Chapitre 02.5

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Eric distingua vaguement ses traits.

Il avait la peau claire, et des yeux d’un gris très clair, mais son visage… Son visage avait quelque chose de singulier qu’il ne pouvait définir. Peut-être était-ce le calme, la sérénité qu’il affichait alors la situation ne le permettait pas.

Si l’homme était plus jeune que lui, la différence restait mince.

— Qui êtes-vous ? souffla Eric.

— Quelqu’un qui a conscience du risque pour les autres Sentinelles de vous laisser en vie.

L’homme s’était exprimé d’une voix basse, posée, presque lente, aussi limpide qu’un cours d’eau.

— Je ne comprends pas…

— Oh si. Vous avez très bien compris. Notre mort n’est rien, mais celle des autres nous est insupportables, n’est-ce pas ?

Eric ne répondit pas.

L’homme eut une légère moue.

Sa main caressa la joue humide d’Eric.

Dans son regard, il y avait tellement de compassion.

Quel genre d’homme était-ce donc ? se demanda Eric.

— Je vous offre le repos.

Il avait raison. Eric le savait et comprenait.

L’homme ferma les yeux un instant comme s’il priait silencieusement.

Lorsqu’il les rouvrit, Eric ne put y lire la moindre émotion.

— Fermez les yeux maintenant, lui conseilla l’homme en se redressant de toute sa hauteur, et pensez à un bon moment. Le meilleur que vous ayez vécu.

Le moment était venu de tirer sa révérence pour un autre monde.

Il fit ce que l’homme lui avait conseillé. Il chercha dans sa mémoire les instants de sa vie les plus heureux, les plus réconfortants qu’il avait vécu ces dernières années.

Un de ceux qu’il avait passé avec Sinaï lui revint en mémoire.

Il se souvenait de son corps, de sa chaleur.

Il ferma les paupières, essayant d’entendre sa voix. En cet instant, il ne désirait plus qu’une seule chose, être avec son bel amour pour l’éternité.

L’homme tira deux fois.

Son silencieux ne fit pratiquement aucun bruit. Puis il disparut comme il était apparu, se dématérialisant dans un courant d’air glacé.

*

— Le vieux ne va pas apprécier, commenta l’un des hommes en costume noir du CENKT.

Personne ne lui répondit.

Ce n’était pas le mort en elle-même de la Sentinelle qui était dérangeante, mais le fait qu’il ait été abattu à bout portant par un tueur inconnu et qu’ils n’avaient trouvé aucune trace de celui-ci, à l’étage ou ailleurs dans la bibliothèque.

Le matériel ultra perfectionné qu’ils possédaient n’avait rien indiqué de suspect.

Même les capteurs de mouvements étaient restés muets.

Bien sûr, l'agent du CENKT avait ordonné à ses autres collègues de quadriller à nouveau l’étage, et tout le reste de la bibliothèque, à la recherche de ce mystérieux assassin.

Ils avaient tous eu pour consigne essentielle de redoubler de prudence.

Un type avait réussi à descendre une Sentinelle qui, pourtant gravement blessée, avait réussi à éliminer un Sambre.

Sous leur nez.

Il ne devait pas être un amateur.

Jameson entra dans la petite pièce et vit le corps sans vie d’Eric Curtis.

— Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?

— Personne n’a merdé monsieur…

— Je le sais bien. Si un de nos hommes avait tiré j’en aurais été le premier informé.

— Il était déjà mort lorsque nous sommes arrivés sur place. Il a reçu trois balles, dont une à bout portant. Le tueur a d’abord tiré de la pièce voisine, à travers le mur. Il a eu Curtis du premier coup, au niveau de la colonne vertébrale. Un tir net et précis qui l’a paralysé. Ensuite, ce type est venu l’achever.

Il avait tout débité d’une traite.

Reprenant son souffle, il reprit plus posément :

— Ce que je ne comprends pas, c’est qu’étant donné la position du corps de Curtis, il n’aurait pas dû sortir de cette pièce. C’est la troisième fois que cela nous arrive. Les Russes et les Chinois ont eu le même problème…

Il se tut, préférant laisser à son supérieur hiérarchique le temps d’assimiler l’information.

Il l’avait sûrement devinée dès qu’il était entré.

Le deviner était une chose. L’entendre dire clairement en était une autre.

— J’ai mis tous nos hommes à la recherche de son meurtrier, reprit l’agent. Toutes les issues sont bloquées. Il ne peut pas s’échapper. Il est forcément quelque part dans le bâtiment.

Cassius Jameson ne répondit rien.

Il était dubitatif.

Quelqu’un avait senti le danger et avait voulu faire le ménage. Il avait donc mandaté un tueur pour éliminer la Sentinelle.

Ce tueur avait été suffisamment efficace pour y parvenir, et très malin pour ne pas rester sur les lieux après la bataille.

Il devait sans doute bénéficier de qualités particulières qui lui avaient permis de rester hors de la ligne de mire du CENKT.

— Vous pensez toujours que l’ATIDC est dans le coup, monsieur ?

Jameson s’autorisa à répondre.

— M’étonnerait. Ils ne tuent pas les leurs. Ou alors leurs pratiques auraient bien changées ces derniers temps.

— S’ils sont des leurs… Je veux dire, si nous partons du principe que les Sentinelles sont aux ordres de l’ATIDC, sans doute. Mais si ce n’est pas le cas ?

— Nous serions vraiment les derniers des idiots, lâcha un autre agent, derrière eux.

Pour la première fois, ils virent leur chef totalement dérouté.

L’impassibilité habituellement inscrite sur son visage avait fait place au doute et aux interrogations.

— C’est possible, finit-il par dire plus pour lui-même que pour ses hommes. Il y a tellement de possibilités envisageables. En attendant, vérifiez-moi toutes les empreintes que vous trouverez.

Ce tueur savait que Curtis allait venir se réfugier ici, et il l’attendait. Avec un peu de chance…

En son for intérieur, Cassius se doutait que cet assassin n’avait laissé aucune empreinte derrière lui. Mais il ne pouvait pas ne pas essayer.

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