3

3 minutes de lecture

 Une douleur lancinante m’engourdit. Les bruits sont accentués, multiplié au centuple et chaque mouvement m’arrache une grimace. La bouche encore pâteuse de ce trop plein d’alcool je murmure son prénom. Pourquoi faire ? Elle ne me répondra pas. Pour prolonger mon rêve ? Mon corps est endolori j’en viendrais presque a sentir les griffures sur ma peau. Je m’extirpe des draps, fais deux pas et manque de trébucher sur le cadavre de ma jack daniel’s… Le liquide qui quelques heures auparavant coulait dans mon sang et dans mes veines s’est répandu sur la moquette. Je pense que les dommages sont irréparables. Devant un tel massacre je me sens presque comme un chien ayant pissé sur la moquette qui attend que ses maîtres s’en rendent compte pour lui coller une flanquée. Mais la punition ne tombe pas. Qui me l’infligerait ? Il n’y a que moi ici. Et Dieu ce que ça me semble cruel.

 Mes vêtements gisent épars sur le sol. Je ne sais pas bien si mes jambes réussiront à me porter jusqu'à la salle de bain mais je prends le risque de faire un crochet vers le miroir. Je vérifie que personne ne m’épie. Je suis conscient de la bêtise de ce que je m’apprête à faire. Doucement j’entame un quart de tour offrant mon dos au miroir mes yeux s’attachent imperceptiblement a mon reflet. Aucune marque. Aucune griffure. Ma main ne veut pas croire mes yeux. Elle veut vérifier par elle-même. Même constat. J’ai caressé du vent. Aimé un fantôme. Je ne sais pas bien ce que j’attendais de cet examen de mon dos.

 Ce réveil alcoolisé est plus douloureux que les autres. Les souvenirs filandreux de la nuit passée se mélangent encore un peu… Il faut que je me reprenne en main. Le rituel de la douche brûlante m’attend. Un café et une aspirine ne me feraient pas de mal. Je ne suis pas sûr de pouvoir ingérer quoique ce soit. Rien que d’y penser mon estomac se soulève. Reprendre vie. Plus facile à dire qu’à faire. Les gestes quotidiens ne me sont d’aucun réconfort ils me tuent un peu plus chaque jour. Je vis. Les jours passent et se ressemblent sans elle à mes côtés. Tout est insipide. J’ai bien cherché à tromper mon chagrin dans des lits moches et sales. Et plus je cherche à m’y perdre plus elle me hante.

 Finalement la monotonie aurait été salutaire. Sur la table je ne vois que ça. Cette fichue lettre. Ce bout de papier qui me déchire le cœur. Une tasse de café à la main je m’avance. Je la regarde de loin. Une distance de sécurité qui m’empêche d’être happé dans un mauvais rêve. La lettre n’a pas bougé depuis hier. Vivante. C’est assez laconique comme message et pourtant il me glace le sang. Vivante.

 Raisonnons. Qui et pourquoi ? Pas la moindre idée. Des ennemies ? Mon cerveau cogne contre les parois de mon crâne. C’est le deuxième effet kiss-cool du whisky. Je réfléchirais peut-être mieux si je m’assois. Je sens que mon corps gaspille ses forces à me soutenir et qu’il n’irrigue que partialement mon cerveau. Allez un peu de courage. Je m’assois et m’empare de cette lettre. Elle ne va pas me brûler les doigts.

 Cette écriture je la connais. C’est la sienne mais je me refuse à formuler cette hypothèse. Elle est vivante et elle m’écrit. Elle est joueuse et aime les jeux de piste mais de là à jouer la morte pour une partie de cache-cache. De là à jouer avec ma vie et mes sentiments. Et pourquoi une lettre et pas mail ou un coup de téléphone ? C’est inquiétant de penser que quelqu’un a pu déposer cette lettre chez moi pendant mon absence. Que quelqu’un a pu s’introduire dans mon intimité et que cette personne pourrait renouveler ses visites à loisir.

 Il faut que je pense à faire changer les serrures. Je pourrais aussi montrer cette lettre à Jean-Paul. J’ai les nerfs à vif rien que de l’entendre me répéter ce que je sais déjà. Une mauvaise blague. Une écriture similaire, une trop grande envie de la vouloir vivante.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire audrux ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0