71. La tentation du bain

9 minutes de lecture

Oriane

Je me plonge dans l’eau avec délectation et m’adosse contre la baignoire. Il y a un moment que je n’avais pas pris de bain, et la salle d’eau de la chambre d’amis n’en est pas pourvue. Voilà pourquoi j’ai regagné la chambre conjugale, le temps de faire trempette. Louis est sorti boire un verre avec Vianney, après m’avoir demandé si ça ne me dérangeait pas. Pour être honnête, l’idée d’une soirée tranquille ne me déplait pas, loin de là.

Notre relation est… bizarre, il faut l’avouer. Nous sommes toujours dans la période de sauvegarde des apparences, en fait. Devant Robin, c’est presque comme avant. Louis se montre plutôt tactile sans être trop entreprenant, il s’intéresse à nos vies en dehors de son agence et partage des moments avec Robin. Nous sortons un peu tous les trois, comme une famille. Une fois le petit couché, l’air devient plus lourd, l’ambiance est plus pesante. Il a tenté quelques approches et je ne suis pas parvenue à répondre positivement à ses demandes. Oui, il nous arrive de nous embrasser, mais ça ne va pas plus loin. Alors, le soir, il s’installe à côté de moi dans le canapé et bosse sur son ordi pendant que je fais de même de mon côté. Un film en fond sonore, il lui arrive de jouer le curieux au sujet de mon boulot, chose qu’il ne faisait pas jusqu’à présent, ou lâche son travail pour regarder le film en me massant les pieds, ce qui m’empêche totalement de me concentrer, et pas parce que j’adore ça, non. La vérité, c’est que lorsque Louis fait ça, je repense à mes soirées sur ce même canapé avec Hugo, ses mains qui parcouraient mes jambes et faisaient monter la température pendant que nous regardions d’un œil distrait une émission ou un film. C’est juste obsessionnel.

Je ne saurais dire le nombre de fois où j’ai eu envie de l’appeler ou de lui envoyer un message. Je ne sais même pas comment je parviens à me retenir. Ou, si. Quand je suis à deux doigts de craquer, je me remémore les dernières minutes dans sa voiture, son regard triste et son besoin évident que je parte. Hugo voulait que je m’éloigne, et je ne veux pas lui faire plus de mal que je lui en ai déjà fait. Je m’en veux terriblement, même s’il savait dans quoi il s’engageait. Je crois bien que lui comme moi nous sommes un peu trop attachés, pour une relation éphémère.

J’essaie de me reconnecter à l’instant présent et récupère la petite romance sans prétention que Rachel m’a prêtée. Ces histoires-là, au moins, finissent bien la plupart du temps. Dans mon cas, j’ai l’impression que peu importe le choix que je ferai, je gagnerai et perdrai. Alors, autant me plonger dans la vie fictive d’une héroïne qui en bave mais finit heureuse avec l’homme qui la fait vibrer au point qu’elle perd ses neurones quand il approche. Bon sang, je déteste ces clichés, la nana intelligente qui devient nouille dès que le beau gosse approche. Oui, Hugo m’a toujours plu et fait beaucoup d’effet, mais je n’en suis jamais arrivée à perdre la boule et ne plus pouvoir aligner deux mots face à lui. Du moins, si on exclut le brouillard post-orgasmique dans lequel il me plonge quand il me touche, bien entendu.

Je lève les yeux sur la porte qui s’ouvre et me retiens de me cacher davantage sous la mousse qui commence à disparaître lorsque Louis entre dans la salle de bain. Il s’arrête dans l’encadrement de la porte et m’observe, mi-surpris de ma présence ici, mi-satisfait si j’en crois son sourire appréciateur. Mince, il rentre quand même drôlement tôt, ce soir…

— Vianney va bien ? le questionné-je en me plongeant un peu plus dans l’eau.

— Oui, mais on a décidé de finir tôt, il avait envie de passer du temps avec sa femme… et moi aussi, ajoute-t-il en s’adossant contre la porte, son regard rivé sur moi.

— Il faudrait qu’on se fasse un dîner, ça fait un moment que je n’ai pas vu Steph.

— Oui, je vais organiser ça. Il est bien ton livre ? Il parle de quoi ?

Ses yeux se baladent sur mon corps qu’il devine sous l’eau et je peux y lire un véritable désir. Et ça me gêne. Bon sang, je me déteste de ressentir ça.

— Hum… Une nana maladroite qui rencontre l’homme de sa vie en renversant son café sur sa chemise. Les joies de la romance, grimacé-je. Robin m’a dit que tu voulais l’emmener à une compétition de rallye moto, dimanche ? Je ne savais pas que tu aimais ça…

— C’est Vianney qui m’en a parlé et je me suis dit pourquoi pas. Tu veux venir avec nous ? Ou on peut faire autre chose, si tu préfères.

Il s’approche de moi et s’agenouille à côté de la baignoire. J’ai envie de me réfugier sous l’eau et me crispe quand je sens ses mains se poser sur mes épaules qu’il caresse doucement.

— Non, non, Robin avait l’air super content à l’idée d’y aller. Vous pourrez passer la journée tous les deux. Je t’avoue que les motos, ça ne me tente pas plus que ça, moi…

— Je suis sûr que ça lui ferait plaisir que tu viennes aussi. Une petite sortie tous les trois, il adorerait. Et moi aussi. Tu sais que tu m’excites tellement tu es belle, dans ton bain ? dit-il en déposant un baiser sur ma joue mouillée.

Pas pour rien que j’ai attendu qu’il soit de sortie pour enfin prendre un bain… Louis et l’eau, c’est une grande histoire d’amour. Autant, le sexe dans la baignoire n’est pas très pratique, mais la douche a été témoin de nombre de nos dérapages de couple. Et me trouver là lui a toujours fait de l’effet. Je sens ses mains qui commencent à descendre et à se diriger vers mes seins tandis que sa bouche continue de déposer de petits baisers dans mon cou, confirmant son intention de profiter de ce petit moment d’intimité.

Je me redresse pour m’éloigner et pose mon livre sur le bord de la baignoire en faisant mine de frissonner. J’ai envie de cacher ma poitrine de mes mains, mais je me retiens. Je me sens tellement mal d’être dans cette position. Comment font les gens qui trompent leur conjoint pour agir comme si de rien n’était face à eux ? Pour ma part, ça ressemble davantage à de la torture qu’à autre chose. Le pire, c’est qu’à cet instant, ce qui me gêne réellement, c’est que j’aimerais que ce soit Hugo qui soit là, pas Louis.

— Tu veux bien me donner mon peignoir ? L’eau commence à être fraîche, je vais sortir.

— Bien sûr, Chérie, répond-il tout de suite en se relevant. Je peux te réchauffer, tu sais ? Cela fait si longtemps…

Il se saisit du vêtement en coton et le présente ouvert devant lui, debout près de la baignoire. Son regard excité ne laisse que peu de doute quant à ses intentions pour la suite de la soirée.

Je sors de l’eau et me glisse dans mon peignoir rapidement, mal à l’aise. Je noue la ceinture après avoir serré les pans sans oser croiser le regard de mon mari et m’éloigne au plus vite, farfouillant dans le placard sous le lavabo pour trouver quelque chose que je ne cherche même pas. Juste, n’importe quoi qui me permette de ne pas être à portée de main Je ne veux pas faire souffrir Louis, mais je n’ai juste pas envie.

— Au fait, tu as vu pour prendre une semaine de vacances en août ou pas ?

Est-ce que je cherche tous les moyens possibles pour nous éloigner ? Le sujet des vacances d’été pourrait être idéal pour ramener un froid entre nous. Je me sens cruelle de l’interroger à ce sujet alors que je sais qu’il refuse de fermer l’agence et qu’il y a peu de chances pour qu’il accepte de la lâcher durant une semaine complète.

— On réfléchit à une solution avec Vianney, oui. Cela devrait pouvoir se faire même si on n’a pas encore étudié tous les détails. Tu… tu me rejoins au lit, Chérie ?

Le ton incertain de sa question me pousse à me redresser pour l’observer. Merde, c’est moi qui fais ça et ça me tue. Je sais que je dois faire des efforts si je veux que ça fonctionne sur le long terme, qu’on retrouve notre vie, notre complicité… Et il mérite que je fasse un pas dans sa direction. Depuis qu’il est revenu à la maison, Louis est irréprochable, il ne mérite pas que je le maintienne à distance comme je le fais, que je le fuie sans tenir compte de nos années ensemble.

Allez, Ori, un effort, juste un petit effort…

— J’arrive, je vais me brosser les dents.

Je ne me fais pas prier et sors de la salle de bain pour monter au deuxième étage. Hors de question de voir l’espoir dans ses yeux, la satisfaction ou je ne sais quoi d’autre. Mon égoïsme me frappe de plein fouet. Lui essaie de sauver notre couple, quand moi je reste réticente. J’ai de bonnes raisons tout de même, non ? Je veux dire, en dehors du fait que mon cerveau semble obnubilé par Hugo, mon mari a quand même eu un sacré comportement ces derniers temps, nous délaissant lourdement au profit de son agence. Je ne compte plus le nombre de fois où je lui ai parlé pour qu’il réfléchisse à tout ça, où je l’ai averti que j’avais mes limites, où j’ai essayé de lui faire entendre raison. Il aura quand même fallu que je le mette à la porte pour qu’il prenne conscience de nos problèmes.

Je prends mon temps pour me brosser les dents, enfile un grand tee-shirt et un short pour la nuit avant de grimacer en m’observant dans le miroir. Ok, pas ce qu’il y a de plus sexy. Peut-être que le message sera clair, comme ça, non ? D’accord pour dormir avec lui, mais libido en berne…

Quand j’arrive dans notre chambre, Louis est déjà sous le drap et il ne tique même pas en parcourant mon corps de son regard. Je contourne le lit et me glisse à mon tour dedans. J’éteins la lumière sans réfréner le bâillement qui me prend, et me tourne en direction de mon mari. Les rideaux à peine tirés laissent filtrer la lumière de la Lune et j’ai tout le loisir de l’observer. Louis est beau, il l’a toujours été. Un visage carré aux traits fins, un regard que les filles adoraient sentir sur elles, un sourire de tombeur… Ses cheveux blonds lui donnent un air de surfeur et les mèches qui tombent sur son front amènent cette envie de glisser sa main dans sa tignasse pour les coiffer… Oui, Louis est beau, et il m’a fait de l’effet pendant des années. Sauf que ce soir, il est trop blond, ses yeux sont trop foncés, sa mâchoire trop imberbe, son sourire tendre ne me réconforte pas comme il le faisait avant. J’essaie, je jure que j’essaie vraiment…

Il hésite, je le vois. Avant, il m’aurait déjà prise dans ses bras, et vu son excitation dans la salle de bain, j’aurais déjà été nue sous son corps.

Un effort, Ori, juste un…

Je me décale dans le lit et me love contre lui. Son bras passe autour de mon corps et il me rapproche encore, m’enserrant alors qu’il pousse un soupir. Nous restons silencieux, quasi immobiles. Je sens sa main parcourir mon dos, descendre sur mes reins, et quand il remonte mon tee-shirt et la passe sous mon short pour empaumer ma fesse, je dépose un baiser sur ses lèvres et niche mon nez dans son cou.

— Pas ce soir, s’il te plaît… Serre-moi contre toi.

— D’accord, Chérie. Je t’aime, finit-il par dire alors que je sens toujours sa main posée sur mon postérieur.

— Moi aussi, murmuré-je.

Pas comme je le devrais, mais c’est un fait. Louis fait partie de ma vie depuis si longtemps qu’il ne peut en être autrement. Et même si retrouver le confort de ses bras ne me rassure pas comme je le voudrais. Pourquoi est-ce que je ne peux pas me contenter de tout ce qu’il m’offre ?

Annotations

Vous aimez lire XiscaLB ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0