Seconde 50

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- Persiennes de Thiseío -

La blouse coton percée sur l'encolure
Et les manches crasseuses des bris
D'un monde englouti, je m'éveille et
Thiseío, déjà lourde de chaleur, m'étreint.

Toute ma chambre est noyée d'été : l'aurore se saisit de la lumière comme d'un surin. Le soleil s'insinue par les échappées de bois, crève le mur coupable de m'avoir à son pied et pourfend les feuilles suiffeuses du basilic qui, à ce rythme, ne tiendra pas le mois.

Serait-ce ta peau sur les persiennes ?
J'ai pris la jalousie crème hérissée d'éclisses
Pour ton dos contre le jour, frémissant
Sous la pulpe de mes doigts,
Une esquisse lacunaire de ta silhouette ;
Et les remous de l'air, pour l'exhalaison
D'une quelconque ardeur

Toute ma chambre est submergée par Juillet et Thiseío, agrégat de ruines déifiées et de modernisme, n'a que faire des séquelles de la nuit. J'initie un pas vers la fenêtre, trois vers toi. En bas, affalé sur le parvis de la boutique fantôme, le chat tigré du Lemoni grignote une pauvre bestiole à plumes coincée sous ses pattes. La gouttière de mon immeuble difforme, gorgée de rosée, épanche ses déboires nocturnes sur mon balcon - les degrés auraient flâné pernicieusement jusqu'à fondre le fer pour ensuite chuter brusquement aux premières notes du chant des soûls.

Balcons engloutis sous les branches des oliviers
Se balançant de la main lasse de Notos
Au son d'une cloche lointaine
Et des bruissements de draps,
Juillet brûle d'un film calme où seul
Ton corps m'échappe et si l'on me sort
De ma langueur, le décor mourra

J'entrevois par les percées un jeune couple échanger la dernière écume de la soirée. Leur scooter écarlate passe, on le reverra : les Vespa vont et viennent, c'est ce que tu répétais toujours en trônant jambes ouvertes sur une chaise de guingois avec le sceptre des mots tranchés serré férocement entre tes lèvres mauvaises ; mais je n'y croyais pas. Pour moi, l'Iraklidon n'a jamais été le cloaque musqué que tu décrivais, bien que l'on s'y perde également en compte-gouttes des lents marcheurs et leurs tête-en-ciel.

Sous ma paume confuse
Le volet n'a rien de chair,
Mirages sont les muscles des aspérités.
Peut-être ai-je volé la matière de ton cœur
Et nos souvenirs en sont maculés,
Mais ton dos contre ma vitre n'est plus qu'air
Et Thiseío, petit écrin de touffeur,
M'enserre plus que jamais

Aurait-ce été ma peau sur tes persiennes ?

[Salento . René Aubry]

[The Girl with the Sun in Her Eyes . Jay-Jay Johanson]

[Pistache . Aurélie Saada]

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