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 Un amant. Elle avait un amant…

Je l’ai suivi ce matin-là. Elle s’est rendue dans une petite maison. Une jolie petite maison. J’aurais voulu que ce soit glauque, petit et étriqué. Que l’endroit soit moche et avilissant. Depuis quelque temps je sentais une faille entre nous. La peur de la voir partir avec un autre avait commencé son travail de sape. Quand je la serrais dans mes bras je le faisais presque avec violence. Je voulais me l’attacher. La garder sous mon emprise. L’étouffer de mon amour. Et je lui faisais mal.

Je me souviens que deux jours auparavant elle m’avait giflé, me disant qu’elle seule décidait qui lui faisait mal quand et comment. Qui ? Quand ? Et comment ? Quelle baffe mémorable. Une gifle à mon ego, à mon amour, à mon orgueil. Ses yeux n’ont pas cillés quand elle a prononcé ces mots. Elle m’a regardé, resplendissante d’arrogance. Elle me défiait. Je suis resté là à la regarder me tourner le dos. Elle se joue de moi et me méprise ? Elle veut me faire mal ? En tout cas elle s’est rendue dans cette maudite petite maison.

Je ne me souviens plus comment je suis entré. J’ai progressé lentement dans les escaliers, puis dans le couloir. Ma respiration se faisait bruyante. La paume de mes mains moites. Plus je m’approchais de la chambre plus j’attendais les gémissements d’Amalia. La porte était fermée. Je l’ai ouverte. Les gonds n’ont pas grincé. Elle était nue sur lui, se mouvant avec agilité telle une amazone. Son corps de liane lié au sien.

J’ai senti mon corps glisser de la stupeur à la haine.

Elle a cessé ses vas et viens quand elle s’est aperçue de mon intrusion. Elle m’a fixé longuement. Aucune excuse ni explication n’ont franchit le seuil de sa bouche.

Et lui ! Il est resté allongé comme si je n’avais pas été là. C’est à peine si ma présence le dérangeait. Qu’aurais-je du faire ? Refermer la porte et les laisser finir ?

Mon esprit avait déjà quitté mon enveloppe charnelle. Une chape de colère m’étouffait… Le monde a vacillé sous mes pas. Je ne savais plus à quoi me raccrocher. C’est la que j’ai senti le contact froid de l’acier dans ma main. Mon bras s’est levé sans que je le veuille. Elle a crié un « non », le coup est parti. Pan pan, deux coups pour être précis. Le son résonne encore dans mes oreilles. La balle l’a touchée en pleine poitrine. Elle est tombée sur lui. Même morte et ensanglantée elle est resté belle. La grimace de peur figée sur le visage de son amant ne m’a pas réconforté. Je venais de la tuer, de les tuer… Je l’avais perdu, j’étais perdu… Ma première pensée censée a été de l’appeler…

*

 Jean Paul est à mes coté. Comme il l’a été ce matin là. J’ai la tête lourde. Il me ressert une tasse de thé chaud. Je les ai tués. J’ai écrit cette lettre. Les souvenirs me reviennent par vagues successives. Chaque nouvelle déferlante m’est douloureuse. Mon désarroi est croissant. Tous ces cauchemars étranges étaient réels… J’ai vraiment perdu pied. Je me noie dans mes sentiments et sensations. Je ne suis pas loin de la catatonie et de la cataplexie.

Jean-Paul. Ma bouée de sauvetage. Oui je l’ai appelé. Il est venu. Il a pris les choses en mains.

  • Josh aide moi. Faut se débarrasser des corps. Pas de corps, pas de crime. Pas de crime, pas de condamnation. Allez bouge toi. Tu veux finir en prison ?
  • Non. Mais on ne peut pas faire ça.
  • Comment ça on ne peut pas ? Fallait y réfléchir avant de les tuer. Allez aide moi.

Alors on a été à nos boulots successifs. Le soir on est revenu. On s’est débarrassé des corps. On a nettoyé la maison. Et Jean-Paul m’a fait jurer de ne jamais craquer. De ne jamais raconter ce qui c’était passé.

Oublier. C’était le mot d’ordre.

 J’ai essayé. J’y suis même parvenu. Le choc a anesthésié ma mémoire. Je me suis construit une jolie fable pour expliquer sa disparition. J’en suis même venu à attendre son retour…

  • Josh reviens ! Josh tu es encore avec elle je ne sais où !
  • Hein ?
  • Josh tu me fais peur. Tu ne contrôles plus rien. Tu es perturbé. Tu nous mets en danger tous les deux.
  • Je sais je vais me reprendre ne t’inquiète pas.
  • Si je m’inquiète. J’ai caché un double homicide pour toi. J’ai beaucoup à perdre dans cette histoire.
  • J’en suis conscient. Les larmes me montent aux yeux. Je sens mes paupières papilloter.
  • Tu sais que je t’aime énormément ?
  • Oui je le sais. J’ai toujours pu compter sur toi…
  • J’espère que tu ne m’en voudras pas.
  • De quoi ?
  • J’ai une femme et des enfants Josh. Ils passent avant toi. Mais tu vas me manquer.
  • Qu’est ce que tu dis ?
  • Je suis désolé. Tu viens de te suicider. Tout le monde sait que tu es perturbé depuis qu’elle n’est plus là.
  • Tu me tues ?
  • Comprends-moi ! Je suis désolé.

 Alors que je suffoquais doucement, j’ai vu son regard s’emplir de larme. J’aurais pu y voir la déliquescence de notre amitié, mais non. J’aurais voulu lui exprimer mes regrets. Et lui dire que je ne lui en voulais pas. Peut être même le remercier de me libérer… Mais ma mort fut trop rapide pour cela. Je ne peux pas dire avoir eu mal. Amalia me tend déjà les bras… Je monte la rejoindre, je ne peux plus rien pour Jean-Paul qui pleure le visage caché entre ses mains…

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