Voyage et premières impressions

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Le cadre de l'île était splendide. L'endroit semblait délimité par de grandes plages de sable fin, des drones de sécurité quadrillaient au moins toute cette partie bord de mer. Des hôtels aux belles façades, se fondant aisément dans ce cadre idyllique, formaient comme un deuxième cercle. Elle jeta un coup d'oeil aux autres passagers : des testeurs venant de tout le continent, des enfants de stars, ou même les stars en personne. Quelques proches de dirigeants de cité-états. Les promoteurs du parc avaient dû envoyer un nombre faramineux de mails personnalisés.

Elle avait laissé l'agence décider si elle serait accueillie par un zombie ou non. Le beau jeune homme qui vint vers elle portait une belle trace de morsure humaine sur la main droite qu'il lui tendit. La plaie paraissait infectée, purulente, et les veines alentour noircissaient. Progressivement, semblait-il. Oui. Ça pulsait.

-Soyez la bienvenue en ce monde sombre qu'est Parc'o'zombi ! lança gaiement l'acteur.

De constitution assez fluette, légèrement plus petit que la moyenne, sa voix de velours enchanta Bénédicte à l'instant.

-Merci pour cet accueil, répondit-elle tout aussi joyeusement.

-Quel beau félin vous avez là, remarqua aussitôt le jeune homme en s'apprêtant à s'agenouiller pour caresser Îg'na.

-C'est un clone de panthère nébuleuse, annonça fièrement la trentenaire. Elle a deux ans.

-Quel animal magnifique... laissa échapper le jeune homme ; avant de se reprendre. Comme vous le voyez, j'ai été mordu il y a peu par un zombie. J'aimerais tout de même profiter du temps qu'il me reste parmi les humains normaux, pour vous présenter votre habitation, ainsi que la partie sécurisée et vacancière du parc.

-Avec plaisir.

Bénédicte souriait de toutes ses dents. Voilà un bon début. Dans son esprit elle classait déjà les points positifs. Température idéale. Météo naturelle. Animaux, clones et hybrides acceptés. Handicapés et leurs droïdes accompagnateurs également, de ce qu'elle voyait. Grimages extrêmement réalistes... Elle surveilla brièvement la morsure de son guide. Maquillage aussi réussi que réaliste, et évolutif. C'était magnifique. Son guide devait être intégralement couvert de nano-billes se colorant en suivant des codes définis par ordinateur. Pas de point négatif pour le moment, c'était rare. Elle avait été claire avec la direction du parc : sa réputation de testeuse se basait essentiellement sur la sincérité, aussi, il avait été inutile de lui fournir un chèque afin qu'elle promeuve l'endroit. Son article du soir, qu'elle posterait dès que possible, allait très certainement les rassurer.

Les acteurs pour les films utilisaient de plus en plus ces mêmes nano-billes pour nombre de leurs perruques. Elle ne put s'empêcher d'interroger son guide sur les éventuels risques de cette application des nano-technologies.

-Le seul risque serait que j'oublie de les retirer au moins le temps de dormir, et que je ne prenne pas garde à une éventuelle obstruction de mes pores.

-Vous m'avez l'air bien renseigné, releva la testeuse.

Il eut un petit rire charmant. Puis l'acteur révéla que Parc'o'zombi ne permettait l'utilisation de ce maquillage évolutif qu'à ceux qui savaient le programmer eux-mêmes, et montraient leur maîtrise en cas de bug, ou d'événement indésirable. Ils prenaient la sécurité de tous très au sérieux. Ainsi, lui ne ferait jamais de « stage de survie » comme tuteur, étant donné qu'il n'avait pas d'expérience dans le domaine. De plus, ses multiples allergies lui interdisaient de trop s'approcher de la véritable nature.

Bénédicte sortit un calepin, et nota ce témoignage qui lui permettrait d'étoffer sa critique, ainsi que cette preuve de sérieux de la part de la direction. Voilà qui lui permettrait de faire une excellente publicité aux lieux. Cela faisait un moment qu'elle n'avait pas été témoin d'un tel intérêt pour la sécurité des vacanciers. Îg'na, qui se remettait de ses piqûres de sédatif, observa son nouvel environnement avec intérêt, puis trottina devant eux.

Les autres testeurs et privilégiés étaient également attendus par des guides qui leur étaient réservés. Bénédicte put voir les fameuses idoles d'immunité, consistant en un pectoral imitation bois, du plus bel effet sur la plage. Etant en plastique, cet objet était très léger, et ne craignait pas l'eau. Pour les enfants et « personnes à risques », il y avait une nano-puce GPS.

-Comment vous vous appelez ? demanda enfin Bénédicte.

-Tristan.

-Tristan, pourrions-nous nous tutoyer ?

Il accepta avec plaisir et, tout en poursuivant leur flirt, elle l'interrogea sur toutes les mesures de sécurité prises par la direction. Autant dire qu'ils avaient tout prévu. Maîtres nageurs partout sur la plage et sur mer, grâce à des drones assez puissants pour brancarder ceux emportés par le courant, ou en train de se noyer. Des robots-secouristes étaient disponibles tous les cents mètres, des centaines de drones quadrillaient l'intégralité des lieux, ainsi que des humains et des cyborgs. Tout ce qui se trouvait sur cette île –à l'exception de la véritable forêt- était hypoallergénique.

Le cadre lui-même était idyllique. La plage de sable fin faisait tout le pourtour de l'île, avec transats gratuits. Les marchands de glaces, restaurants et boutiques diverses se fondaient dans le décor, ne dénaturant ainsi qu'à peine les alentours. À la demande de la testeuse, ils débutèrent par un petit tour de ces plages assez naturelles pour assurer des photos magnifiques. Les drones étaient presque invisibles.

Pour Îg'na, c'était une grande première. Jusqu'à présent, la panthère n'avait connu que le laboratoire où elle avait été constituée, et l'appartement de Bénédicte, nourrie par l'IA quand la femme s'absentait, et dans ces cas-là droguée pour ne pas risquer de mourir de manque d'affection, de même que les autres animaux. Dans de très rares cas, l'un des membres de la famille de Bénédicte passait les papouiller.

Le félin, avec la permission de sa maîtresse, s'aventura peureusement sur le sable fin. Elle goûta. Ce n'était pas bon. Tristan et Bénédicte discutèrent très longuement, tout en observant la panthère découvrir la plage, l'eau salée, et les odeurs de nourriture et de crèmes solaires. Habituée aux journaux télévisés, les sons liés aux conversations des autres personnes découvrant ce parc et s'extasiant pour la plupart ne perturbaient pas l'animal.

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