Chapitre 18 3/4

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Je rajoute ce chapitre "brut" pour avoir votre avis. Il devait initialement se situer entre la sortie de Lepois de chez Mary et l'arrivée chez GSC et permettait justement de mettre Lepois sur la piste plus précise de GSC. J'ai hésité à le poster, opté pour ne pas le mettre et à la réflexion le soumet à votre avis, histoire de voir ce que vous en pensez.

Ne prenez pas garde aux erreurs de frappe/syntaxe, répétitions, etc, c'est un premier jet brut de brut retapé à l'identique de ce que j'ai couché sur le papier.

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Le visage du gros-bras du Louisiane frappa violemment le comptoir, pour la seconde fois en quelques semaines. Lepois avait fait irruption dans le bordel, flanqué de Piémont, l’ancien policier italien et de l’Assommoir, parfait soutien dans les coups de main. Crochaille s’était posté à l’extérieur, vigie de sécurité qui les préviendrait à l’approche d’importuns.

Revolvers aux poings, ils avaient maitrisé sans peine les deux joueurs de carte. Aucune trace de Duplessis alentour, mais ce cher Herbert se tenait à son poste habituel, derrière son bar. Un canon d’acier pointé sur sa trogne calma aussitôt ses ardeurs et le contact de son appendice sur le zinc, avant même que le policier n’engage la discussion, établit tout de suite des relations franches et directes.

— Un, deux, trois, j’ai déjà compté, maintenant tu me dis sans perdre de temps où est ton patron, ordonna l’inspecteur.

Borborygmes. Invectives étouffées par des jets de sang. Le loufiat demandait visiblement une deuxième couche. Lepois resserra son étreinte sur le col de sa victime et envoya son visage se fracasser à nouveau d’un geste brusque.

Nouveau craquement. La brute tourna de l’oeil. Petite nature. Le policier déversa un verre d’un alcool sirupeux sur la caboche d’Herbert.

— Pas l’heure de dormir, mon petit, asséna-t-il. Où est ton patron ? Je te préviens, à la troisième question, tu perds un œil.

— P… Premier étage… fond du couloir à… à droite, bredouilla la brute.

— Eh ben voilà, sourit le policier. Tu vois, quand tu veux. Et maintenant, dodo.

La crosse du revolver cogna sur la peau glabre du crâne de la brute et l’envoya dans les tréfonds de l’inconscience pour un bout de temps.

Les deux faux joueurs, ligotés et bâillonnés, se trouvaient sous la garde assidue de l’Assommoir. Piémont, de son côté, rassurait les gagneuses. Elles avaient vite compris que le trio n’en avait pas après elles et semblaient même plutôt apprécier de voir les hommes de main de Duplessis malmenés. Combien, parmi elles, avaient été ramenées ici depuis les colonnes des esclavagistes ? Lepois chassa cette pensée de son esprit. Il ne s’était pas pointé dans ce rade pour jouer les chevaliers sans peur mais pour solder quelques comptes.

— Je monte, lança-t-il à ses compères. Piémont, tu surveilles la porte, l’Assommoir… ben… tu les assommes si ils bougent, tes saucissons.

— Oui, chef ! Approuva ce dernier, dans une parodie de salut militaire tandis que l’italien opinait plus sobrement du chef.

— Mais pas de double dose, hein ? Pas envie d’avoir des cadavres sur les pognes.

— Pas de double dose, chef.

— Sauf pour notre ami Herbert, s’il se réveille, ajouta le policier dans un demi-sourire. Lui, il peut avoir tout le rab nécessaire.

Incroyable comme on s’habitue à cogner sur les autres.

Lepois gravit les marches de l’escalier à pas prudents. Après tout, nez-cassé aurait pu lui raconter des salades et l’envoyer tout droit dans un traquenard. Au premier étage, un couloir partait vers le coeur de l’établissement. Une silhouette s’encadra dans l’embrasure d’une porte. Pile ce qu’il craignait. Moustache défrisée, torse-nu et pantalon maintenu d’une main tremblante. Un client, en toute apparence. Derrière-lui, une jolie brune, paire de draps remontée sous le menton.

— Qu’est-ce que.. bredouilla l’inconnu avant de se retrouver avec l’arme du policier sous le museau.

— Chuuuut, murmura celui-ci, l’index sur la bouche. Opération de police, restez dans votre chambre, pour votre sécurité.

— Mais enfin… tenta d’argument l’autre.

Bon sang ! Un parleur. Pas de temps pour la négociation, la diplomatie de la crosse devait à nouveau parler. Dans un bruit sourd, monsieur coïtus interumptus s’effondra sur le sol, futal aux chevilles, les bijoux exposés sur le parquet. Pas bien vaillant, ton petit cheval. La gagneuse, prudente, choisit de rester sagement protégée derrière son carré de tissu. Elle ne perdait pas au change, après tout : pas la peine de se fatiguer à pomper l’argent de son micheton, elle n’avait qu’à le piller avant qu’il ne se réveille.

Le policier referma doucement la porte, non sans avoir repoussé le corps doublement flasque d’un coup de talon.

Au fond du couloir, une porte chargée de dorures. Pas de doute possible, c’était l’antre de Duplessis. Quelle entrée choisir ? Discrète, en faisant tourner la poignée aussi lentement que possible ? Explosive, façon descente de flic ?

Coup de pied de rigueur, toujours le plus simple. Dans le même instant un coup de feu éclata depuis l’intérieur de la pièce. Herbert, au moins, ne l’avait pas trompé, le cajun se trouvait bien là. Par réflexe, et par change, le policier se plaqua contre le mur, évitant un deuxième tir tout aussi mal ajusté que le premier. Il se pencha juste assez pour observer les lieux, lâchant à son tour quelques pruneaux histoire d’occuper le retranché.

Maintenant, je sais où tu es.

Duplessis avait trouvé refuge derrière son bureau. Protection de fortune, en toute apparence. Finalement, Lepois et ses compères n’avaient peut-être pas été si bruyants que ça… C’était le client bavard qui avait probablement donné l’alerte sans le vouloir.

— Honoré. Poste ton arme, cria l’inspecteur, revenu à l’abri. Tu vas te blesser.

— Inspecteur Lepois ? Répondit l’autre d’une voie affable où transperçait une crainte certaine. Quel plaisir ! Mais vous auriez dû vous annoncer, je vous aurais fait préparer du champagne, au lieu de vous tirer bêtement dessus.

Un silence.

— J’espère que vous n’avez pas molesté ce cher Herbert, d’ailleurs ?

— Rien de plus ni de moins que d’habitude.

— Ah. Je vois… Que diriez-vous de descendre et discuter autour d’une table plutôt que de se parler ainsi à travers un panneau de bois ?

— Pas soif. Et j’aimerais vraiment profiter de la décoration de votre bureau.

— À force de tirer dans tous les sens, vous allez finir par me l’abimer, inspecteur.

— Possible, j’en suis navré.

Nouvelle salve du policier. Un bruit de verre, suivi d’un fracas.

— Désolé pour la lampe, glissa Lepois une fois à l’abri.

— Ce n’est rien, inspecteur, je ne l’aimais pas. Par contre, vous venez de gâcher une toile de X, et voilà qui est plus regrettable.

— Jamais aimé les naturalistes, répliqua le policier.

— Moi non plus, pour tout vous dire, mais l’investissement était intéressant, voyez-vous.

Lepois rechargea son arme. Il se trouvait dans une impasse. L’autre ne bougerait pas de sa place forte, et une entrée de front serait suicidaire. D’autant que chaque minute de plus passée à discuter augmentait le risque de voir des renforts du cajun arriver.

Aux grands maux…

Le policier décrocha de sa ceinture une sphère métallique. Toujours sortir couvert en cas de descente. Il alluma la mèche qui dépassait de l’objet, attendit une poignée de secondes et lança la grenade en cloche au-dessus de Duplessis.

— Non mais ça va pas ! Hurla le cajun, bondissant de sa cachette en direction de la sortie.

Lepois l’attendait, planté sur deux pieds. Il tira. La balle fracassa l’épaule droite du patron de bordel, le fit reculer et se cogner contre un fauteuil.

— Putain ! Lança celui-ci… La… la grenade, merde !

L’inspecteur contourna le blessé, s’empara de l’arme qu’il avait laissé tomber dans sa fuite et revint vers lui, la sphère métallique à la main. La mèche finit de se consumer dans une gerbe d’étincelle. Il en restait moins d’un centimètre.

— Borde ! Gémit Duplessis. Vous… vous êtes malade !

L’engin s’éteignit alors dans un « pschitt » enfumé et un brin ridicule. Lepois le fit sauter plusieurs fois dans sa main.

— Factice, sourit-il de toutes ses dents.

— Salopard de flic !

— Ouais.

L’inspecteur s’avança vers sa victime, s’accroupit à côté de lui, les yeux fixés sur sa blessure.

— Pile là où je voulais toucher. Pas mal, hein ?

Le proxénète écarquilla les yeux, la main posée sur sa plaie. Lepois l’en dégagea d’un coup de crosse de revolver.

— Pas touche, ordonna-t-il. Ça, c’est mon terrain de jeu.

Il enfonça aussitôt le canon de son arme dans la chair sanglante. Duplessis hurla, essaya en vain de dégager le métal qui lui déchirait les tissus.

— Pas touche, j’ai dit, asséna Lepois en appuyant plus fort. J’ai pas beaucoup de temps, notre virée va pas tarder à attirer du monde. Alors, tu m’en voudras pas, Honoré, je me permets de sauter l’introduction pour aller directement à l’acte III. Le tragique, celui qui annonce le dénouement.

— Mais qu’est-ce que vous voulez ? Gémit le blessé.

— Voilà ! C’est exactement la question qui s’imposait. Je veux tout savoir sur l’organisation dont tu fais partie. Tes chefs, tes fournisseurs, tout.

— Je ne vois pas ce que.

L’homme pâlit, le front moite de sueur. Lepois venait d’actionner son appareil de torture improvisé. Le sang suintait de la blessure et tachait la chemise élégante de Duplessis avant de ruisseler sur un tapis certainement hors de prix.

— Non, se désola le policier. On avait pourtant bien commencé.

— Je vais… je vais te tuer, inspecteur !

— Il faudra faire vite, alors, parce que d’autres font déjà la queue depuis un sacré bout de temps. Mais revenons à nos affaires. Quel est ton rôle dans ton organisation, mon cher Honoré ?

L’homme darda un regard noir sur le policier. Un instant, Lepois crut qu’il allait résister, lui sauter dessus malgré la douleur. Une nouvelle petite pression, juste pour ponctuer sa question, déclencha un râle de souffrance chez sa victime qui acheva de le maitriser.

— Arrête, bon Dieu ! Bredouilla Duplessis. Arrête ! Je… je sers de stockage, voilà. Les… les filles les plus jolies sont prélevées sur les convois. On me les amène et j’ai… j’ai des clients particuliers qui les… testent. Si elles font l’affaire, elles sont envoyées dans d’autres bordels de la capitale. Par même beaucoup plus loin. Il ne… il ne faut pas qu’elles restent trop longtemps au même endroit alors, on les fait tourner.

— Et les autres ? Grinça Lepois, malgré lui. Les recalées ?

— Je n’en sais rien. Elles retournent dans les colonnes, probablement, rejoignent peut-être les bordels militaires, ou des villes à la clientèle moins exigeante.

L’inspecteur connaissait ces pratiques. Il n’existait pas un cogne dans Paris, pas un marlou qui ignorait ce trafic. Il ne devait y avoir que l’empereur à rester persuadé que tous les citoyens sous sa protection vivaient libres.

— Et Olga ?

— Olga qui ?

Nouvelle exploration métallique. Nouveau gémissement.

— Tu sais qu’à chacun de mes mouvements la balle s’enfonce un peu plus loin dans tes chairs, Honoré. Elle ne va pas tarder à percer quelque chose de fragile, c’est inévitable.

— D’accord, d’accord… Elle… elle est venue pour être recrutée. Une histoire classique : famille morte de faim, des proches à entretenir, rien de nouveau. Mais elle avait quelque chose. Faite comme une déesse, des formes à vous damner, et un sourire à vous emmener à l’autre bout de la terre.

— On sourit rarement quand on est mort, crétin !

Et un va-et-vient de plus, pour la petite.

— Arrêtez… arrêtez, hurla le cajun au bord de l’inconscience. Je vous en prie… Elle… elle ressemblait tellement à mes livraisons habituelles que je l’ai embauchée, histoire de brouiller les pistes.

— Parce que tu as de vraies putes, dans ton cloaque ?

— Bien sûr, s’offusqua presque l’autre. Il faut bien vivre. Et puis, ça permet de donner le change en cas de contrôle un peu trop pointilleux. La clientèle normale d’un claque, et l’autre… plus privilégiée.

Malin, le policier devait bien le reconnaître. Ce stratagème, ajouté à quelques protections bien placées auraient pu permettre de continuer l’affaire pendant encore longtemps.

— Mais, reprit Duplessis, je me suis fait berner. Cette gagneuse n’acceptait que de voir des clients choisis, et quand je la forçais, elle faisait une telle scène que le micheton se tirait la queue entre les jambes.

Il marqua une pause, renifla, les yeux embués par la douleur.

— Alors… j’ai du m’en séparer.

— Le bénéfice, toujours, hein ?

— Faut bien vivre, inspecteur.

Lepois haussa les épaules. Le proxénète commençait à sérieusement l’échauffer.

— Et ensuite ?

— Ensuite ? Rien, elle est partie, et bon débarras.

— Honoré…, soupir le policier tout en imprimant une nouvelle pression de son arme.

— Je vous jure que c’est tout, inspecteur, sanglota le cajun, repassé au vouvoiement sans s’en apercevoir.

— Tu veux me faire croire que t’en sais rien de plus sur elle ? Sur son assassinat, par exemple ?

— Non, je vous promets…

L’homme semblait dire la vérité. Peu de gens pouvaient résister à un interrogatoire musclé, et Duplessis n’en faisait pas partie. Il ignorait donc en toute apparence le rôle d’Olga dans le réseau et se trouvait par le fait écarté de tout ce qui avait pu se produire autour des russes ces dernières semaines.

— Qui est le chef de votre organisation ? Demanda soudain l’inspecteur.

Le proxénète blêmit, trembla de tout son corps. Il n’avait pourtant pas fourragé dans la plaie ?

— Non… Je vous en supplie. Pas ça… je… je ne peux pas.

— Gouvion Saint Cyr, c’est exact ? Trancha Lepois.

L’homme frémit, sa paupière s’anima d’un tic nerveux. Le pauvre semblait mort de frousse.

— Ne prononcez pas ce nom, je vous en conjure. Pas ici. Par pitié. S’il se doute de quoi que ce soit, je suis un homme mort. Ma famille, mes proches, il ne laissera personne derrière lui.

Lepois jubilait. Les informations données par Piotr s’avéraient justes.

— Ne t’en fais pas, va, siffla-t-il. Je ne prononcerai pas ton nom devant lui.

— Vous… Vous voulez le rencontrer ? Vous êtes fou, inspecteur ! Vous… vous ne faites déjà plus partie des vivants.

— J’en doute pas une seconde, depuis quelques semaines.

Le policier en avait assez appris. Il ne tirerait plus rien d’intéressant de Duplessis et ne pouvait de toute façon pas laisser leur conversation s’éterniser. Il retire le canon de son arme de la plaie sanglante, au prix d’un ultime cri de douleur du proxénète.

— Tiens ? Je crois que j’ai fini par toucher quelque chose d’important, finalement. Il faudra faire soigner ça, Honoré.

— Maudit… flic… balbutia le blessé, une main sur sa blessure afin d’en ralentir l’hémorragie.

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