Chapitre 4

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Le temps était doux et suffisamment chaud pour François. Il avait du mal à réaliser qu’il avait la femme dont il avait toujours espéré d’avoir, à ses côtés. Elle portait son enfant, dans sept mois, ils deviendront parents. Mais d’ici là, il pouvait s’en passer des choses. Il restait quand même soucieux, en ce qui concernait Caroline. Influencerait-elle mal Élisa ? Après tout, elle l’a suivie dans ses délires lorsqu’elle lui avait conseillé de trouver le pigeon idéal pour rendre jaloux, son ex-compagnon.

Durant la route, Élisa le sentit préoccupé. Elle commençait à le connaître mieux qu’il ne le pensait :

— Qu’est-ce qui te tracasse ? La venue de cette nouvelle sœur ? Savoir que tu n’es plus l’aîné ?

— Oh, non ! Pas du tout. C’est juste Caroline. Je me demande bien ce qu’Antoine a fait pour qu’elle m’en veuille à ce point.

— Ç’a beau être ma meilleure amie, je porte notre enfant. Il est hors de question à ce que je te quitte. Tu m’as trop manqué durant ces deux derniers mois.

— Tu dis ça pour me rassurer ?

— Je commence à te connaître, c’est tout !

— Tu lis de plus en plus dans mon cœur surtout !

— Il ne fallait pas commencer ! affirma-t-elle.

La ville d’Angers fit son apparition. Aujourd’hui, tous les parkings étaient gratuits puisque nous étions dimanche.

Caroline n’habitait pas loin du parking de La Rochefoucauld. Durant ces dernières semaines, elle s’était vue obligée de déménager. Dans l’immeuble qu’elle côtoyait précédemment, l’intimité était de plus en plus restreinte. Ses voisins avaient changé. Et depuis, elle entendait la plupart de leurs ébats. Elle en avait marre. Les murs étaient loin d’être insonorisés ! Parfois, elle se demandait s’il ne venait pas faire cela dans son salon, tellement ils étaient bruyants. Tout le monde les entendait. Ils s’en moquaient complètement. Un jour, l’un d’eux s’était mis à dire que le plaisir n’avait pas de prix !

Du coup, elle emménagea plus près de son lieu de travail. Elle avait un deux-pièces qui lui suffisait amplement. En arrivant près du parking de La Rochefoucauld, Élisa pensa à la même chose que François.

— Tu n’as pas envie de te garer là ?

— Il y a de la place ailleurs, nous sommes dimanche.

— Justement, on ne risque pas d’être coincé cette fois.

— Tu crois ? De toute façon, j’ai juste à te déposer. Après, je repars.

— Tu ne veux pas venir chez moi après ?

— J’ai ton numéro. On se rappellera. Il faut que je rentre. En plus, je n’ai pas beaucoup dormi.

— Juste une question.

— Laquelle ?

— C’est toujours aussi animé dans ta famille ?

— Toujours.

— Je vais avoir du mal à m’y habituer. Je suis du genre à apprécier le calme.

— Rien qu’avec moi, tu es mal partie.

— Je le sais, mais j’adore quand tu m’emmènes dans tes délires.

— Moi, j’adore tout de toi. Allez, j’y vais. On se rappelle demain.

— Tu me manques déjà. Je t’aime.

François ne répondit pas à son « Je t’aime » pour voir une expression arriver sur son visage en faisant semblant de n’avoir rien entendu.

Déçue, elle sortit de sa voiture et se dirigea vers le studio de Caroline. François ouvrit la vitre de son véhicule et cria :

— Eh ! Chérie !

Élisa se retourna. Elle fut surprise qu’il l’appelle ainsi :

— Moi aussi je t’aime, dit-il, en lui souriant.

Celle-ci fut réconfortée et comprit qu’il s’était à nouveau joué d’elle. Il ne perdait rien pour attendre. Sans perdre une seconde, François retourna chez ses parents. Décidément, sa soirée risquait d’être bien plus mouvementée qu’il ne le pensait ou au contraire, bien calme.

Sur la route du retour, il essaya de se mettre quelques instants à la place de son père. Ça doit sûrement faire un choc énorme d’apprendre qu’on ait une fille, qui n’a pas loin de trente ans. De plus, elle avait un air méprisant à son égard. Est-ce qu’il savait qu’elle était vivante au moins depuis toutes ces années ? Il n’osait le croire.

Quand il arriva dans sa maison, il y avait un silence de mort. Il découvrit son père qui pleurait dans un des fauteuils du salon. Il s’était certainement fâché avec sa mère.

Lorsqu’il l’aperçut, François comprit qu’il avait besoin de soutien. Du coup, il s’installa près de lui et son père balbutia :

— Elle est partie devant mes yeux.

— Qui ça ?

— Emmanuelle. Je ne sais pas du tout quoi faire. Ta mère n’arrive pas à me comprendre.

François avait aimé une fille, il y a plus de dix ans. Il savait ce que c’était, un cœur qui battait la chamade. Il essaya de s’imaginer dans la même situation que lui, dans vingt ans.

La journée de son père avait été mortelle. C’était le cas de le dire. En découvrant une nouvelle fille, il voit en retour s’envoler son premier amour. Il se demandait bien comment il arrivait encore à respirer. Il était du genre très stressé. Aujourd’hui, du stress, il en avait eu plus qu’assez !

— Tu veux que j’aille parler à Maman ?

— Ça ne servira à rien. Tu la connais. Elle est butée.

— Comme toi et… c’est pour ça que vous vous aimez. Non ?

— Je crois que là, c’est trop pour elle.

— Tu ignorais l’existence de ma demi-sœur ?

— Totalement. Elle est d’ailleurs avec ta mère.

— Comment ? s’exclama François, étonné par cette nouvelle.

— Elle essaye d’arranger les choses.

— Attends ! Elle débarque comme ça. Elle met le bordel dans la famille et…

— Arrête, s’il te plaît ! coupa Dominique. Elle a perdu sa mère aujourd’hui. C’est aussi difficile pour elle.

— Pourquoi arranger les choses dans ce cas ?

— Nous avons beaucoup parlé, tous les deux. Elle s’est rendu compte que je n’étais pas le père qu’elle imaginait. Par contre, j’ai appris quelque chose.

— Quoi donc ?

— Mes parents connaissaient l’existence de Mylène. Elle les côtoie souvent d’ailleurs.

— Tu plaisantes ?

— Pas du tout. Et, je pense que son mépris à mon égard est en grande partie de leur faute.

Décidément, sa famille était encore plus folle qu’il ne l’aurait imaginé. Comment avaient-ils pu cacher ce mystère depuis toutes ses années ? François se releva et décida d’affronter sa mère, à son tour. En allant dans le couloir, il se demandait bien l’expression qu’il pouvait avoir envers sa nouvelle demi-sœur.

Dans la chambre, les deux femmes lui tournaient le dos. Mylène avait une main sur l’épaule de sa mère qui pleurait. L’une était triste parce qu’elle se sentait trahie, l’autre parce qu’elle avait perdu sa mère, à jamais.

Elles étaient assises sur le lit qui n’avait pas été fait de la journée.

Lorsqu’elles l’aperçurent, Mylène laissa sa place à François.

— J’ai appris pour ta mère, entama le jeune homme. Je suis vraiment désolé. Toutes mes condoléances.

— C’était à prévoir, dit-elle, le cœur ulcéré. Elle souffrait depuis déjà pas mal de temps. C’est mieux ainsi. Au moins, elle ne souffre plus.

— J’aurais préféré faire ta connaissance dans d’autres circonstances, avoua-t-il.

— Moi aussi. Mais, c’est la vie.

François regarda sa mère et s’assit à côté d’elle. Elle avait gardé sa robe de chambre toute la journée sur le dos. Il ne savait pas quoi lui dire. C’est Judith qui rompit le silence.

— Je me suis fâchée avec ton père, affirma-t-elle.

— Je m’en suis douté, tu sais.

— Depuis le temps que je dis que ses parents nous gâchent la vie. Non, il faut une nouvelle fois qu’ils nous fassent du mal.

— Mets-toi à sa place quelques secondes ! Ça ne doit pas être facile pour lui.

— Je le sais, mais tu crois que ç’a été facile pour elle de vivre sans son père ?

— Il n’était même pas au courant.

— C’est ce qu’il dit ! protesta Judith.

— C’est vrai, osa Mylène dans leur dos. Il ignorait mon existence. Avant de s’envoler, ma mère nous a révélé des choses que lui et moi ignorions. Je me suis rendu compte que j’avais été prise pour une conne.

— Bienvenue au club dans ce cas ! Moi aussi, on me prend souvent pour une conne ! s’emporta Judith.

— Et moi, pour un pigeon ! répondit François en pensant à Élisa. Mais je crois qu’à l’avenir, ça ne sera plus le cas.

— De toute manière, ton père est peut-être gentil avec tes grands-parents, mais moi, ils sont loin de me connaître ! riposta Mylène.

Étonnant pour une jeune femme qui venait de perdre sa mère et de récupérer son père, de l’entendre dire « Ton père » et non « Mon père », songea François. Peut-être voulait-elle lui montrer qu’elle ne lui volerait pas sa place d’aîné. Personnellement, il s’en moquait bien.

Soudain, dans l’entrebâillement de la porte, Dominique apparut et demanda à Judith :

— Tu viens manger ?

— Je n’ai pas faim.

Celui-ci fit demi-tour avec son air triste et retourna dans la cuisine. Ses yeux étaient remplis de larmes.

François trouva sa mère un peu dure avec lui. Après, quand on se met à la place de telle ou telle personne, il est difficile de savoir comment on pourrait réagir. En tout cas, il espérait voir se terminer cette journée, le plus rapidement possible.

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