Partie Six

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 J’étais parvenu à rattraper Kina et à lui expliquer qu’elle était inutile contre des criminels sans scrupules. Elle s’était alors murée dans le silence et me calottait la cuisse pour me faire avancer plus vite.

 Je lui demandai. « Quelle est ta partie préférée chez l’homme ? »

 Elle me fixa, perplexe, puis répondit.

 « La poitrine.

 — Hm. Tu aimes les hommes au grand cœur. Moi aussi ! » J’accusai son silence. « Excuse-moi, repris-je, gênée. Je ne suis pas douée avec les blagues.

 — Hm. » Elle regarda ses pieds. Puis me claqua la cuisse. Je faillis l’étriper.

 Nous arrivâmes au village où j’appelai les brigands dans la maison de l’humaine, qu’ils traînèrent par les cheveux en sortant d’un air furibond.

 « Chichi ! grogna Kina.

 — Arrête, ordonnai-je, tu es trop faible. Attends ici. Je vais te montrer quelque chose d’incroyablement cool. Tu n’en croiras pas tes globules ! »

 J’époussetai ma tunique et m’approchai des deux énergumènes ; mes yeux devinrent violets, mes courbes alléchantes, mon gloussement, omniprésent ; je me déhanchai dans un mouvement hypnotique. Celui avec des valoches sous les yeux me saisit à la taille, les idées embrouillées par un désir irrépressible.

 Je ricanais de plus bel.

 « Vous êtes à croquer », m’entendirent-ils.

 Je les laissai se frotter à moi, s’enivrer de mon parfum et de ma danse, se noyer dans mon regard à en oublier tout le reste. Lorsqu’ils commencèrent à vouloir me coucher, une dague sortit de ma manche qu’ils m’arrachèrent sans difficulté.

 Ils entendirent un juron en me retournant sur le ventre, une main enroulée dans mes cheveux et une lame sur ma gorge.

 Ils tâtaient le vent et battaient la poussière à mes pieds comme de vulgaires asticots. Chichi s’esquivait dans la maison où régnait une odeur de haine viscérale. L’instant suivant, les têtes des idiots roulaient devant une Kina bouche bée.

 Mes épaules fumaient de toute la noirceur du monde et recouvraient le ciel de ténèbres oppressantes, mon regard noir et infini planté dans l’enfant tétanisée, qui contemplait maintenant toute la majesté de mon existence.

 « Pourquoi rêvasses-tu, Kina ? »

 Elle sursauta, déroutée, se retourna et me regarda derrière elle, sans comprendre, puis reporta son attention sur les deux hommes abattus.

 « Ne pense plus à me frapper la cuisse, repris-je. Ça fait mal ! »

 Elle se braqua.

 « Alors, amies ou ennemies ? » la questionnai-je, mais une faim foudroyante m’assaillit soudain. L’inquiétude s’empara de moi. Mes forces s’affaiblissant, mon corps dégrossit, mon visage fondit, mes cheveux en tombèrent ; je m’écartai précipitamment et m’enfonçai dans une bicoque délabrée, je n’y trouvai aucune trace de vie humaine, que de la poussière, des toiles collantes et des insectes ; ma chair liquéfiée imbibait mes vêtements, mes membres se détachaient, mes dents dégringolaient de ma mâchoire désaxée ; je m’appuyai à une table, perdis mon bras et chu au sol, immobile.

 Mes formes humaines disparurent dans une mare dégoûtante à l’odeur nauséabonde. Il ne me restait plus que mes vêtements et mes lamentations.

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