Seconde 5

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(un instant de ma vie, cette semaine)

Les deux dernières semaines de juin, on surveillait les oraux du baccalauréat.
Il avait fait une chaleur étouffante toute la semaine. Le créneau le plus insoutenable était sans aucun doute celui du premier étage qui durait invariablement deux longues heures et faisait enchaîner les montées-descentes des escaliers au malheureux qui en héritait. On revenait de ce laps de temps lessivé et dégoulinant de sueur.
Ce jeudi, seize heures tapantes, alors qu'on ne l'espérait plus, un violent grondement de tonerre nous parvint par les fenêtres grandes ouvertes du couloir.
Les élèves, assis en rangs d'oignon, tête vissée à leurs fiches de révision, levèrent un regard surpris à cet extérieur dont l'existence se rappelait brutalement à eux.
Et bientôt, suivant de près le fracas électrique du ciel, vint la pluie, douce pour le cœur, fracassante pour la peau. On passa nos mains au dehors pour recueillir les gouttes comme des offrandes aux bacheliers.

Il ne faut pas parler dans les couloirs d'examen, pas rire, pas pleurer, pas vivre. Pourtant, grâce à cet instant merveilleux, on eut l'impression que des bulles de joie se diffusaient de tête en tête.

Puis, aussi vite que tout avait éclaté, le soleil reprit sa place, grand seigneur, entre les nuages. Et on se pencha par les fenêtres, jeunesse enjouée appelée par le parfum et les couleurs estivales venant du glacier d'en-bas, au carrefour entre la rue des Étudiants et la rue de l'Outre. Mme. Royon, aussi droite et pincée que le suggérait son joug sur son empire éducatif, se tenait juste devant la boutique, un plateau en équilibre sur une main et une cigarette belge à moitié consommée dans l'autre. Elle nous faisait signe, à nous, surveillants, amusant la galerie d'élèves par des mimiques exagérées, "Quel goût, la glace ? Philippine, cessez de vous pencher par la fenêtre et concentrez-vous sur la mention ! Non, Ismaël, cette glace n'est pas pour vous, passez votre bac d'abord !".

Quelques minutes plus tard, elle remontait les bras chargés de sucreries et nous les offrait de son gant de velours tout en nous enjoignant de sa main de fer à traquer la moindre fraude avec plus d'application que nous ne le faisions déjà.

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