Ière Partie : Enoch

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Le Profane acquiert l’expérience de la vie matérielle. Ainsi, du fond de sa tombe, il observe quatre planches,

L’Initié oscille entre deux mondes. La vie matérielle et la mort, la transformation et l’éveil,

Le Sage, quant à lui, se tient en équilibre sur le fléau de la balance.

« Lexi, éteint les lumières et verrouille les portes ! » Ordonna Méri à l’intelligence artificielle. Elle avait enfilé son manteau préféré, celui en laine de synthèse aux motifs triangulaires verts et blancs. Devant son miroir accroché dans l’entrée, elle ajusta son col, de façon à ce que sa broche en améthyste – symbole de son implication au Temple – soit visible, puis arrangea son rouge à lèvres foncé qui soulignait ses yeux sombres et sa chevelure brune. Elle tenta d’enfiler sa paire de bottes, mais peina à se pencher, son ventre étant bien rond. Agacée, elle souffla en se promettant de ne pas revenir chez elle sans un joli banc.

La porte se verrouilla en un « bip » et Méri s’avança dans son allée ensoleillée en direction de sa voiture. Elle était garée un peu plus loin, en bordure de route, entre deux arbres aux feuilles flamboyantes et gorgées de lumière.

Son véhicule était assez commun en zone bleue, une petite citadine de la marque Quantik, modèle Quarks. Pratique et passe partout, cette petite voiture solaire aux allures de bulle avait fait fureur quelques années plus tôt, si bien que dans sa résidence, il devait y en avoir une cinquantaine. Alors que tous s’étaient rués sur le coloris bleu azur, son égo l’avait poussée à se démarquer en portant son choix sur le modèle blanc, plus élégant de son point de vue. Lorsqu’elle s’en approcha, son Anneau émit une brève vibration et la portière pivota de bas en haut pour l’accueillir. Elle jeta son sac sur la banquette arrière et se tint au montant de la portière pour s’installer face au cockpit. La carrosserie entièrement vitrée n’était colorée qu’à l’extérieur et créait ainsi une opacité, en plus d’offrir une vue panoramique. Il y avait un siège conducteur matelassé et confortable de couleur crème, qui oscillait horizontalement en fonction des différents modes de conduite. La banquette arrière, quant à elle, était rudimentaire et pouvait tout juste accueillir deux personnes. Bien qu’elle aimât sa Quarks, elle était pressée de s’en séparer au profit d’un véhicule plus spacieux, pouvant accueillir un enfant.

Une douleur aigue dans son bas ventre lui coupa le souffle. Instinctivement elle se massa vigoureusement tout en respirant profondément et soupira de soulagement lorsque la douleur s’estompa.

La portière se referma lentement tandis que l’Interface du cockpit s’illuminait. Lexi lui proposa l’option « pilote automatique » que Méri approuva et aussitôt son siège se positionna au centre de l’habitacle.

« Quelle est votre destination ? » demanda la voix suave de Lexi.

- Le parking du Giantmall, ordonna-t-elle en adoptant une position semi allongée.

« Calcul de l’itinéraire. Arrivée à destination dans quinze minutes. Démarrage de la manœuvre. »

Le véhicule enclencha une marche arrière lente puis le volant braqua à gauche, comme s’il était sous l’emprise de mains invisibles. Le voyant lumineux des capteurs arrières clignota en détectant qu’un véhicule s’apprêtait à dépasser et enfin, la Quarks se mit en route sans le moindre bruit, glissant sur l’asphalte.

Le soleil pénétrait l’habitacle sans éblouir Méri grâce au vitrage photochromique. Celle-ci était de toutes façons trop occupée à fixer l’écran de son Anneau. Elle devait prévenir son amie Julia qu’elle était en route pour leur rendez-vous, en espérant que cette dernière ne la fasse pas attendre. Méri détestait les retardataires.

Elle quitta sa résidence pour s’introduire dans la périphérie de Cartagena. Les routes étaient larges et de nombreuses passerelles formaient des voies aériennes depuis lesquelles il était possible de voir au-delà du Mur. A sa droite, elle aperçut les toits sombres des cités dortoirs de la zone grise, que même la lumière éclatante du Soleil ne parvenait à embellir. Dans le ciel, des drones de surveillance arpentaient les airs, telles de minuscules mouches. Méri en eut l’estomac noué. La zone grise était si proche qu’il arrivait souvent lors des mois de février – le mois le plus venteux de l’année – que des rafales entrainent le sinistre écho des alarmes et, Méri l’aurait juré, une odeur nauséabonde imprégnée de crasse et de sueur des travailleurs. Elle tourna la tête vers la gauche, où au loin, en direction du nord, les sommets des collines dépassaient majestueusement du mur azur qui séparait la zone bleue de la zone blanche. Si seulement Josh n’était pas aussi fainéant Méri et lui auraient pu habiter la banlieue nord-ouest, au plus près des citoyens prestigieux de la zone blanche. Seulement voilà, Josh et elle travaillaient du côté sud-est et ce dernier privilégiait les courts trajets et par-dessus tout son temps de sommeil.

Méri était exaspérée par le manque d’ambition de son conjoint. Tout ce qui l’intéressait se résumait à ses parties de I-sport avec ses collègues, la vie pitoyable des ouvriers lors du Daily Workmen Show et les barbecues arrosés. Sa mère le lui avait pourtant bien dit, elle ne pouvait rien attendre d’un homme rencontré dans un Daydream. Ces bars virtuels à réalité augmentée que la jeunesse bleue fréquentait n’avaient pour but que l’expression la plus sordide de toutes les perversions humaines. Au départ, cela avait été créé à des fins médicinales pour améliorer le bien-être des citoyens. Néanmoins, plus ils s’y connectaient, plus la recherche sensorielle s’intensifiait, jusqu’à en devenir totalement addictive. Certains avaient même été bannis de la zone bleue pour y être restés des semaines entières, l’esprit prisonnier d’une spirale de plaisirs éphémères. Aussi, Méri remerciait l’Evangile que l’Ordre eut instauré la discipline de la notation sociale, le garde-fou qui assurait la stabilité du système.

Méri était convaincue que sans elle, Josh aurait sans doute fini par sombrer dans les bas-fonds de la zone noire, dû à son addiction pour le virtuel. Grâce à elle, il avait trouvé un équilibre, se rendait au Temple tous les dimanches et allait bientôt devenir père de famille.

Et comment la remerciait-il ? en l’incommodant de la pestilence de la zone ouvrière et en ne lui prêtant plus la moindre attention depuis qu’elle était enceinte.

La voiture déboucha enfin dans l’agora, située au nord-est de la banlieue. Les rues commerçantes étaient peuplées de fonctionnaires aux tenues bleues, cobalts pour les moins gradés, azurin pour les grades élevés, qui déambulaient paisiblement pendant leur pause déjeuner.

L’œil carmin du Réseau apparaissait entre les programmes d’information diffusés en boucle. Aujourd’hui, il était question de l’élection mensuelle de l’Ouvrier du Mois. Aussi, Méri voyait le visage de Richard Green partout. Malheureusement pour elle, ce visage fascinait de plus en plus de monde. Qu’il fût celui d’un fou, d’un criminel ou d’un monstre, un beau visage trouvait toujours un public disposé à l’encenser. A côté de ce Richard Green, les ouvriers sélectionnés pour participer à l’élection ne payaient pas de mine. En outre, aucun autre ne s’était fait remarquer pour son audace ou son outrecuidance, simplement à cause de ridicules maladresses à l’usine.

C’était ce qui rendait cet homme si dangereux aux yeux de Méri. Il lui était semblable au vortex virtuel des Daydreams, un fantasme malsain et venimeux, inoculé directement dans l’imaginaire collectif par les bonnes grâces du Réseau, pour une raison qui, par ailleurs, lui échappait encore. Aussi, c’était la première fois que cette élection l’angoissait.

Son bébé donna du pied dans son ventre. Ces derniers temps, même lui semblait être sujet à la panique car les douleurs s’intensifiaient. Elle souffla profondément en passant ses mains sur son bas-ventre et songea à prendre un rendez-vous à la maternité pour un contrôle de routine.

Quand il ne s’agissait pas de cette maudite élection, le Réseau parlait du conflit des extra-zones du sud de la Turquie, opposant des anarchistes aux forces armées de l’Ordre. Même si Méri évitait de s’intéresser à la géopolitique, elle ne pouvait feindre d’ignorer ces guérillas qui s’éternisaient et n’aboutissaient à rien. Méri se demandait pourquoi ces gens se battaient pour l’indépendance de territoires pollués et stériles plutôt que d’accepter de bénéficier de la stabilité et du confort offert par le gouvernement fédéral.

Par pudeur spirituelle, Méri se gardait bien de dire que si la société comportait plus de gens comme elle, le monde s’en porterait mieux.

Nonobstant, toutes ces nouvelles peu réjouissantes amplifiaient son besoin de dépenser de l’argent. Méri aimait consommer, mais ces derniers temps, elle revendiquait son devoir de consommation comme le témoignage de son patriotisme. C’était sa façon à elle de faire de la résistance. Pour les habitants des zones bleues, consommer était synonyme leur soutien à l’économie. L’économie, c’était avant tout des fonds dédiés à la recherche et au développement pour la sauvegarde et la guérison du Vivant. Méri croyait fermement à son implication personnelle dans le Grand Tout, cette notion éveillée d’une connexion entre chaque organisme, organisée et aboutie par une intelligence surconsciente et collective. A son échelle, elle faisait ce que l’on attendait d’elle pour sauver le monde de l’extinction massive frôlée par ses ancêtres et elle en était fière.

Aussi, cette publicité géante dans laquelle déambulait une femme vêtue de la collection été de Germain, lui remonta aussitôt le moral.

Elle arriva enfin devant l’entrée du parking, une tour d’au moins trente mètres et s’engouffra à la suite de plusieurs véhicules dans un sas vitré. La Quarks fut désinfectée à l’aide d’ultrasons, puis scannée, avant d’être libérée quelques étages plus hauts dans les allées de stationnement.

Après quelques minutes de marches en direction du Giantmall, Méri retrouva Julia, sa meilleure amie, enceinte de huit mois et outrageusement mince, qui l’attendait, deux mugs en mains.

- Excuse-moi ma belle, je n’ai pas été trop longue ? s’excusa Méri en l’embrassant sur la joue.

- Non, rassure-toi, j’ai eu le temps de nous prendre du thé chez Pacific Blue. Infusion bergamote et menthe poivrée pour toi, dit-elle en lui tendant son mug, thé noir fruits rouges pour moi !

L’entrée du Giantmall était semblable à un portail multidimensionnel. Depuis l’extérieur n’étaient visibles que les remous d’un brouillard désinfectant qui changeait de couleur dès que quelqu’un le traversait. Lorsqu’elles le franchirent, elles atterrirent dans l’allée principale du mall, cernées de boutiques, dont le plafond holographique simulait de splendides nébuleuses aux couleurs éclatantes. Le sol était carrelé de faïences allant du topaze le plus translucide au plus profond des lapis lazuli, dans le style ibérique, typique de Cartagena. Les vacances de la Chandeleur étant passées, le mall était quasi désert, la plupart des passantes étaient enceintes et bénéficiaient d’une dispense de travail et les seuls hommes présents étaient sans doute pères de famille et disposaient de congés parentaux prolongés.

Des androïdes vêtus d’uniformes aigue-marine suivaient les clients qui se dirigeaient vers la sortie en transportant leurs sacs de courses et paquets, tandis que d’autres, plus discrets, nettoyaient les sols.

- J’ai absolument besoin d’un nouveau traversin, affirma Julia, le mien ne chauffe plus et tu sais à quel point ça soulage des douleurs…

- Et moi d’un banc, répondit Méri, j’arrive au stade où je ne peux plus mettre mes chaussures sans me tenir.

- Je t’avoue que cette seconde grossesse est beaucoup plus éprouvante que la première ! regarde ça ! s’indigna Julia en lui montrant une légère poussée d’acné sur son menton.

- Toi, au moins, tu es restée mince ! pas étonnant que Josh ne me regarde plus…

- Dans ce cas, avant de t’acheter un banc tu ferais mieux de penser à investir dans un bon androïde…

Méri releva un sourcil.

- De quel androïde tu parles, au juste ?

- Ne joue pas les prudes, voyons, tu sais bien, un Lovebot.

Méri ouvrit la bouche, indignée.

- Tu… tu en as un toi ? demanda-t-elle.

- Evidemment ! Comment crois-tu que je sois restée si mince ? ria Julia.

- Et Pedro ? Il est au courant ?

- Oh, ça oui il est courant ! C’est lui qui a commencé par acheter une version femelle, donc je ne me suis pas gênée !

Méri, outrée, observait son amie sourire de fierté, comme à chaque fois qu’elle trouvait le moyen de la provoquer.

- Par l’Evangile, j’en mourrai si Josh en achetait une…

- Eh bien, tu aurais tort de t’en priver ! Ils sont si beaux, si biens faits, sans parler de la taille de leurs engins ! Au fait, comment tu trouves ton infusion ? Mon thé est trop sucré…

- C’est dégoûtant ! s’exclama Méri.

- Ah ! si tu veux on peut les rapporter…

- Je ne parle pas du thé, Julia. Je parle de ce machin que tu as pour amant !

- Si ça aide à libérer mes chakras, je ne vois pas où le mal. Selon toi, il vaut mieux un Lovebot ou un amant bien réel comme Selena ?

Méri soupira.

- Tu sais bien que quoi que tu fasses, ce ne sera jamais pire que Selena…

Cette fois Méri préféra ne pas s’éterniser sur le débat. Même s’il était vrai que Julia aimait s’épancher sur sa vie sentimentale et sexuelle, elle n’aurait jamais imaginé de telles turpitudes au sein de son mariage. Finalement, cela la confortait dans le fait qu’il était impossible de connaitre réellement les gens. Elle se demanda soudain, la gorge serrée, si Josh avait lui aussi des désirs inavoués.

- Je ne t’ai pas vue au Temple dimanche dernier, tu étais souffrante ? demanda soudain Méri en espérant changer de sujet.

- Ah, ça… figure-toi que je comptais t’en parler, j’ai entendu parler d’un autre prêtre, le père Enoch et j’ai eu envie d’aller l’écouter.

- Quoi ? Mais pourquoi ? tu quittes père Alejandro ?

Julia grimaça en guise d’affirmation. Méri lui agrippa le bras, consternée.

- Attends, tu es sérieuse ? On connait le père Alejandro depuis l’enfance ! C’est lui qui a fait nos thèmes natals, qui calcule nos révolutions solaires à chacun de nos anniversaires !

- Oui, mais tu vois, je trouve qu’en vieillissant il devient, disons, un peu trop laxiste.

- Laxiste ? Tu es culottée de dire ça, toi qui a un objet sexuel à ta disposition !

- Jimmy n’a rien à voir avec ça ! s’indigna Julia.

Jimmy ? Quelle horreur ! Elle lui a donné un nom en plus ? pensa Méri avec une expression de dégout.

- Je dis seulement que le père Alejandro est un peu trop laxiste en ce qui concerne la situation des ouvriers. Depuis cette grève, il n’a fait aucun discours sur le sujet et, personnellement, moi ça me préoccupe.

Méri relâcha le bras de son amie et elles se remirent en marche. Julia lui fit signe d’entrer dans une boutique d’huiles essentielles et Méri la suivit machinalement.

Justement, le fait que père Alejandro ne parle jamais de ce dangereux ouvrier était pour Méri, une raison supplémentaire de se rendre au Temple le dimanche matin.

- Si c’est pour encore parler de cette espèce de singe à peine savant, je préfère rester auprès du père Alejandro. Pas une minute ne passe sans qu’on nous rabatte les oreilles avec ce misérable ! Si je vais au Temple, c’est pour y trouver paix et sérénité !

L’androïde femelle qui tenait la boutique les accueillies poliment tout en leur énumérant les nouvelles gammes, les nouvelles senteurs et les promotions du magasin. Une fois qu’elle eut tourné les talons pour s’intéresser à une nouvelle cliente, les deux amies partirent à la recherche d’huile essentielle d’arbre à thé, dont la vertu principale était de soigner l’acné.

- Justement, repris Julia en attrapant un petit flacon, le père Enoch a un avis bien tranché sur la question. Il dit que cet ouvrier est une menace à prendre très au sérieux, tu sais. Il dit que l’ère du Verseau n’est pas seulement une ère unificatrice, mais une ère dans laquelle apparaitra la grande imposture !

Méri, nerveuse, attrapait et reposait les flacons sans prendre le temps de lire les étiquettes. Evidemment, la venue de l’Imposture, de l’Antéchrist ou du Dajal, tout le monde en avait entendu parler dès le plus jeune âge, lors des leçons d’éveil spirituel au Temple. Néanmoins, ce concept d’ennemi de la foi avait été relégué aux croyances de l’ère des Poissons. Toutefois, Méri fut parcourue d’un frisson en envisageant que cette grève puisse être l’élément déclencheur de l’Apocalypse.

- Tu n’vas quand même pas croire que cet idiot de la zone grise est l’Antéchrist ? Ce serait lui donner bien plus de crédit qu’il n’en a, rétorqua-t-elle.

- Je n’sais pas, Méri. Je t’avoue que depuis cette grève, j’ai une espèce de poids sur l’estomac, et je ne parle pas de cette petite humaine sadique qui tambourine sur mes organes, non, j’ai un mauvais pressentiment.

Méri croisa le regard inquiet de son amie. Ce poids, elle aussi le ressentait constamment.

- C’est vrai que, quand je vois l’ébullition autour de ce type, j’ai parfois l’impression d’être la seule à ne pas m’être fait bernée.

- Exactement ! Tu sais pourquoi ? Parce qu’il est beau ! Tout le monde ne parle que de son physique ! Tu trouves ça normal ? il s’agit quand même d’un ouvrier, bordel ! et d’un hors la loi ! Selon le père Enoch, il est une tentation, un fantasme et il nous entrainera tous vers le chaos si nous n’ouvrons pas les yeux.

Voilà pourquoi Julia était sa meilleure amie. Enfin quelqu’un avec qui elle pouvait discuter de manière sensée sur des sujets importants.

- D’accord, répondit Méri, admettons qu’il ait raison au sujet de l’Imposture. Qu’est-ce qu’on est censées faire, hein ? On ne peut pas empêcher les gens de voter !

- Non, c’est vrai. Mais si ça t’intéresse de connaitre ses solutions, tu devrais venir à son office dimanche prochain.

- Il y a beaucoup de monde ?

- Pas vraiment, non. Mais ça ne saurait tarder. Le père Enoch est jeune, il vient de terminer son ordination. Il n’a pas encore beaucoup de fidèles, mais il est tellement passionné dans ses discours que je suis certaine que ses cercles seront bientôt pris d’assaut.

La jeune femme resta silencieuse. En effet, elle s’avoua être intriguée par les idées de ce jeune hiérophante. Mais comment pourrait-elle laisser tomber père Alejandro ? Elle perdrait sans doute la face en le croisant dans la résidence ! Comment oserait-elle lui dire qu’elle quittait le Temple pour rejoindre l’ordre d’un prêtre tout juste gradé ?

- Je ne sais pas si c’est une bonne idée… murmura Méri.

- Je te transfère l’adresse du Temple. Que je sache un prêche n’engage à rien ! penses-y.

Elle chassa de toutes ses forces la moindre pensée pouvant se rapporter à la zone grise et continua ses emplettes avec Julia. Méri trouva le banc parfait, bleu nuit, en velours synthétique, ainsi que des vêtements de grossesse de plus grande taille pour supporter plus confortablement les deux prochains mois.

Après avoir quitté Julia, Méri et l’androïde mâle qui transportait ses achats se dirigèrent dans le parking. Celui-ci chargea son véhicule et Méri lui serra la main pour que son Anneau procède au transfert de son pourboire.

Elle avait dépensé cinq cents Stockers aujourd’hui, ce qui lui valut un bonus sur sa note sociale, en plus d’un message aimable de la part de Lexi lorsqu’elle démarra la voiture. Elle nota également ses interactions avec Julia en choisissant « excellent », comme toujours et prit la route.

Elle retourna son Anneau pour accéder au message de Julia contenant l’adresse du Temple où officiait le père Enoch. Ce n’était pas très loin de chez elle.

Après tout, elle pouvait très bien feindre d’être fatiguée à cause de sa grossesse et se rendre discrètement au Temple d’Enoch. Père Alejandro ne pourrait lui en tenir rigueur, lui qui était d’une gentillesse et d’une bienveillance rare.

Lorsqu’elle arriva chez elle, elle trouva Josh enfoncé dans le canapé, face à l’écran intégré du Réseau, une bière à la main. Il riait bêtement devant les gags de l’émission spéciale du Daily Workmen Show.

- Tu pourras m’aider à vider la voiture ? lui demanda-t-elle sans prendre la peine de le saluer.

- Hein ? ah oui, plus tard.

Les votes étaient sur le point de débuter. Les visages des ouvriers en lice pour le titre défilaient sur l’écran, subissant les moqueries des présentateurs et les rires factices du public. Lorsque ce fut au tour de Richard Green, le faux public se mit à l’acclamer.

Méri serra les dents en repensant au fait qu’il pourrait être l’Imposteur. Tout en lui la tenait en alerte. Ses yeux creux, sa mâchoire émaciée, sa bouche bien trop charmante pour son espèce. Elle pouvait le sentir, le mal qui siégeait dans son regard féroce, son aura délétère et fourbe qui transcendait l’écran.

Une violente contraction la plia en deux. Terrifiée, elle tenta de prévenir Josh que quelque chose n’allait pas, mais ne parvint à émettre aucun son. C’est alors qu’elle sentit couler le long de ses cuisses une substance épaisse. Paniquée, elle glissa ses doigts sous sa robe.

Du sang. Beaucoup de sang.

Ce fut en entendant le bruit de sa chute contre le parquet que l’attention de Josh fut arrachée à l’émission. Méri venait de s’effondrer, inconsciente.

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