Scénette
Un maître d'arme, C., et un homme de science son ami, G., séparés par un met au fumet enchanteur, regarde s'éloigner un maître queux à l'oeil pétillant.
C : Quelle bonne âme... Et quel service ! Je ne puis qu'être admiratif devant les talents d'un homme de goût.
G : Talents par trop mystérieux, mais pourtant bien nécessaires. Vous aimez la cuisine, et semblez respectez le talent de ses maîtres... Êtes-vous cuisinier vous-même ?
C : Je me plais à le penser.
G : Pour un homme comme vous, cela peut...
C : Sembler étrange.
G : Vous croyez donc à l'intérêt de la nourriture.
C : Comment cela ?
G : Son pouvoir sur les goûts humains.
C : Son pouvoir... et plus encore.
G : Et plus encore ?
C : La purgation des passions.
G : La catharsis ?
C : Catharsis, libération, purgation... Catharsis... Ca-thar-sis... Un terme apte à décrire mes vues s'il en est.
Silence
G : La catharsis... Je me dois de vous l'avouer, à ma grande honte... je ne l'entends peu... Puis-je épancher ma curiosité et me faire questionneur ?
C : Au point qu'il vous conviendra d'entendre.
G : Vous faites mention de catharsis et de pitance... Qu'en faites vous ?
C : Je m'assure des ventres bien remplis et me complais dans leur contentement.
G : Pourtant... Vous êtes un homme des armes.
C : Mais un homme de goût, je l'espère.
G : Si fait. L'un ne se trouverait-il pourtant quelque frein a l'autre ?
C : Nullement. Je nourris moi même une théorie toute différente.
G : Comment donc ?
C : La voulez-vous entendre ?
G : Vous me voyez ici l'oeil brillant et l'oreille échauffée. Nos verres sont pleins et nos assiettes rondes. L'univers me fais cadeau de la disposition parfaite pour vous écouter. Faites donc mon ami ! Déclamez donc à satiété et faites de moi votre apprenant ! Après une mise en bouche pareille, je ne puis m'empêcher de vouloir assouvir ma curiosité... et vous assure donc de mon attention pleine et entière.
C : Son expression rigoureuse ne saurait souffrir quelques manques de concentration ou raccourcissements impromptus.
G : Fort bien.
C : Je vais donc ici vous présenter le rôle de la nourriture dans le jeu des armes.
G : Je vous écoute.
C : Un soldat, si fort et habile qu'il soit se doit de conserver une alimentation qui convient a ses usages. Manquant de protéines, il défaillira les armes a la main. Vous ne pouvez compter sur une troupe d'infanteries efficace si sa main est tremblante au moment de l'assaut. Voilà donc pour les muscles. Mais pour l'esprit, il faut une nourriture toute différente.
G : Comment donc ? L'esprit n'est-il pas muscle à consommer de la rougeur ?
C : Peu. Il sera plus enclin à faire usage des nourritures éthérées.
G : Ethérrées ?
C : Comprenez bien que l'âme, toute résidente de la chair quelle soit, tire sa force dans les vies de l'esprit.
G : Les vies ?
C : Nommez cela a votre convenance. Je me peins une représentation simple et utile de la construction de l'âme.
G : Je... me trouve égaré et requiert de vous l'énoncé de cette figure...
C : Bien sûr. De telles explications contenteront mon postulat de départ. Je pense, à tort ou à raison, que notre âme est une toile serrée autour de notre corps.
G : Une toile ?
C : Une toile, une grille... Peu m'importe. Mais comme toute structure de cette forme, il y a de nombreux noeuds. Le noeud du coeur, le noeud du ventre, le noeud de la respiration. Répétez ainsi pour chaque centre d'importance en notre corps. Il me plairait de faire pour vous une liste exhaustive, mais je sais votre temps trop précieux pour s'appesantir sur ses petites considérations.
G : A votre convenance. Je ne suis ici que l'apprenant, le réceptacle de vos connaissances. Vous êtes le professeur. Mon temps est donc le vôtre.
C : Bien. Parmi ces noeuds se trouve celui de l'esprit. Malgré son importance, il occupe une position plus élevée que le reste de la grille. Il se trouve ainsi en disposition plus aérienne pour les délibérations de notre conscience. Nous nous devons alors de le nourrir en conséquence. Les faits n'ont eu pour réalisation que de me donner raison.
G : Le procédé fonctionne ?
C : Bien sûr. Je ne suis point homme à me forcer en considérations inutiles. Vous m'avez appelé professeur...
C. lève la tête, ses lèvres tendues en un doux sourire
C : Si je suis le professeur d'un apprenant comme vous, il ne serait que trop d'irrespect que de vous faire lanterner sur ces circonstances. Il me plairait de discourir avec vous des particularités du tutorat, mais il s'agira d'une autre discussion, vous en conviendrez...
G : Que je me permettrai de solliciter auprès de vous dès l'instant où mes occupations me le permettront.
C : Sollicitez mon ami. Sollicitez avec vigueur. C'est ce qui fait de vous un si agréable auditoire.
Un sourire enjoué est échangé
C : Ramenons notre attention vers la nourriture éthérée.
G : Ce sujet, au demeurant des plus banal, semble nous appeler à fort cris.
C : Votre enthousiasme est des plus rafraîchissant. Cela m'enhardit et vous fait participer plus avant dans ce discours que je m'aperçois tenir seul. Quelle nourriture est la plus éthérée qu'il soit selon vous ?
G : Un fruit à l'intérieur aqueux et au dehors plastique. Tout comme nous.
C : L'attention est intéressante mais il ne s'agit ni d'un fruit, ni d'un aliment.
C. s'interrompt un bref instant
C : L'eau. L'eau est la solution à notre petite affaire. Par sa transparence et sa nature changeante, elle est la plus a même de s'accorder à nos conditions.
G : Mais... on ne peut assurément pas se nourrir d'eau seule.
C : On peut se nourrir de son fort caractère en certaines denrées. Prenez les plantes de nos jardins, qui se nourrissent d'elle et d'elle seule. Ce seront nos transports. Il s'agira alors de les laisser dans les états les plus purs.
G : De la salade pour toute pitance ?
C : Agrémentée de fruit du soleil, et de maigres proportions de la viande discourue plutôt.
G : Est-ce tout ?
C : Tout. La sauce ne serait que poids inutile et subterfuge a nos papilles.
G : Et pour breuvage ?
C : Évitons les vins et autres jus si frais en bouche mais si lourd en tête.
G : Est-ce cela toute votre pensée ?
C : Oui. Je pourrais discourir jusqu'à l'aube prochaine, mais n'en vois ici que peu d'attrait.
G : Votre vision me surprend tout autant qu'elle m'intrigue.
C : Je porte votre attention à mes premiers dires. En effet, je ne parle ici que de la nourriture convenant a une troupe d'hommes formés aux arts de la guerre et dont c'est la seule condition.
G : Votre considération change-t-elle donc avec l'occupation de votre sujet ?
C : Oui. Mail il prendrait une attention considérable pour toutes les entendre.
G : Je le conçois aisément. Merci. Merci mille fois pour les délicates attentions de votre partage.
C : Je vous remercie de même de votre écoute aussi attentive qu'il se peut l'être. Voulez-vous terminer ici cette discussion pourtant si bien engagée ? Notre assiette est vide et notre coupe maintenant épuisée. Vos affaires vous appellent et je ne saurais être entrave de la suite de votre journée.
G : Pas si vite mon ami. Si vous le permettez, il m'intéresserait de vous entretenir d'une chose encore.
C : Faites.
G : Faisant un sommaire rapide de nos discours, je ne puis m'empêcher de repenser à un mot de vous vers moi. Puis-je vous en faire part ?
C : Faites donc mon ami. N'est-ce pas le propre de toute discussion de... discuter ?
G : Je repensais, donc, à la catharsis.
C : Nous avons ici couvert que bien peu de ce sujet si vaste. Mon discours n'a eu trait qu'à un des nombreux usages de ce postulat au nom étrange...
G : La catharsis par la nourriture, un postulat bien étrange en effet. C'est d'ailleurs pourquoi je trouvais fort intéressante votre façon de lier ses deux termes dans... Dans...
C : Dans quoi ?
G : Tiens je me le demande. Cet assemblage de deux mots aux contours si jolis et au dedans cependant si éloignés.
C : Cette phrase.
G : Non. La prononciation est assurément trop courte pour faire office de phrase.
C : Un mot en ce cas.
G : Il s'agit ici d'un assemblage de mots.
C : Je ne puis voir.
G : Une citation. L'on le catégoriserait aisément comme citation d'homme au talent certain.
C : Vous me ferais rougir, cela ne peut être disputé.
G : Mais il ne s'agit pas de faire montre de simple talent, mais également de jeu de pensées.
C : Une citation assurément alors.
G : Non, ce n'est pas cela... Je ne puis dire pourquoi, mais je discerne autre chose.
C : Qu'en est-il dans ce cas ?
G : Ha... La réflexion est difficile, et intéressante à tout le moins...
G. relève le point vers le ciel en signe de victoire
G : Ah, c'est cela ! Un titre ! Oui le titre d'une petite histoire dont nous serions les biens pales héros.
C : On ne fait pas histoire de nourriture.
G : Si fait monsieur, le titre est lancé. Et par notre conversation, cette scénette au galbe mélodieux se termine.
C : Je ne peux le croire. Je ne veux pas le croire.
G : Regardez moi me lever et m'éloigner.
G. quitte la table, et, tournant le dos à son ami, s'approche de la porte de l'échoppe
G : Vous le croirez a ainsi contempler...
G. passe enfin la porte et poursuit son discours d'une voix de plus en plus faible
G : ... ma voix par abaissements successifs s'effacer...
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