Pour Megan [FINAL - Partie 1] : Maria
Mardi 25 septembre 2019 | Station de Police d'Ashlow | 13h08
Lindsay n'en peut déjà plus de cette journée interminable. Après avoir confronté les journalistes, et Mia Wells, voilà qu'elle doit s'entretenir avec Maria, la mère de Megan, son amie de toujours. Elle s'arrête au milieu des marches d'escaliers, appréhende déjà le moment où elle va dire non à la requête de Maria. Ça l'a rend fébrile, elle en a presque les larmes aux yeux. Depuis le début de cette affaire, la maman de Megan est devenue sa plus grande faiblesse. Des messages et des appels ignorés, laissant Maria dans une solitude sans nom. Sa relation avec Dany, son fils, n'est plus la même. Il est devenu distant. Maria n'a plus personne à qui parler. Son seule refuge était sa meilleure amie Lindsay, avant que cette dernière n'ait plus de temps à lui consacrer à cause de cette sinueuse affaire qui lui draine tout son temps. Lindsay jette un coup d'oeil rapide à son bureau. La Femme de Loi aperçoit Maria assise, la jambe droite qui tremble de nervosité. Elle reste encore dans les escaliers, craignant que la confrontation ne l'épuise psychologiquement. Maria finit par tourner la tête pour voir Lindsay terrer dans les marches, immobile, les yeux perdus dans le vide. Elle se lève, sort du bureau rapidement et la rejoint rapidement. Maria regarde Lindsay dans les yeux. Elle y voit la fatigue d'une femme qui en a trop gros sur les épaules. Les dernières semaines ont été particulièrement rude pour la sheriff, qui veut maintenant s'écrouler dans les bras de sa meilleure amie. Lindsay pose sa tête sur son épaule et laisse des torrents de larmes couler, humidifiant une partie du pull en cachemire de Maria.
— Je n'en peux plus, Maria. Après cette affaire, je pense me retirer des Forces de l'Ordre pour de bon. En vérité, je n'aurai jamais dû être sheriff. Ce n'est pas moi, ça.
— On ferait mieux... de retourner dans ton bureau, Lindsay.
— D'accord. Et avant que tu me demandes, c'est non pour aller rendre visite à Thomas Washington.
— Oui, je m'en doutais un peu. Répond Maria, à demi contrariée.
Chacunes des deux femmes s'assoient à leurs places respectives. Un long silence étouffant entourent Lindsay et Maria dans ce bureau froid, dépourvu de gaité. Il est brisé par les pleurs discrets de la sheriff qui fini par se reprendre. Elle tamponne le creux de ses yeux. Maria la regarde faire, sans réel émotions. Tout ce que veux Maria, c'est un petit moment avec le suspect, comprendre pourquoi il en est arrivé à tuer sa fille, à terroriser la ville d'Ashlow avec ses meurtres horribles. Et surtout savoir si il était bien seul dans cette quête sanguinaire, si il n'a pas de complices qui se baladent dans la nature. Maria ne compte pas baisser les bras aussi facilement. Elle regardela Femme de Loi droit dans les yeux, les poings sérrés de rage, de colère contenue.
— Lindsay, je dois voir Thomas ! Et tu vas me conduire à lui, tout de suite !
— Je t'ai déjà dit non, Maria ! Il y a des protocoles à respecter, tu comprends ? Je ne peux pas te laisser rendre visite à un potentiel suspect arrêté pour meurtres juste comme ça ! Fais-moi confiance, Maria. L'affaire est bientôt bouclée.
— Arrête de me mentir, Lindsay ! Ce n'est pas le discours que tu prônais pendant ta conférence de presse ! Eh oui, j'étais là ! Je t'ai aussi vu te faufiler discrètement avec Mia vers une porte dérobée ! Tu dois être sacrément désespérée pour accorder le moindre crédit à cette raccoleuse de merde ! Tu doutes encore, n'est-ce pas ? Tu as peur que Thomas ne soit pas le tueur !
Subitement, Lindsay tape violemment du poing sur son bureau. Toute sa colère cumulée explose dans cet acte de rage. Maria n'est pas surprise. C'est exactement ce qu'elle veut, la faire réagir, la faire sortir de ses gons. C'est dans cet état que la sheriff est la plus vulnérable. Mais cette dernière aussi connaît les ruses de sa meilleure amie. Cette fois-ci, Lindsay choisit de se raviser, puis enfin, elle retrouve son calme.
— Tu n'iras pas interroger Thomas, Marie. Rentre chez toi maintenant, Maria.
— Ah... souffle-t-elle, épuisée. Tu ne me laisses pas le choix, Lindsay.
— Comment ça ?
Maria ne dit rien. Son silence est plus tranchant qu’un cri, plus dense qu’un flot de colère. Elle profite de l’hésitation de Lindsay pour passer à l’action. D’un geste rapide, elle glisse sa main vers l’étui fixé à la ceinture de la shérif et en extirpe son arme de service. Elle recule aussitôt de deux pas, bras tendu, le canon pointé droit sur la Femme de Loi. Lindsay reste figée. Pas par peur, non. Plutôt par une stupéfaction amusée. Elle hausse un sourcil, observe la scène avec un calme insolent. Puis, lentement, un petit sourire fend son visage fatigué. Pas de panique, pas de tremblement dans la voix. Juste ce rictus léger, à peine esquissé, maîtrisé. Elle voit bien comment Maria tient l’arme. Les mains tremblantes, les doigts mal positionnés, l’index crispé trop près de la gâchette. Lindsay connaît ce langage corporel. Elle l’a vu mille fois. Et elle sait : Maria n’a jamais touché une arme de sa vie. Elle les déteste, les craint, les évite comme la peste. Alors la voir là, devant elle, armée, la fait sourire, elle en est amusée. Intérieurement, elle rit. Un rire bref, moqueur, silencieux. Lindsay sait que Maria ne tirera pas. Parce qu’elle sent que ce geste n’est qu’un appel désespéré. Maria est fatigué, elle veut que cette affaire finisse une bonne fois pour toute. Alors elle décide de prendre les choses en main, quitte à menacer sa meilleure amie sherif de la ville d'Ashlow, la personne la plus importante de la municipalité. En voyant Maria charger son arme de fonction et la repointer sur sa poire, la Femme de Loi adopte une expression de visage grave, en colère. Maria ne bronche pas et campe sur ses positions. C'est sa seule chance de connaître la vérité sur la mort de sa fille, et elle ne compte pas laisser passer cette occasion. Lindsay se lève lentement de sa chaise, son regard de braise toujours braqué sur sa meilleure amie. Leur confrontation devient intense, lourde. En plongeant son regard dans le sien, concentré, déterminé, La shérif n'est plus sûre de savoir de quoi est réellement capable Maria, rongée par une obscurité assumée.
— Maria... pose cette arme au sol. Tout de suite.
— Non ! Tu vas m'emmener voir Thomas tout de suite, ou je jure sur la tête de ma fille morte que je vais te tuer, Lindsay.
— Tu ne feras pas ça, Maria. Tu es quelqu'un de bien. Alors, pour l'amour de Dieu, pose cette putain d'arme au sol !!!
— Non !
PAN !
Le coup part sans prévenir, brutal, déchire l’air moite du commissariat. Une giclée de sang éclabousse le bureau du shérif, projette sur les papiers et l’écran d’ordinateur des éclats rouges vifs. Soudain, le silence se rompt : chaises raclées à la hâte, armes sorties dans un fracas métallique. Lindsay titube en arrière, le visage déformé par la douleur. Elle presse son bras gauche d’où s’échappe un filet de sang chaud. Frappée de plein fouet, la Femme de Loi recule d’un pas, l’air hagard, son uniforme désormais maculé. Son hémoglobine ruisselle lentement le long de sa hanche, mais la balle, après avoir traversé son épaule, a continué sa course ; la douille, expédiée à grande vitesse, ricoche contre le mur dans un bruit sec avant de retomber, fumante, sur le sol boisé. Une alarme se déclenche dans un hurlement strident. Le commissariat entier bascule dans un chaos rouge et blanc. Au loin, des pas lourds se font entendre, de plus en plus proches : la cavalerie arrive. Le regard sauvage de Maria s’agite. Dos plaqué contre le mur, elle se propulse soudain en avant, désespérée, saisit la shérif par le col, son arme tremblante pressée contre la tempe ensanglantée de son amie. Un instant suspendu : deux cœurs innarétables, deux regards se croisent. Un chargé de peur, l’autre de trahison. Mais la sheriff, portée par l’adrénaline, réagit enfin. Elle ignore la douleur qui lui vrille l’épaule, puis abat son poing directement dans le visage de Maria, avec précision et désespoir. Maria bascule lourdement en arrière, l'arme lui glisse des doigts, son corps heurte un coin du desk, puis s'écroule au sol abruptement. Le sang jaillit de son nez brisé, un filet écarlate se dessine sur le carrelage blafard.
— Je ne t'en veux pas, Maria. Tu es ma meilleure amie et je t'aime plus que tout. Je vais même te laisser rentrer chez toi. Mais Thomas... tu l'oublies ou je te laisse dormir en celulle cette nuit. Est-ce que c'est bien compris ?
— C'est... bien compris. répond Maria en essuyant son nez ensanglanté.
Maria s'agenouille au sol, les mains derrière la tête, ses yeux scrutent honteusement le parquet lustré du bureau et se met soudainement à pleurer. Pas des larmes de crocodiles, des larmes sincères, qui en dit long sur ce qu'elle l'a vécue ces derniers jours : un véritable calvaire émotionnel. Sa fille lui manque tous les jours que Dieu fait sur Terre. Maria frappe le sol avec une violence non feinte, elle s'en fiche de se briser les poignets, tout ce qui l'intéresse, c'est d'éxtérioser toute cette rage, toute cette tristesse qui lui ronge les os sans modération. Elle hurle sa douleur pour que tout le monde l'entende enfin. Elle scande le nom de sa fille sans s'arrêter comme une punition oral qu'on lui demande de dicter encore et encore jusqu'à l'infini. Quand soudain, Lindsay décide de troubler le nuage ténèbreux qui entoure sa meilleure amie, de toute sa lumière. Le sheriff prend la maman de Megan dans ses bras, agenouillé comme elle par terre. Lindsay la serre fort dans ses bras. Maria n'oppose pas de résistance et se laisse aller complètement entre les bonnes mains du sheriff. Les agents de police de Lindsay arrivent enfin au bureau de leur boss. Alors qu'ils entrent pour intervenir et coffrer Maria Silver pour trouble à l'ordre public, la femme de loi les arrêtent d'un geste simple de la main. Ils se figent tous d'un coup, avant que Lindsay fasse un dernier geste de la main circulaire pour les renvoyer tous à leurs postes. Dans un geste d'amour protecteur, Lindsay remet en place les mèches rebelles de sa meilleure amie.
— Je vais mettre fin à cette histoire, promis Maria. C'est bientôt fini.
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