Le plan

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Mardi 3 septembre 2019 | Quartier résidentiel de Shalom street| 01h53


Il pleut abondamment à Ashlow. Les gouttes d'eau s'écrasent sur les trottoirs, une symphonie mouvementée de pluie et de flaques d'eau se crée. Lindsay arrive sur les lieux du quartier résidentiel de Shalom Street, avec son imperméable noir dégoulinant d'eau. Les rues sont bondées de petits curieux, de résidents inquiets, attirés par la présence policière. Des bandes jaunes de sécurité ont été soigneusement placées autour de la scène du crime, afin de délimiter l'espace à ne pas franchir.

Lindsay se fraye un chemin à travers la foule agitée, pour se rendre jusqu'aux corps découverts. Son regard expérimenté scrute les environs, cherche des indices dans cette scène macabre. Les trois corps sont allongés sur le sol, immobiles et entourés par les médecins légistes qui s'affairent à recueillir des preuves cruciales.

Le visage de Lindsay se crispe alors qu'elle identifie les victimes : Cassie Bonega, Jeff Bonega et Rebecca Diaz. Une onde de choc parcourt la communauté lorsqu'ils apprennent l'identité des personnes décédées. Cassie était une jeune fille aimée par tous, toujours prête à aider ses voisins dans le besoin. Jeff était le bras droit de Lindsay, mais aussi un jeune homme travailleur, aimant, connu pour sa gentillesse, son sourire chaleureux. Quant à Rebecca, elle était une jeune femme pleine de vie, appréciée pour son esprit vif. Elle avait un avenir tout tracé, mais le destin s'en est mêlé...

La pluie continue de tomber sans relâche, la scène donne une atmosphère lugubre, mélancolique. Lindsay observe attentivement les corps, cherche des indices qui pourraient expliquer cette tragédie. Elle remarque des traces de lutte à l'entrée de la maison, qui suggère une possible confrontation violente. Les résidents du quartier regardent Lindsay avec espoir et appréhension, attendant ses conclusions et espérant trouver un semblant de réconfort dans les réponses qu'elle apportera. Lindsay sait que résoudre cette affaire est plus qu'une simple obligation professionnelle ; c'est aussi une responsabilité envers la communauté que la Femme de Loi a juré de protéger.

— Jeff... putain.

— C'était ton rookie, n'est-ce pas ?

— Oui, David. Il était encore tellement jeune...

Soudain, les phares d'une voiture dérapent sur le sol mouillé. Elle s'arrête brusquement près des bandes jaunes de sécurité. Johanna et Richard Bonega, les parents dévastés de Jeff et Cassie, émergent de la voiture, des expressions d'horreur figées sur leurs visages. La lumière des lampadaires se reflète dans les larmes qui commencent déjà à couler sur les joues de Johanna. Les cris déchirants de cette dernière percent l'air humide lorsqu'elle découvre les corps de ses enfants.

— Non... pas mes bébés !!! Dit-elle en se ruant vers les cadavres de ses progénitures.

— Johanna ! Attend ! crie son mari.

Johanna résiste à l'idée de quitter la scène, son monde est réduit aux deux silhouettes pâles de ses enfants gisant sur le sol. Richard, conscient de l'impossibilité de guérir cette blessure béante, insiste doucement pour qu'elle monte dans la voiture.

— Johanna, il faut partir. On ne peut pas rester ici.

Ses mains, dans une tentative maladroite de la consoler, se posent sur les épaules frêles de Johanna. Mais elle résiste, ses doigts tremblants refusant de lâcher prise. La pluie intensifie son tourbillon, enveloppe tout dans un voile de tristesse.

Les gouttes, comme des larmes silencieuses, imprègnent les vêtements de Johanna alors qu'elle subit douleur et tristesse près des corps de Cassie et Jeff. Les phares des voitures de police jettent des lueurs fantomatiques sur la scène, met en relief la silhouette de Johanna qui s'incline dans un geste d'adieu déchirant. Ses mains frôlent doucement les joues froides de Jeff et Cassie, et l'instant s'étire, comme si le temps lui-même hésite à s'écouler.

— Mes bébés !!! Réveillez-vous ! Maman a besoin de vous !

— Johanna, ça suffit ! Nous devons partir ! Insiste Richard, dépassé par les évènements.

Ses cris déchirants percent la nuit alors que Johanna se retrouve imbibée du sang de ses enfants. Le rouge écarlate se mêle à la pluie, crée une toile poignante d'une tristesse incommensurable. Ses mains immaculés d'hémoglobine, peintes de cette réalité brutale, cherchent désespérément à réveiller l'inconcevable. Johanna se lève à contrecœur et marche en direction de la voiture, suivie par son mari. En arrivant au niveau du sheriff Lindsay, elle s'arrête pour lui faire face et, sans crier gare, lui flanque une gifle magistrale.

Elle y met toute sa force, toute sa frustration et sa colère dans ce geste. Lindsay ne s'y attendait pas du tout, se sent tout à coup déséquilibrée, mais aussi réveillée, comme si elle avait besoin de ce coup de fouet pour avoir les idées en place. Les agents de police s'apprêtent à embarquer la maman de Cassie et Jeff, mais, d'un stop de la main, Lindsay leur ordonne de ne rien faire et de la laisser partir. Johanna n'en a que faire de sa bonté d'âme et lui crache :

— Tu n'as tout ce que tu mérites pour avoir laissé mes enfants mourir !

— Johanna, monte dans la voiture, allez !

— Johanna... je suis réellement désolé. Je sais ce que tu...

— Non ! Sérieux, ferme-là, Lindsay ! Tu ne sais pas de quoi tu parles, ok ? Toi, tu as encore ta fille ! Cependant, pendant combien de temps encore ? À ce train là, tu finiras aussi par laisser Addison se faire massacrer par ce putain de tueur ! hurle-t-elle au visage de Lindsay, avant de remonter dans le SUV famillial.

Lindsay se tient la joue et dit à Richard :

— Merde, ta femme frappe fort.

— Que va-t-il se passer maintenant ? demande-t-il en observant sa femme pleurer à travers la vitre de sa voiture.

— Il va falloir vous mettre à l'abri, dans un endroit sécurisé. Vous ne pouvez plus rentrer chez vous, pas tant qu'on retrouve cet enfoiré de tueur. Vous avez un endroit où aller ?

— J'ai ma famille dans l'Ohio. Je pense qu'on va y rester quelques temps. Quand tout sera fini ici, pourras-tu nous faire livrer certaines de nos affaires ? Je te donnerai l'adresse.
— Oui, pas de problème.
— Ok très bien. Et Lindsay... dépêche-toi d'arrêter ce psychopathe, avant qu'il n'y ait d'autres victimes... pense à ta fille.
— Je pense à elle, chaque secondes de mon existence.

— Dans ce cas, j'espère que tu réussiras à l'éloigner de toute cette merde et que tu n'échoueras pas comme nous avec les nôtres...

— Richard... je...

— Bien sûr, ton rôle est de préserver la paix pour les habitants d'Ashlow, mais tu ne peux malheureusement pas avoir des yeux partout. C'était à nous de protéger Jeff et Cassie, mais nous avons échoué.

— Richard, écoute... Jeff... je le considérais comme mon fils. C'est comme si je venais de perdre un membre de ma famille. Je... je suis désolé.

— Merci Lindsay. Au revoir. dit-il en se dirigeant vers son véhicule.

Soudain, Mia Wells, la journaliste tenace du Ashlow Register, arrive sur les lieux du crime, son imperméable dégoulinant. Elle aperçoit Lindsay, le shérif, debout, les yeux rougis, scrutant les corps des victimes. Mia avance, déterminée à obtenir des informations, mais Lindsay l'aperçoit. Son visage se durcit.

— Putain, qu'est-ce que tu fais ici Mia ? gronde Lindsay, l'irritation évidente dans sa voix.

— À ton avis, sheriff ? Je suis ici pour la vérité. Les gens ont besoin de savoir, répond Mia, imperturbable.

Lindsay s'approche, son regard perçant fixé sur Mia.

— Ce n'est vraiment pas le moment, Mia. Tu sais très bien que tu n'as pas le droit d'être ici.

— Et depuis quand tu te soucies des règles, hein Lindsay ? Tu es juste effrayée que je découvre quelque chose que tu veux cacher, réplique Mia avec audace.

Le visage de Lindsay se crispe de colère.

— Que je veux... allez sort de cette scène de crime, maintenant, ou je te fais sortir moi-même.

Mia ne recule pas, son regard défie le shérif.

— Je ne partirai pas tant que je n'aurai pas les réponses à mes questions. Les gens d'Ashlow méritent la vérité, même si tu refuses de la voir.

Lindsay fait un pas en avant, menaçante.

— Tu dépasses les bornes, espèce de garce. Je te déconseille de me tester. Pas ce soir.

Mia, bien que consciente du danger, reste stoïque.

— Je ne fais que mon travail, Lindsay. Si tu avais fait correctement le tien, on n'en serait pas là.

Lindsay, bouillonnant de rage, s'avance brusquement, mais s'arrête. Elle ne peut pas se permettre un affrontement physique, malgré sa colère. En tant que sheriff, elle se doit de montrer le bon exemple.

— Dégage Mia. C'est mon dernier avertissement.

Mia marque une pause, évaluant la situation, puis, avec un regard de défi, tourne les talons.

— Ce n'est pas fini, Lindsay. Je découvrirai la vérité, avec ou sans ton aide.

Lindsay regarde Mia s'éloigner, la rage et la frustration se mélangent à la douleur et au sentiment d'impuissance. Mia ne renoncera pas facilement, mais pour l'instant, elle a d'autres préoccupations plus urgentes. La pluie continue de tomber, comme pour laver la scène du crime, mais rien ne peut effacer la tragédie qui vient de se dérouler...


***


Mardi 3 septembre 2019 | Maison des Moons| 9h06


Le lendemain, Addison Moon est assise dans son salon, les yeux rivés sur l'écran de télévision. Les nouvelles du triple meurtre à Ashlow la frappent de plein fouet. Cassie Bonega, Jeff Bonega et Rebecca Diaz sont morts. Elle peine à croire ce qu'elle voit et entend, son esprit tourbillonne face à cette réalité inimaginable. Soudain, son téléphone sonne. Elle décroche, mais l'appel est brouillé, une voix mystérieuse et menaçante s'échappe de l'autre bout de la ligne.

— Allô ? Allô ?! Qui est-ce ?

Aucune réponse, à part des bruits de respiration saccadés, flippant... avant que l'appel ne se coupe brutalement. Addison, le cœur battant, raccroche, reste figée un moment, essayant de donner un sens à ce qui vient de se passer. Elle reprend rapaidement ses esprits, puis appelle immédiatement Timadie.

— Allô Tim' ! Tu as vu les infos ? Cassie, Jeff, Rebecca... ils sont tous morts, dit-elle d'une voix tremblante.

Timadie, également choquée, répond :

— Je sais, Addi', je viens de l'apprendre. C'est horrible. Que se passe-t-il dans notre ville ?

— Et puis, il y a eu cet appel trop chelou... j'ai peut-être eu le tueur au téléphone !

— Ou... ça devait sûrement être une mauvaise blague, Addi'. Ne te laisse pas intimider, conseille Timadie, même si, au fond, elle ressent une inquiétude croissante.

— Timadie... j'ai une idée, quelque chose qui pourrait nous aider à en finir une bonne fois pour toute avec cette histoire. Peux-tu venir chez moi ? On doit en parler face à face.

Timadie, intriguée et inquiète, accepte immédiatement.

— D'accord, Addison, je serai là dans quelques minutes. Mais... c'est vraiment sérieux ton histoire d'idée ?

— Oui, très sérieux, répond Addison avec une gravité inhabituelle dans sa voix. À tout de suite.


***


Mardi 3 septembre 2019 | Maison des Moons| 10h59


Dans le salon confortable d'Addison, l'atmosphère est tendue. Timadie est installée sur le canapé, absorbe l'urgence palpable qui émane d'Addison. Cette dernière, incapable de tenir en place, fait les cent pas devant la grande fenêtre qui donne sur son paisible quartier, désormais assombri par les événements récents. Addison, les yeux brillants, se tourne vers Timadie.

— Écoute, j'ai un plan pour attraper ce putain de tueur.

— Comment ça tu as un plan pour attraper le tueur ? Tu délires ou quoi ?

— Timadie, écoute-moi ! Je pense qu'on doit enquêter par nous-mêmes. La police, ma mère... ils n'y voient que du feu. J'ai l'impression qu'il a toujours un coup d'avance ! Mais nous, on peut l'avoir !

— Et qu'est-ce qui te fais dire que nous on va y arriver alors que ta mère trime comme une malade pour lui mettre la main dessus ?

— Parce que ce fils de pute s'en prend à NOUS ! On a perdu Megan, maintenant Cassie, Jeff et Rebecca... crois-moi Timadie : nous sommes les prochaines sur sa liste, affirme Addison avec ton grave.

En entendant cette dernière phrase, Timadie sent un frisson glacé lui parcourir l'échine. L'image de la confrontation avec le meurtrier, la terreur d'être attaquée, poignardée à plusieurs reprises, et peut-être de mourir, envahissent son esprit. Elle tente de repousser ces pensées terrifiantes, mais elles s'accrochent obstinément, dresse un tableau effroyable de ce qui les attend. Malgré sa peur, Timadie regarde Addison, voyant en elle non seulement son amie mais aussi une camarade de combat dans cette lutte pour la justice et la survie.

— Alors, on doit être plus intelligentes, plus fortes que lui, dit-elle avec détermination. Parle-moi de ce plan !

— C'est ce que je voulais entendre, Addison inspire profondément, cherchant du courage dans sa respiration. Mon anniversaire... c'est dans deux jours. Je veux le fêter ici même, afin d'attirer le tueur et le mettre hors d'état de nuire.

Elle marque une pause, laissant l'idée s'installer dans la pièce. Timadie fronce les sourcils, sa main se portant instinctivement à sa bouche.

— Attirer le tueur ? Addison, c'est extrêmement risqué. Tu ne peux pas sérieusement envisager...

Addison l'interrompt, sa voix se faisant plus ferme.

— Je sais que c'est dangereux, mais c'est notre meilleure chance de découvrir qui il est... ou qui elle est. Je ne peux pas rester les bras croisés alors que ce monstre est toujours en liberté, prêt à frapper n'importe quand !

Timadie se lève, rejoint Addison près de la fenêtre.

— Si tu es décidée à faire ça, alors je te suivrais jusqu'au bout. Mais on va devoir être extrêment prudentes. Nous ne savons rien de ce tueur.

Addison hoche la tête, un sourire amer se dessinant sur ses lèvres.

— Je sais. C'est pour ça que j'ai besoin de toi. Ensemble, on peut le faire. Pour Megan, Cassie, Jeff, et Rebecca... pour tous ceux qu'on a perdus.

— Très bien, faisons-le !

— Parfait ! Je vais commencer à tout organiser, les invitations, la bouffe...

Tout à coup, Timadie porte son attention sur la télévision où Lindsay Moon, le shérif et mère d'Addison, apparaît. Elle touche le bras d'Addison :

— Regarde, ta mère est à la télé ! Qu'est-ce qu'elle dit ?

— Attend je vais augmenter.

Addison se précipite vers la télécommande pour mettre le volume au max. Lindsay, solennelle et autoritaire, annonce :

"Chers citoyens d'Ashlow, je m'adresse à vous aujourd'hui en tant que shérif, mais aussi en tant que mère et membre de cette communauté. Les récents événements tragiques qui ont secoué notre ville nous ont tous profondément affectés. La sécurité et le bien-être de chacun d'entre vous est ma priorité absolue. C'est pourquoi, en consultation avec le conseil municipal et les autorités scolaires, j'ai pris la décision de suspendre temporairement les cours à Ashlow High. Cette mesure est essentielle pour garantir la sécurité de nos enfants.

En outre, pour protéger notre communauté et limiter les risques, un couvre-feu est instauré à partir de 19h, jusqu'à nouvel ordre. Je comprends que cela puisse causer des désagréments, mais je vous assure que ces mesures sont prises dans l'intérêt de tous. Nous travaillons sans relâche pour résoudre ces crimes et restaurer la paix et la sécurité dans notre ville. Je demande à chacun de respecter ces nouvelles règles, de rester vigilant et de signaler toute activité suspecte aux autorités.

Je tiens à remercier les forces de l'ordre et les premiers intervenants pour leur dévouement et leur travail acharné dans ces moments difficiles. Ensemble, en tant que communauté, nous surmonterons cette épreuve. Votre coopération et votre compréhension sont essentielles pour nous aider à protéger Ashlow. Restons unis, soutenons-nous les uns les autres et faisons preuve de résilience face à cette adversité. Merci bien."

— Oh putain, de...

Timadie n'arrive pas à finir sa phrase, tellement elle est choquée. Les deux filles échangent un regard abasourdie.

— Un couvre-feu ? Ça devient vraiment sérieux, murmure Addison, l'inquiétude teintant sa voix.

— Oui, et ça complique notre plan pour ta fête, répond Timadie, la tension se lisant sur son visage.

— Je ne change rien ! On s'en tient au plan, quoi qu'il arrive.

Elles restent silencieuses un instant, afin d'absorber l'impact de cette nouvelle réalité : la ville d'Ashlow assiégée par la peur.

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