Partie Huit

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 Nous décidâmes de retourner au hameau où Kina espérait manger auprès de Chichi le temps que sa sœur se réveille, puisque notre chasse s’était révélée infructueuse.

 Je baissai la tête, la main dans la sienne. J’étais comme sa petite sœur. Je me sentais bizarre. Je ressentis le besoin de lui parler, de lui dire ce que j’avais gardé caché.

 « Je ne t’ai pas tout dit », avouai-je.

 Elle continua sans me prêter attention. Alors, pour l’attirer, je sortis de mon dos un pot de yaourt à la fraise et le lui tendis. Elle s’arrêta, intriguée.

 « C’est quoi ? » le saisit-elle.

 Elle en mordilla un bout, le renifla, et finit par gratter le couvercle en papier qu’elle retira.

 J’inspirai. « Je ne viens pas de ce monde. Mon grand-père est… C’est-à-dire… Il est comme toi et moi, mais pas vraiment. C’est… » Je marquai une pause. « Grand-mère m’a dit qu’il était égal au chaos avant qu’elle ne le rencontre, puis il est devenu l’existence. Du coup… » Je me frottai la nuque. « Je suis la petite-fille de l’Existence. Voilà, voilà. »

 Elle ne m’écoutait pas du tout, trop occupée à engloutir son yaourt.

 « Kina ?

 — Un autre ! s’écria-t-elle.

 — Euh… Oui. » J’en extirpai un nouveau de mon avant-bras qui diminua de volume. « Tiens. »

 Elle cligna des yeux.

 « Je te mange ?

 — Non. Je puise dans ma matière. C’est tout. »

 Elle regarda le yaourt d’un air coupable, puis la faim effaça ses doutes et elle l’engloutit.

 « C’trop bon !

 — Oh oui, deviens bien grosse et grasse ! » ricanais-je, les crocs dénudés. Je couvris ma bouche à son air méfiant. « Pardon… »

 Moi et mes blagues…

 Arrivés au hameau, nous trouvâmes Chichi qui portait un enfant emmailloté dans un vieux linge et me lançait un regard courroucé. Ses joues portaient maintenant les marques des coups des bandits.

 « Mon amie », me présenta Kina.

 Elle négocia de la nourriture, or sa parente refusa aussitôt et nous demanda de quitter les lieux prestement. Alors elle lui proposa de partager les ressources de sa chasse future, une idée assez séduisante pour mettre à bas les murs de la paysanne.

 Elle nous laissa entrer dans sa minable cabane pleine d’outils, de couteaux de chasse, de crochets, de paniers d’ossements et de carcasses dépecées de petits animaux pendus au plafond. L’odeur âcre me picotait le nez, loin des délices de la bonne chair. Il y avait quelque chose de déstabilisant, ici.

 Nous étions attablées lorsqu’elle déposa l’enfant sur une chaise et s’en alla nous chercher des provisions. Le petit ne bougeait plus. Nous le fixions avec attention, car son odeur nous prévenait d’une ostensible perte de fraîcheur.

 Une victime des bandits ?

 « Où est l’autre ? » interrogeai-je Kina, incapable de sentir son odeur.

 — Quel autre ?

 — L’autre enfant.

 — Chichi n’a pas d’enfant. »

 Un frisson me parcourut. Je n’aimais pas les histoires d’horreur, et ça commençait à trop y ressembler à mon goût. Je voulais retourner chez moi !

 « C’est peut-être l’enfant d’un bandit ? » avançai-je.

 Elle haussa les épaules. Puis se leva. Elle souleva un pan de tissu marron et regarda la joyeuse frimousse du bambin, et devint livide. Elle me regarda, les yeux écarquillés, et gémit.

 « Un démon. »

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