le mur se bouchait les oreilles pour ne pas entendre leurs cris, s'hurlant à elle-même de faire abstraction de cela. Ses jambes étaient paralysées par la peur, l'angoisse, sa couardise pourtant une petite voix lui hurlait d'agir au fin fond de toute cette atmosphère d'émotions négatives qui avaient envahi son esprit mais surtout son cœur. Et c'est par un simple mouvement de tête dans cette ruelle qu'elle croisa le regard implorant du jeune garçon, il n'avait même plus la force d'hurler à l'aide, ce regard rempli de désespoir mais aussi d'une once de réjouissance de voir quelqu'un être témoin de ce qu'il se passait.

Il devait sûrement penser qu'elle pourrait appeler des gens à la rescousse, pensa Avelilinélia.

Non. C'était elle qui était pour lui les secours. Elle le savait très bien.

Cependant, alors qu'elle réfléchissait d'agir ou non, elle s'aperçut que les yeux du garçon commençaient à s'éteindre, l'étranglement du cannibale allait bientôt le tuer.

Allait-elle réellement laisser un enfant mourir sous ses yeux ? Sa mère et sa mère adoptive ne s'étaient-elles pas sacrifiées pour qu'elle vive ? Comment pourrait-elle faire honneur au héros si elle n'est pas capable d'honorer les vies qui avaient été offertes pour sa survie ?

Poussée par un élan de courage extrême, le cœur alimenté par quelque chose qu'elle n'avait jamais connu auparavant, elle fonça vers les deux géants ravisseurs et trancha la main de l'homme qui tenait la tête de l'enfant avec main en fer forgée avec de la magie, et comme escompté, elle s'aperçut qu'il s'agissait d'ogres – ce n'est pas pour jouer sur les clichés, tous les ogres ne mangent pas des êtres conscients, mais c'était forcément attendu qu'il ne pouvait s'agir que d'eux –, le combat allait être très éprouvant.

Elle se tint entre les ravisseurs et les enfants désespérés, à peine accroupi, tenant dans ses bras l'enfant qui avait simplement perdu conscience, sa main gauche faite de chair et de sang lui protégeant la tête et sa main droite qui avait été transformée en acier tranchant, trempé du sang de ces monstres qui ont cru bon de s'en prendre à des enfants devant elle.

Avelilinélia n'avait même pas incanté un sort pour transformer son bras, cela s'était fait instinctivement. Comme le fait qu'elle soit face à ces deux géants affublés de sac à patates au-dessus de la tête, ne laissant paraître que des yeux jaunes avides de chair fraiche. Elle avait été comme qui dirait poussée par une force mystérieuse autant à l'intérieur d'elle, qui sommeillait dans ses tripes, qu'à l'extérieur. Et la voilà face aux adversaires les plus dangereux qu'elle ait jamais affrontés, et pourtant ce n'était pas la peur qui était en premier plan, malgré sa lèvre tremblotante, elle était habitée par un courage sous-jacent à une autre émotion beaucoup plus violente, une émotion qu'elle n'avait jamais ressentie tout au long de sa vie : la rage.

La rage que ce genre d'injustices perdure sans que personne n'agisse, sans personne ne les résolve.

Elle pouvait être révoltée, mais la flamme qui brillait dans ses yeux dépassait la simple révolte ou la colère adolescente, elle était enragée d'avoir été incapable d'empêcher la peur guider ses pas depuis tout ce temps.

Soudain, elle se souvint d'une parole que la reine lui avait dite concernant sa force et celle de Avelilinélia : « Pour obtenir ma force, ma puissance, il y a un bien trop grand prix à payer qui va au-delà du simple entraînement. Heureusement toi, tu n'as pas à le payer car tu as déjà un potentiel inouï, ailes ou pas. Comme je te l'ai dit : il suffit d'être capable de se battre pour ceux qu'on aime pour obtenir la véritable force. Le reste viendra plus tard et d'une façon miraculeuse que tu n'imagines même pas. »

Elle avait raison. C'était un miracle qui s'était produit. Elle avait acquis la plus grande des forces pour protéger autrui : le courage. Et pour l'instant, cela lui serait plus que suffisant pour défaire de simples voyous comme eux.

- Qu'est-ce qu'elle n'veut la fée sans ailes ?

- Tu crois en mesure de t'm'surer aux frères Bargo.

- Oh que oui, répondit Avelilinélia, ce ne sont pas des monstres comme vous qui vont faire le moindre mal à ces enfants.

- Ah oui ? T'as vla une grande bouche pour une moins que rien.

- Détrompe-toi. Je suis bien plus qu'une moins que rien.

Elle posa le garçon au côté de son frère et de sa sœur et elle leur caressa les cheveux pour les rassurer puis se retourna en direction des deux ogres.

- Je suis la future reine de Sylvania, la princesse sans ailes, Avel... Talemilia Malalalivia Grave et je vous prierai de vous conduire aux gardes les plus proches et de vous mettre en état d'arrestation.

- Et t'vas croire qu'on va écouter une bourgeoise d'ces Basfonds ?

- Comme vous voudrez, mais il ne faudra pas vous plaindre de vous être fait battre par une sans-aile, les avertit-elle les yeux emplis de rage.

Elle métallisa – ça se dit vraiment ? – ses bras et fonça se battre contre ces deux ogres, galvanisée par cette hargne qui l'habitait, qui la transcendait. Bien sûr elle n'allait pas les vaincre aussi facilement qu'elle le voudrait : ils étaient deux fois plus grands qu'elle, cinq fois plus forts qu'elle, elle ne se déplaçait plus aussi facilement que l'époque où elle avait encore des ailes. Cela se révélerait bien plus fastidieux, surtout qu'elle n'avait jamais vraiment combattu... mais il le fallait !

Si je ne le fais pas qui le fera ?

C'est après un affrontement de longue haleine, avec quelques côtes cassées, des joues tuméfiées et des blessures de partout que celle qui s'était renommée Talemilia Malalalivia a remporté la victoire et sauvé les enfants.

Ceux-ci étaient partis appeler des secours pour la sortir de là et des gardes débarquèrent en compagnie de Lelelitio qui était revenu de là où il venait. La nouvelle Malalalivia le vit, lui fit un clin d'œil et lui tendit un pouce en l'air.

- J'ai gagné la bagarre, Leleli.

Lelelitio n'en croyait pas ses yeux, ses pires espérances après la lecture du livre de la mère de Avelilinélia allaient se réaliser. Mais pouvait-il l'empêcher ? Elle avait toujours eu cette volonté de protéger les autres, au-delà du fait de ressembler à cette légende.

Était-ce le fameux « Destin du héros de la légende qui sévissait » ? se demanda l'elfe.

Mais était-ce une aussi mauvaise chose ? Après tout, il avait dit que si elle se présentait, il la servirait du mieux qu'il pouvait.

Il s'approcha d'elle et la souleva du sol.

- Tu viens à peine de sortir de l'hôpital que tu vas devoir y retourner, la réprimanda Lelelitio.

- Ah donc je t'ai manqué ? rétorqua Malalalivia, pourtant tu n'es pas passé UNE SEULE FICHUE FOIS ME VOIR !

- Crois-tu vraiment que tu es en état de pouvoir me gronder ? se moqua Lelelitio.

- En tout cas, une chose est sûre, c'est que tu arrives toujours pile poil, Leli, lui dit-elle avant de lui embrasser la joue, je sais que je pourrais toujours compter sur toi.

Lelelitio était sans voix, il n'aurait jamais cru que Avelilinélia lui embrasserait la joue, elle n'a jamais été une personne tactile, surtout avec lui, à moins d'y être obligée. Il ne dit rien et continua à marcher jusqu'à la sortie de la ruelle où un garde centaure les fit monter sur son dos pour les ramener chez eux. Là-bas, un médecin leur serait envoyé, les blessures de la fée pouvaient être considérées comme superficielles dans un royaume magique.

La reine arriva quelques heures après, sans calèche, cheval ou centaure, elle avait tout simplement volé à la vitesse de l'éclair depuis le château. Elle vint au chevet de la princesse.

- Je suis si désolée, j'aurais dû laisser des gardes avec vous, s'excusa la reine.

- Ce n'est rien, la rassura la princesse-fée, mais je voulais vous dire quelque chose.

- Oui ?

- Je vais redevenir une princesse et Lelelitio sera mon servant et mon champion.

- Vraiment ? s'étonna réellement la reine Audisélia, qu'est-ce qui vous a fait changer d'avis ?

La princesse s'assit sur son lit et regarda le sol.

- Ce combat contre ces deux ogres m'a appris deux choses l'une : je n'aime pas particulièrement me battre, mais j'ai appris la nécessité d'être forte, et j'ai compris que si je voulais changer les choses qui me déplaisent, je vais devoir le faire moi-même.

Puis elle se releva et fixa la reine avec son sourire rempli de confiance.

- Alors madame la reine de Sylvania, je vais reprendre mon titre de princesse et je vais vous destituer de votre rang.

Lelelitio ne s'était pas trompé : elle avait repris en courage, voire bien plus, cela dépassait sa personnalité d'avant. Cela venait peut-être de l'adrénaline qui coulait dans ses veines mais elle lui paraissait beaucoup plus confiante.

- J'en suis ravie ! Mais j'ai deux choses à redire : tu ne vas pas me destituer, j'abdique, ce n'est pas la même chose, mais je vais mettre ça sur le compte de l'euphorie parce que c'est quand même un aveu d'un acte de haute trahison. Et ta détermination aurait été classe à voir si tu ne ressemblais à un glocque.

Une créature aux grosses joues d'où elle sort des piques pour se défendre.

La princesse cacha ses joues avec ses mains et dit :

- C'est tout ?

- Oui. Les vrais conseils viendront plus tard. Ne vous inquiétez pas, vous allez subir un entraînement spartiate, toi et ton servant ci-présent, je présume étant donné ses propos de la dernière fois.

- Oui, répondit fièrement Lelelitio.

- Sache que ça sera un chemin semé d'embûches et que la trahison et les coups bas seront légions.

- Ne vous inquiétez pas, je vais me préparer à ça.

- Et vu ta technicité en magie, je pense que tu n'auras pas besoin de cours de rattrapage sur ce sujet mais le reste, ça ne te fera pas de mal. Ah oui et vu qu'on manque d'effectifs, c'est moi et Sawyer qui allons-nous occuper de vous éduquer et entraîner.

- Vraiment ?

- Vraiment, affirma la reine, mais c'est aussi pour t'éviter toute forme de discrimination jusqu'à ce que ton mental soit endurci parce que là tu tiens parce que ton corps est encore sous adrénaline, néanmoins, je suis certaine que tu y arriveras.

- Merci ma reine.

- Y a pas de quoi. Allez, je vous laisse. On se voit dès que tu es remis sur pied.

Audisélia sortit et retrouva Sawyer derrière la porte.

- Tu as réussi à me rattraper ?

- Bien sûr. J'ai bien appris la magie spatiale pour ne jamais plus jamais être à la traîne.

- Donc tu as repris ta magie de prédilection parce toi aussi tu t'en veux pour ce qu'il s'est passé, il y a deux ans et demi ?

- C'est bien normal : j'y étais.

- Sinon tu penses quoi du potentiel de ces gamins ?

- Avec le court entraînement de deux semaines et les analyses qu'on a eu de l'hôpital et de ta part : la fille va dépasser le garçon s'il se donne au meilleur de sa forme, avant même d'atteindre l'âge adulte d'une vraie fée.

- Ah bon ? Ça va être intéressant à voir.

- Tu comptes l'affronter ? lui demanda Sawyer.

- Non. C'est fini cette époque, j'ai autre chose à faire, j'ai un royaume à gérer.

- C'est bien.

- Arrête de te prendre pour Torn, on a presque le même âge.

- Mais il m'a chargé de te protéger, et c'est vraiment pas une mince affaire...

- Ahah ! T'as oublié la négation tu te relâches !

Elle lui prit la tête et le frotta avec son poignet puis le relâcha.

- Vu que t'es là, on va s'occuper de ces gars qui pensent pouvoir boulotter notre petit peuple.

- Sélia, langage..., soupira-t-il, mais oui, vu qu'on est là autant leur apprendre les bonnes manières.

Dans la chambre, Lelelitio voulut clarifier quelque chose :

- Avelilinélia, pourquoi tu as pris le nom de ma mère ?

- Parce que je veux me battre en étant comme elles, peut-être que Avelilinélia ne va plus exister mais c'est pour une meilleure chose. Je veux les remercier pour ce qu'elles ont fait pour moi et incarner la continuité de leurs vies.

Il voulut la contredire mais se retint, elle était en pleine exaltation de sa force, il n'allait pas débattre avec elle sur ce sujet, et ce n'est pas comme si elle prenait leurs noms pour une mauvaise chose.

- Ah oui, il faut que tu lises ton livre de conte sur la légende du héros et la fée. J'y ai appris de nombreuses choses.

- Comme quoi ma mère était l'ancienne fée de la légende..., lui sourit-elle.

- Oui. Attends, quoi ?

Lelelitio se releva en sursaut, les yeux complètement exorbités devant le regard rieur de Malalalivia.

- Tu étais au courant ? Depuis quand ?

- Le début. Lorsque tu me lisais l'histoire, moi je comprenais parfaitement ce qu'il se trouvait dans le livre. Le sort marchait sur tous ceux qui n'étaient pas concernés par cela. C'est pour ça que je les admire tant, avant que la reine nous annonce que la prochaine reine de Sylvania serait la fée de la légende, je m'étais resignée à tout faire pour devenir le héros, enfin, l'héroïne de la légende, maintenant, j'ai la chance de peut-être pouvoir devenir les deux.

- C'est pour cela que tu les admires tant...

- C'est exact. Je sais que c'était incompréhensible pour toi, mais je n'ai pas beaucoup vécu avec ma mère donc ce livre c'est la seule chose qui me relie à elle donc...

- Non c'est bon, pas besoin d'expliquer plus, j'ai saisi. Je veux juste savoir une dernière chose.

- Oui ?

- Tu es vraiment déterminée à devenir reine, Avelili... Malalalivia ? Les gens que nous allons affronter sont des cadors, des nobles surentraînés, voire des personnes d'autres pays et d'autres royaumes, même des créations magiques.

- Tu as peur ? demanda Malalalivia, d'un ton moqueur.

- Je m'inquiète pour toi.

- Je vous l'ai dit : je suis certaine de ce que je fais et de mon choix, car j'en ai marre qu'on ne puisse pas s'asseoir à la même table avec les autres strates de la société. Je vais changer les choses et briser les murs qui nous séparent comme le héros de la légende et sa compagne la fée briseront le ciel pour nous faire voir les étoiles.

Bien qu'il soit au courant de l'admiration de sa cousine, il ne pouvait s'empêcher de la haïr. Mais il était satisfait. Il se tiendrait à ses côtés et la pousserait jusqu'à qu'elle atteigne les sommets.

Voilà la promesse qu'il s'était faite.

- Alors, ça marche pour moi aussi, princesse Talemilia Malalalivia Grave.

- Content de te voir à bord, Lelelitio Grave.

Et tous les deux se serrèrent la main, se préparant à parcourir ce fameux chemin semé d'embûches.

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