Débandade

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Avec une vivacité effroyable, le robot se courba, et croqua le crâne de l'un de ceux qui le caressaient. Cet acte bouleversala foule. Enfin, la peur se répandit. Trop tard.

La chose, après avoir avalé tout rond la tête, se redressa tout aussi rapidement, et poussa un rugissement qui tétanisa tout le monde. Aussitôt, une partie des zombies disparut. Les autres lieutenants se ruèrent sur la foule, et la suite fut très floue pour la testeuse.

Bénédicte ne sut pas très bien ce qui se passa, après que le robot eut croqué le crâne d'un vacancier. Entre cet instant atroce, et le moment où elle se retrouva dans la forêt, à fuir en ligne droite, et à piétiner parfois d'autres personnes ayant trébuché... Îg'na toujours sur les épaules, et aidée dans sa fuite par le robot-brancardier qui l'aidait en plus à ne pas tomber, la jeune femme savait juste qu'elle devait courir au plus vite, au plus loin possible du lieu où elle avait vu un homme mourir.

Elle avait chaque détail de la scène imprimé sur la rétine. Comme si, brusquement, le temps s'était ralenti à l'extrême. Le rugissement du robot lui avait permis de sortir de son état d'hébétement, et elle avait couru. C'était tout ce à quoi elle était capable de penser. Courir fuir hurler. Sauver sa peau. Bousculer. Piétiner. Fuir.

Jamais, de toute sa vie, Bénédicte n'avait couru si vite. Ni n'avait parcouru une telle distance à pieds en une journée, même pendant les cours de sport. La panique commençait tout juste à s'effacer, lui permettant de réfléchir... plus ou moins.

Alors que l'évanouissement la guettait, elle sentit derrière elle une présence glaciale. Laissant tomber Îg'na, sachant que si elle parvenait à s'en sortir elle pourrait en cloner une autre identique, elle se retourna brièvement.

Elle vit un homme habillé comme au Moyen-Âge flotter quelques centimètres au-dessus du sol. Ses yeux possédaient bien des pupilles, mais pas d'iris. Très musclé. Ecailleux. Bien coiffé. Tenant une épée dans une main. Plissant les yeux en voyant tomber Îg'na. Bénédicte ne s'était retournée qu'un quart de seconde pour voir tout ça. De nouveau, le temps s'était étiré, et elle retrouva un second souffle. La mort aux trousses, elle reprit sa course folle, pour tenter de survivre.

Une douleur atroce la paralysa. Là, à droite, sous les côtes.

La douleur se propageait, comme une lame s'enfonçant dans son ventre. Sur laquelle elle se serait empalée.

Mais d'où venait cette lame ? L'homme à l'épée était derrière elle.

Pourtant, il était là. Devant elle.

Penché en avant, un genou à terre. Les deux bras tendus.

Il contracta ses muscles, et la lame ressorti de Bénédicte, lui déchirant d'autres chairs, ripant contre un os.

Le temps s'arrêta presque, pour la troisième fois.

L'homme à l'épée se relevait d'un mouvement fluide, lent, tandis que Bénédicte s'effondrait, au ralenti.

En même temps, il mettait le milieu de son épée au niveau du cou de la femme.

Le noir total après une ultime douleur, une ultime angoisse. Les pires.

Le sorcier-zombie, après avoir décapité la fuyarde, s'approcha du félin. Il y avait quelque chose qui le perturbait, chez ce félin, mais il ne parvenait pas à mettre le doigt dessus. Déjà, le fait que l'animal ne le fuie pas. Même l'humaine avait senti que sa présence était fatale. L'espèce de gros chat à la limite de la maigreur ne semblait pas perturbé non plus en sentant son odeur de dragonien, ou de non-mort. Le félin passa carrément devant le mage, lui lançant un regard curieux au passage. Puis flaira l'humaine, sa tête, sa gorge d'où pulsait encore du sang qui éclaboussa copieusement le félin.

Ce dernier réagit comme s'il s'agissait d'eau. Le mort-vivant ne s'y connaissait guère, en félins. Mais il connaissait tout de même leur régime carnivore, leur nature prédatrice. Pourquoi celui-ci ne profitait pas d'une proie sans surveillance ? Pourquoi donnait-il des coups de patte sans griffe...

Mais quelle était cette horreur sans griffes ? s'insurgea brusquement l'Aberration. Pourquoi ce prédateur bien vivant ne le fuyait pas comme la peste, pourquoi ne profitait-il pas du cadavre frais pour s'en nourrir ou le mettre de côté pour plus tard ? Cela n'avait aucun sens. De ce que le zombie entendait, l'animal n'avait pas non plus de cordes vocales. Presque que la peau sur les os.

N'obtenant aucune réponse du cadavre, l'animal se tourna vers le sorcier, qui restait pour le moment les deux pieds sur le sol. Mal à l'aise, il lécha le sang sur son arme. Son corps n'était plus que de la poussière animée par la magie depuis des lustres, mais certaines habitudes ne disparaîtraient jamais. Il était en plus rendu mal à l'aise par le regard curieux et insistant de ... du soi-disant félin. Le vivant vint même lui quémander des caresses.

N'y tenant plus, le sorcier se servit de la magie pour estimer comment était constituée la masse velue qui semblait apprécier son contact de cadavéreux. Ne pouvant y croire, il laissa ses ongles se changer en griffes, et ouvrit la gorge du gros chat. Ce dernier, en mourant, parut seulement étonné de ce qui lui arrivait.

Comment le mage pouvait-il définir la chose flasque qu'il tenait encore d'une main ? Un animal sans instinct, incapable de peur ou de préserver son existence. Une fois qu'il l'eut ouvert en deux, le mort-vivant sut qu'il ne s'était pas trompé. L'animal n'avait aucun organe pouvait participer à la perpétuation de l'espèce. Ses reins étaient énormes. Et... reliés directement à des intestins bien trop longs pour être ceux d'un carnivore.

Que venait-il de tuer, enfin ? C'était un être de chair et de sang, incapable de survivre. Dans la nature, une chatte qui aurait donné naissance à un tel chaton l'aurait mangé. Ou alors, le petit serait mort très jeune. Non, cette chose précédemment vivante n'aurait pas dû l'être. Le zombie se savait mal placé pour émettre ce type de jugement, mais c'était ainsi.

Explorant un peu plus le cadavre du regard, il vit que l'animal avait une fourrure assez épaisse pour rendre ses os invisibles malgré sa maigreur. Il secoua la tête. Comment les humains pouvaient faire des choses pareilles ? Cela dépassait le vieux mort-vivant. Au final, l'isolation de Centrale était une excellente chose. Il frémit en songeant à ce qui aurait pu arriver, si cette civilisation ne s'était pas coupée du monde.

Dégoûté, le zombie termina de participer au massacre. De longues heures plus tard, tous ceux qui avaient récemment perdu la vie se relevèrent. Et rejoignirent les autres morts-vivants sur la plage Sud. Là, tous montèrent dans les bateaux. Parc'o'zombi n'existait plus.

L'art de la nécromancie avait détruit toutes les plantes et les animaux îliens. Parc'o'zombi devint donc du jour au lendemain une île morte, et, quelques années plus tard, ne fut plus qu'un simple et très grand rocher, où finissaient de se décomposer quelques vestiges de plantes. Plus rien de vivant ne s'approcha de l'endroit. Et personne ne sut ce qui avait bien pu se passer.

Fin

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