L’amant capricieux
Au cours de ma longue existence, j’avais revêtu diverses formes. Je m’enveloppai à tour de rôle des plus beaux apparats, puis désargentée, je pris des allures très modestes, voire de délabrement. Les ères se succédaient et me dotaient d’un regard particulier selon leurs humeurs et leurs goûts. Mais laissons de côté les caprices de l’aspect pour parler des choses que je pus voir. Seuls les événements dont j’ai été témoin comptent dans le fond. Au temps des vaches grasses j’avais participé à l’enrichissement de quelques uns, ruiné d’autres. Au temps de l’infortune, je m’étais mise à faciliter les tractations entre des prostituées et leur clientèle. Des amours se sont épanouis puis flétris sous mes yeux, des haines farouches avaient brûlées sous l’arrosage constant de trahisons douloureuses de tout genres. Tant avaient-elles brûlées que les cœurs qui l’avaient éprouvé se calcinèrent pour laisser des poitrines béantes de rancunes ou pire encore, de véritables sépultures ambulantes.
Pourtant rien de tout cela ne rivaliserait avec les exactions de celui qui venait. L’Amant intemporel le plus puissant et le plus exigeant qu’il me fut donner à observer, se préparait à faire une nouvelle victime. Il sévissait sans vergogne dans tous les milieux: La pègre, les familles, les milieux cossus, ceux plus modestes, l’ordre, le chaos, même l’identité sexuelle et du genre lui importaient peu. Ses talents de séduction se révélaient universels. Il pouvait user de méthodes prosaïques comme d’artifices les plus sophistiqués. Le caméléon et son art du mimétisme faisaient pâle figure devant l’habilité du maître, le paon pouvait bien lui aussi ranger ses plumes aux hautes couleurs chatoyantes face à cet expert. La pire des choses était de goûter à ses lèvres appétissantes. Impossible d’en oublier la saveur tant elle empreignait durablement les papilles de sa délicieuse texture envoûtante. L’irréversible était de passer une nuit dans ses bras. Son emprise devenait alors aussi impossible à briser que des liens de sang.
L’air propageait son odeur enivrante ce jour-là. Il s’apprêtait à jouer son célèbre numéro de séduction. Classique, mais efficace. L’égo de la jeune personne se pavanant ça et là, irradiait d’un puissant prisme au rayonnement diffus. Il se propageait jusque dans les confins les plus reculés du territoire. Si vous étiez aussi un prédateur affamé apercevant cette proie qui ne demandait qu’à être vue, hésiteriez-vous à vous mettre en chasse? Comment refuser son attention à un être qui manifeste tant d’enthousiasme à votre égard? La scène m’était pénible à soutenir du regard tant lui résister s’avérait impossible, même pour ses victimes les plus pieuses. Que dire de celles dont les âmes l’imploraient, l’adulaient et se languissaient de sa présence? Difficile pour l’ultime séducteur d’en détourner son attention.
Pourtant, des squatteurs se trouvaient déjà là, les griffes profondément plantées dans la poitrine de leurs victimes, le fiel s’en écoulant, teintant d’encre sombre et indélébile, l’âme de la proie.
Oh pardonnez-moi, ai-je fait preuve de la prétention d’en être le seul témoin? Des consœurs issues de grains sablonneux de multiples origines et bâties dans différentes contrées, l’avaient aussi contemplé et le regardaient sévir encore et encore partout dans le monde, là où résidait l’espèce de ceux qui marchaient debout. Nous étions légion et à notre horde venaient se joindre des spectres. Des voyageurs invisibles à l’œil humain, qui circulaient à leurs guise à travers les portes closes et nos corps d’argile ou de béton. Certains étaient taciturnes. D’autres, de gentils farceurs ou encore, des génies de la confusion, mais tous craignaient les sept. A toute âme et tout corps à l’immunité faiblard, le talent de brutalité des sept ne résistaient. Ils régnaient sans partage sur le monde et dans le cœur de l’Homme depuis la nuit des temps. Leur immense arborescence généalogique, la flopée tentaculaire de leur progéniture digne d’un Kraken ferait passer le mot « innombrable » pour un sympathique euphémisme. L’amant ne disposait réellement guère de choix. Tout potentiel cœur à séduire était marqué du sceaux de l’un d’eux.
Mais assez parlé de ce que je pouvais observer de mes sens singuliers. Penchez-vous plutôt et contemplez la scène de vous-même par le trou de la serrure. Non, pas avec votre œil physique! Mettez de côté un instant vos sens communs façonnés par l’habituelle conception euclidienne de l’espace, un point de vue ô combien limité de notre univers et ouvrez votre œil de l’esprit. Apercevez-vous ce majestueux personnage élégamment vêtu qui se tenait fièrement au milieu de l’espace? Ne le trouvez-vous pas incroyablement irrésistible? Méfiez-vous de lui, sa facétie n’a d’égale que les grimaces d’un singe. Et celui qui entrait dans un courant d’air par l’âtre de la cheminée, aviez-vous déjà aperçu un visage aussi hideux que le sien? Sans doute pas, car bien que son existence même soit lié à celle de l’humanité, son être n’est guère de votre espèce:
-Que fais-tu ici?
-Je suis en chasse. Tout comme toi, je suppose.
-Non, pas du tout. Ce territoire et ces âmes sont chasse-gardés. Mais tu le sais déjà mon vieil ami! Tout le genre nous appartient, pas seulement ce jeune-homme...
-Je ne le sais que trop bien, mais rappelle-toi, partenaire, ce que nous avons accompli au fil des siècles. Imagine un instant ce que nous pourrions accomplir ensemble en ces terres, si tes frères et toi même, vous consentiez encore une fois à vous associer à moi!
-Je me rappelle surtout de ta volatilité. De plus, nous nous en sommes plutôt bien sorti jusqu’ici. Il est vrai que notre compagnonnage dans les colonies continue de produire ses fruits. Gourmandise se gave à outrance! Même pour lui, c’est plutôt embarrassant...
-Oui je l’ai entr’aperçu il y a quelque temps...il aurait bien besoin de lâcher du leste! A ce rythme là, lui et ses clients finiront emportés par une bonne vieille crise cardiaque!
-Nous préférons le terme d’ « hôte » à celui de « clients », mais tu le sais déjà!
-Clients, cibles, hôtes ou proies, au fond, ce sont différents mots pour qualifier la même chose. Ce n’est qu’une différence de nature sémantique! Mais je ne t’apprends rien de nouveau, il n’y a que le langage qui nous oppose. Toi et les tiens vous obstinez à employer des termes et des méthodes moyenâgeux. il faudrait songer à vivre avec votre temps! cette espèce-là aujourd’hui préfère vendre son âme pour gagner des clopinettes plutôt que d’être un réceptacle volontaire de causes, aussi nobles qu’elles soient.
-Sans commentaire. Aucun doute sur cet argumentaire... Mais tu sais comment sont les autres, surtout Paresse! Les grandes réformes ne sont pas trop son dada, puisque ça lui demanderait de faire des efforts pour appréhender de nouveaux concepts... tu sais de quoi je parle! C’est déjà assez difficile de le faire sortir du tas d’ordure qui lui sert de couche pour partir en chasse! Enfin peu importe. Sinon, qu’est-ce qu’il a de si spécial ce jeune pour que tu t’y intéresse?
-Son aura me plaît, c’est un parfait archétype de mon propos. Il ferait un excellent client... enfin, pour l’heure en tout cas. En plus, il n’a pas arrêté de m’implorer... Bien sûr votre asservissement est comme toujours d’une effectivité sans faille; c’est un fait indéniable. Mais toi et les tiens ne préféreriez-vous pas les voir systématiquement se jeter dans vos bras plutôt que d’avoir recours à des supercheries éphémères? Pourquoi lever un lièvre à la fois et à tour de rôle si vous pourriez les abattre par milliers voire par millions? Songe également au plaisir que vous prendriez à détruire un peu plus l’humanité en asseyant un système de servilité durable. Constituons des stocks, une réserve inépuisable et veule. Façonnons leurs désirs sur un modèle unique, rendons-les avides d’une richesse illusoire. Utilisons cette notion de bonheur dans cette richesse virtuelle pour les pousser à le désirer encore plus intensément, au point de fracturer leurs liens et leur humanité à terme! Laissons entendre que le progrès et la fortune résident dans l’exploitation excessive de ce qui précisément maintient leur existence...
-Intéressant procédé et belle tirade! Sérieusement, l’idée est séduisante; tu veux reproduire ici ton modus operandi de l’Ouest, un modèle qui nous sourit toujours, je dois l’avouer. Seulement où est le frisson pour nous dans ce cas de figure? Je crois t’avoir déjà mentionné le cas de Gourmandise qui ne passait plus les portes! Écoute mon ami, j’ai sincèrement apprécié ce que nous avons fait des peuplades du « Far West », mais tu connais notre style, nous sommes d’irréductibles bigots de la vielle école: Une âme à la fois!
-Il n’y a t-il pas un moyen de vous convaincre pour de bon de la viabilité de mon projet?
-Oh mais nous en sommes convaincus! Nul doute dans mon esprit de ce fait-là. Mais, au risque de me répéter, constituer une réserve de cette taille par conversion de masse nous a bien diverti une fois, mais l’heure est au retour à nos bonnes vieilles méthodes. Il n’y a rien de mal à suivre nos confortables traditions.
-A ta convenance cher ami. Si tu parles au nom de toi et de tes frères, alors je me retire sans faire de vague.
Les bûches embrasées crépitaient d’un rythme soutenu dans l’âtre, leurs incandescences vives en couleurs et en ardeurs éclairaient les deux protagonistes qui se regardaient à présent en chiens de faïences, chacun se tenant de part et d’autre de la modeste couche du jeune homme paisiblement endormi. Le sommeil de ce dernier était peuplé d’espoirs et de désirs de toutes sortes. Il était fort probable que le venin de l’un des sept se répandait déjà dans son organisme et que son cœur pompait à toute allure, ce sang fielleux vers son cortex cérébral, siège de la pensée et de la communication avec ses congénères.
-Quel gâchis, reprit le sublime Amant, -Il aurait pu être une réelle vitrine d’exposition, une référence qui en leurrerait d’autres vers nous!
-Comme tu dis, mais on se le garde celui-là! Ça m’amuserait beaucoup de le voir se cogner à des trompe-l’œil, Envie fait un travail d’orfèvre sur son spécimen.
A la prononciation de son nom par son frère, un être encore plus laid que le précédent, émana du corps de l’endormi dans un léger tourbillon d’air chaud.
-On parle de moi dans mon dos pendant que je suis à la mine? Demanda t-il en fixant son frère dans un petit ricanement.
-J’admirais juste à haute-voix la qualité de ton art... Au fait, regarde qui est venu faire de même!
-Inimitable comme toujours, ou plutôt comme jamais! Ajouta l’Amant à l’éclat de milles feux.
-Assez de flagorneries, que viens-tu chercher ici? Les globes qui servaient d’yeux au nouvel arrivant ressemblaient à deux marshmallows encore blancs, flambants de façon ininterrompue.
-Ce n’était pas de la flagornerie, je pense ce que j’ai dit. D’ailleurs, je crois bien que c’est ton ardeur que j’ai perçu dans ce jeune homme. Alors, comment c’est, à l’intérieur?
-C’est certes une pépite brute, mais il fera une belle pièce de collection lorsque nous aurons mis chacun nos touches personnelles.
-Je te crois sans grande difficulté. Que penserais-tu toi, d’un partenariat à l’image du passé? Ton frère n’a pas l’air très enclin à s’engager...
-Qui? Avarice ici présent? Es-tu vraiment surpris de sa réticence? Il nous fait toujours le coup, même à nous, ses frères et associés de travail. C’est dans sa nature!
-Bien sûr...
-Et quelle excuse t’a-t’il avancé cette fois-ci?
-Euh, je suis toujours là, avec vous, en ce moment même, dans cette pièce je vous signale!!! On pourrait arrêter de parler de « lui » comme s’il était invisible?
-Dur dur de t’ignorer comme tu essaies toujours de t’approprier tout le bétail! Sinon, Monsieur le Dom Juan, quelle affaire nous proposes-tu aujourd’hui? Une dictature dans le Sud? Une insurrection dans l’Est?
Le suprême Séducteur eût un tic nerveux en entendant ce surnom qu’il trouvait vulgaire et sans charme. Comment pouvait-on l’affubler d’un tel pseudonyme alors qu’il était, lui, majestueux et immortel?
-Ne le prends pas mal, c’était affectueux! Lui lança Envie en remarquant les grands signes et le « non, grand Dieu pas le surnom! » que faisait Avarice, prostré dans son coin, depuis que son frère avait repris la conversation en main.
-Je n’ai jamais aimé les petits noms, tu le sais bien. De plus, qui serait en position de causer ma perte? Je choisis et me défais de mes poulains à ma guise, je suis au commande!
-Oui tu as raison, je suis désolé, ça m’a échappé. Sinon, qu’est-ce que tu viens nous « vendre comme concept » en cette bien froide soirée?
L’amant se rengorgea aux excuses d’Envie et devant l’initiative de ce dernier à adopter son propre langage:
-En réalité ma proposition n’a rien de très innovant sinon qu’elle reprend notre chef-d’oeuvre de l’Ouest. Vous n’êtes pas sans savoir que ce modèle fascine et devient plutôt plébiscité de ce côté de l’océan et en ces terres également...
-Permets-moi de t’interrompre, tu es ici en terre de solidarité, penses-tu pouvoir effriter ce sentiment au sein de cette peuplade?
-Je dois avouer que j’étais moi-même un peu sceptique à ce propos, jusqu’à ce que je perçoive les fortes ambitions de ce garçon.
-Tu es sûr que ce n’est pas plutôt notre présence et notre travail que tu as perçu?
-Il y a sûrement de votre saveur dans les relents qui m’ont attiré jusque dans cette mansarde. Pourtant, il dégage naturellement un parfum qui, utilisé à bonne escient, amènera quelques uns à se joindre à mon initiative à travers lui.
-Je ne vois pas trop ce que tu essayes de dire avec ton langage imagé, mais tu as réussi à piquer ma curiosité.
-Je ne demande qu’à l’éveiller. A terme, ils se jetteront tous dans nos bras sans retenu!
Envie d’un naturel distrait, se curait ostensiblement l’un des deux orifices au milieu son visage hideux, probablement une narine et étala le contenu dans la chevelure brune, soyeuse du jeune garçon qui ronflait doucement.
-Arrête ça! Grommela Avarice en agrippant son frère par l’épaule. -Tu sais que c’est quasiment impossible de se débarrasser de la puanteur de tes crottes de nez!
-Justement c’est hilarant! Il se demandera toujours d’où ça vient! En plus, tu sais très bien comment ça marche, c’est toujours efficace de « marquer son hôte » pour en attirer d’autres!
-Un subterfuge dont tu n’auras plus à te servir avec ma méthode, intervînt l’amant qui observait la scène d’un air légèrement amusé.
Avarice qui s’était fait discret au cours de l’échange, tirait à présent Envie par le bras en direction de l’âtre.
-Allons nous concerter avant que tu n’aies la bonne idée de signer le contrat au nom de notre confrérie!
Envie fit donc ses au-revoir à l’amant et à son hôte, en prenant cependant une minute pour recouvrir quelques mèches supplémentaires de ce dernier, de sa visqueuse et putride morve. Leur envolée par la cheminée attisa les flammes et fit crépiter quelques décibels au dessus de la norme, les bûches couleurs vermillon. La rumeur s’en élevant, ne réveilla cependant pas notre dormeur que l’Amant contemplait de son air malicieux. Il s’assit un instant au bord de la couchette du jeune homme et caressa tendrement ses joues de ses gracieux doigts tout en lui murmurant:
-Patience mon cher enfant, je t’offrirai tout ce que ton cœur désire dans un avenir très proche. J’ai perçu tes appétits de grandeurs à des milliers de kilomètres! Ensemble nous ferons de toi un Roi, une personnalité que les tiens n’oublieront de si tôt! Les Sept ne pourront qu’acquiescer à mon projet, face à ton potentiel!
A ces derniers mots, l’amant s’évanouit en une légère brise, par les fissures de la mansarde.
Pendant ce temps, les Sept accomplissaient la tâche fastidieuse de mise bouteille du liquide pur de l’innocence collectée de leurs dernières victimes. Avarice se montrait taciturne et renfrogné, se qui portait crescendo sur l’humeur d’Envie:
-Qu’est-ce qu’il y a encore? Pourquoi me regardes-tu en coin avec ta mine boudeuse? C’est déjà ennuyeux de faire ce qu’on fait en ce moment, pourquoi rendre l’atmosphère encore plus lourde? C’est à cause de la morve? Tu sais bien que c’est compatible avec les six autres! On travaille en équipe, tu t’en souviens?!
-Bien sûr que je m’en souviens! Arrête de me le répéter tout le temps, je ne suis pas encore sénile!
A l’éclat de voix dans la cave, Gourmandise descendit tant bien que mal les marches en direction de ses frères, manquant un moment de tomber en avant sous le poids de son énorme bedaine. Il se mit donc à les appeler du haut de l’escalier pourtant très large:
-Avarice, Envie, que ce passe-t-il? Pourquoi vous disputez-vous? Oh Avarice, tu as encore enfoui une partie des stocks dans ta petite « cave personnelle »? Tu sais bien qu’il y en aura toujours assez pour nous sept!
Les deux frères se précipitèrent dans l’escalier pour aider Gourmandise à descendre les marches sans tomber sous l’effet de son poids. En voyant la centaine de bouteilles de la délicieuse et scintillante liqueur entreposées, gourmandise repoussa ses frères et jeta son dévolu sur l’une d’entre elles qu’il descendit d’une traite.
-Ah! Il n’y a que ça de vrai mes frères! Et tu as bien raison Avarice de te montrer aussi avide et territoriale, il y en a à peine assez pour nous sept finalement!
-C’est bien vrai, répondit Avarice en faisant mine de contrôler son humeur devant les deux autres. -Pourtant, Envie ici présent, souhaite contre toute attente, se mettre en solide partenariat avec M. l’ultime Séducteur...
Gourmandise manqua de s’étouffer en avalant de travers, à la mention de l’amant:
-Il est en ville!?! Depuis combien de temps? Il veut vraiment remettre ça? Demanda l’être imposant de difformité, en lâchant ces mots entrecoupés de gargouillis gras, dénués de toute élégance.
-Oui, il veut remettre le couvert et pas discrètement! Il avait l’air fasciné par notre nouvel hôte et à son regard, on aurait dit qu’il avait enfin trouvé la victime de ses rêves! En plus, il semble vouloir élargir le « concept » qu’on avait contribué à mettre en place dans le grand Ouest... Répondit Envie, non sans un certain enthousiasme.
-Mais alors, qu’est-ce qu’on attend pour l’épauler dans sa tâche!?! On était tous partant la dernière fois, non? Même toi, Avarice, tu as fini par céder, tellement l’opportunité se révélait alléchante! Trépignait à présent la gargantuesque montagne de graisse, en souriant de tout ses crocs.
-Si tu te souviens bien, mon frère, j’ai donné mon accord la première fois pour que cette entreprise se limite aux territoires du grand Ouest! Son désir d’expansion me pose quelques inquiétudes. Ne penses-tu pas qu’il y ait un risque d’effondrement sur lui-même dans un système dont le fondement même est une exploitation excessive de tout type de ressources, contenu comme contenant sans exclusion? Et par là, je veux parler des humains et de leur habitat. Personnellement, je vois clairement le moment où son avidité (et la notre par extension en lui offrant à nouveau notre aide) ne nous laissera que poussière et désolation en guise dernier festin!
-Ah tu me donnes mal à la tête avec ton discours alarmiste! Rétorqua une voix à peine audible parvenant de derrière l’étagère. Paresse, enroulé dans le tas d’immondices qui lui servait de couche, écoutait depuis le début la conversation de ses trois frères. Cet être noir de crasse ne prit nullement la peine d’apporter son point de vue à la discussion. Il préférait de loin se prélasser à en perdre le souffle dans sa putréfaction pour le moins confortable et ne réserver l’effort que pour la chasse. Mais puisque ces frères semblaient manifestement faire un débat de la question, il émit un profond soupir et dit d’une voix lasse, sans pourtant quitter sa litière:
-S’il veut se coltiner le plus dur travail comme la dernière fois, élaborer ses stratégies et ses machins pour qu’on puisse manger sans effort, pourquoi on l’en priverait? Et de toute façon, on aura le temps de voir venir, non? Ce n’est pas comme si l’espèce s’arrêterait de se reproduire si cataclysme il y a!
-Reproduction ou non, survivrait-elle à un cataclysme? Lui lança Avarice sur un ton acerbe.
Le soupir se fit plus las, Paresse estimant les débats et les confrontations qui pouvaient en résulter, extrêmement fatiguant.
-consultez les trois autres et recueillez leurs votes. Je me rangerais dans le camp de l’avis majoritaire. A défaut, je choisirais la solution qui demanderait les mesures les moins éreintantes. A ces mots, Paresse s’étira sur tout sa longueur, en prenant soin de bien écarquiller ses doigts jusqu’à ses orteils, tout en bâillant allègrement, avant de se rouler en boule à nouveau sur sa couche, en fixant le mur et en ne pensant à plus rien du tout.
Avarice le fusillait du regard dans le dos, Envie et Gourmandise se félicitaient d’avoir remporté la manche, puisque Colère, après avoir piqué sa crise, choisirait de se ranger du côté d’Orgueil, le Prince des sept. Ce dernier et l’Amant faisaient la paire, une compatibilité certainement inhérente à leurs personnalités respectives particulièrement complémentaires.
Connaissant donc d’avance quelle serait la teneur de l’avis majoritaire, il se mit à la recherche du capricieux Amant.
La froidure mordante de l’hiver pénétrait mon corps par toutes ses fissures. Vous l’aurez compris, je suis une demeure plutôt ancienne qui tient tant bien que mal face à la rigueur du temps et des moyens. Si j’étais de votre espèce, il y a bien longtemps que je déambulerais, sénile et radotant dans les couloirs de la vie, errant vers le seuil du trépas. C’était probablement ce qui m’arrivait ces derniers temps sans que je ne puisse l’admettre. Cependant, je souhaitais ardemment dévoiler ici, des événements de la plus haute importance. Prêtez l’oreille, ouvrez l’œil et ne manquez aucun détail car il y va de la pérennité de votre espèce. Avarice agissait selon sa nature. Cependant, ses propos ne laissaient aucun de nous, spectateurs muets, indifférents. Mon silence et mon impassibilité, je les ai brisé pour que vous connaissiez la totalité de cette singulière, néanmoins commune histoire: Avarice survolait le territoire à coup de grands vents particulièrement secs. Il se promenait dans les recoins du territoire pour retrouver l’Amant et tenter de le convaincre de son erreur quant à son ambition d’expansion. Ce dernier déjeunait avec un politicien à la terrasse d’un restaurant chic de la capitale, sous les traits d’un important industriel, tout en l’entretenant des intérêts que celui-ci et le gouvernement auraient à soutenir dans une brève apparition publique, un Etat dont le régime n’avait de démocratique que le nom.
-Ce serait une subtile et diplomatique façon d’étendre la zone des échanges commerciales à cet Etat et ses voisins. Dans la conjoncture actuelle, négliger ces potentiels partenaires économiques serait de l’inconscience, qu’en pensez-vous?
L’homme dévorait le contenu de son assiette tout en écoutant attentivement les précieux conseils de son « nouvel ami ».
En reconnaissant la présence d’Avarice qui avançait à présent dans un léger courant d’air vers lui, l’Amant s’excusa auprès du politicien:
-Le devoir m’appelle mon cher ami, j’espère que vous tiendrez compte de mes conseils lors vos prochaines décisions car il y va de la bonne santé des finances de votre chère institution! Et la note est bien entendue pour moi!
Poignées de mains vigoureusement secouées et note de restaurant réglée, l’Amant s’éloigna du champ de la visibilité humaine, Avarice sur ses talons, impatient de faire entendre sa position:
-Je vois que tu ne perds pas de temps pour t’insérer dans la sphère de ceux qui gouvernent en ces lieux! Argua Avarice avec humeur.
-Il faut bien se maintenir! Un état statique serait synonyme de mort pour un être de mon espèce. Rétorqua sur un ton calme le Séducteur. - De plus, celui-là n’est qu’un casse-croûte pour m’ouvrir l’appétit! Alors, que pensent les Sept de ma généreuse proposition? A en juger par ton air grave et désapprobateur, les six autres y adhèrent sauf toi!
-Bien observé. Je pense que tes ambitions présentent le défaut d’ignorer que les Hommes, aussi nombreux qu’ils soient, sont une ressource épuisable, au même titre que l’écosystème qui les abritent. Si tu te sers de l’un pour surexploiter l’autre, les deux finiront fatalement par disparaître; car là est ton dessein, n’est-ce pas? L’expansion du modèle de l’Ouest et le rendre global à terme. Rendre l’humain avide de toi en lui faisant miroiter un simulacre de félicité dans la richesse et la gloire. C’est bien ton style et il fait son petit effet, cela va sans dire!
-Je n’ai pas beaucoup eu à insister pour me rendre désirable à leurs yeux. Soit dit en passant, ton concours est et reste même crucial dans la création de cette alchimie, je parle bien sûr de ton autre facette, celle d’Avidité! D’ailleurs tu ne la laisse pas vraiment s’exprimer dans cet échange...as-tu peur qu’elle prenne le dessus?
-Il fallait que l’un de nous réfléchisse avec la tête froide aux conséquences de cette entreprise en bout de chaîne et la question que cette dernière révèle est la suivante: Faut-il pour nous, continuer à subsister en nous procurant le nécessaire au jour le jour selon l’ordre naturel ou te suivre dans cette folie qui, dans un premier temps nous offrirait mets à foison, mais in fine, entraînerait pénurie et désolation lorsque le gibier viendrait irrémédiablement à manquer?
L’Amant fit mine un instant de songer à l’interrogation d’Avarice, puis, passant lentement ses doigts dans sa magnifique crinière, il lui répondit:
-Tout d’abord je tiens à dire que ta question est particulièrement spécieuse pour ne pas dire tendancieuse. Pourquoi tant de pessimisme? Penses-tu réellement que des êtres aussi évolués et fin stratèges que nous laisserions la situation dégénérer au point qu’elle puisse devenir inextricable? Allons! Nous sommes les êtres les plus anciens et les plus puissants de l’existence et notre survie dépend aussi de la leur. Bien sûr que nous serons en contrôle total du trafic!
-Si tu le dis mon ami, si tu le dis, c’est que tu dois avoir raison. Nous prêterons main forte à ton initiative tout en restant dans l’ombre. Mais rappelle-toi de ces mots au summum de ta gloire et ne les oublie surtout pas: L’orgueil précède la chute.
-Orgueil!? C’est mon meilleur partenaire pour ce projet et tu sais bien que nous pouvons avoir une relation très fusionnel lorsqu’il s’agit de mon Business de séduction! Répondit l’Amant sur un ton mi-incrédule, mi-amusé.
Avarice, imperturbable, lui répéta une dernière fois sa mise en garde: Au summum de ta gloire, rappelle-toi que l’orgueil précède la chute. Sur ces dernières paroles, il disparût.
L’ultime Séducteur eût une crise de fou rire à cette mystérieuse phrase et à l’insistance d’Avarice. Comment Orgueil, son alter égo, son meilleur allié pourrait-il être à l’origine de sa perte? Mais peu importe si Avarice voulait se montrer contrariant et énigmatique. Ils allaient, lui et les Sept, régner sans partage sur le monde, généraliser le contrôle en soumettant le libre arbitre humain à l’autorité grotesque mais unique de l’argent au point de subordonner à terme, la survie même de toute l’espèce, à cette notion virtuelle érigée au rang de divinité.
Son idée était simple, façonner une organisation pyramidale du monde et donner à la classe au sommet, le monopole d’un système financier ubuesque. Lui, serait l’œil suprême au dessus de ce petit groupe soigneusement sélectionné, séduit puis remodelé par cette servitude volontaire déguisée en nec plus ultra de l’accomplissement personnel. Ceux-ci, contrôleraient les catégories en dessous d’eux, en imposant cette idéologie quasi-religieuse et déconnectée de l’économie réelle qu’est la prééminence des lois du marché global. Le stratagème avait fait ses preuves par le passé, sous des formes et des modes expressions différents, mais la recette restait inchangée.
Certes, la patrie des irréductibles de la solidarité serait difficile à mettre au pas, mais avec le concours des sept, nul ne lui résisterait! L’Amant avait déjà choisi ses cibles assez charismatiques pour bâillonner les récalcitrants; le jeune homme sous l’emprise des Sept faisait d’ores et déjà un excellent atout. Cependant, il lui fallait dénicher d’autres perles du même genre.
Non loin de là, dans le monde matériel, le jeune homme de la mansarde vivait la tête remplie d’espoirs d’ascension. Dans son sommeil comme à son état d’éveil, il s’imaginait gravir les pentes du mont de la réussite sociale à la limite de l’obsession. Puis, à l’observation du monde qui l’entourait, Thomas sentit grandir en lui au jour le jour, un sentiment qui allait le pousser vers les sommets. Ces confrères possédaient des statuts, des biens et des partenaires qui reflétaient la supériorité de leur rang et pour lui, admirer ces choses sans pour autant les posséder, enflammait son regard et ses entrailles d’une convoitise démentielle.
-Il me faut toutes ces choses-là, se répétait-il comme un mantra, en se coiffant devant le miroir tous les matins et en se brossant les dents tous les soirs, à l’heure du coucher. Chaque sourire, chaque soupir, chaque regard, chaque émotion qui l’animait, était une expression de ce désir inextricable. Le jeune homme se débattait sans discontinuer pour l’assouvir, jusqu’à l’instant ou le sort lui sourit enfin: L’Amant vint frapper à sa porte.
-J’ai l’impression de te connaitre, dit à voix haute Thomas sans se retourner, en s’adressant à l’invisible présence qu’il percevait néanmoins derrière lui, - Je reconnais ton aura, ajouta t-il en se fiant à son impression de déjà-vu.
-Oui nous nous sommes déjà rencontré, mais c’est la première fois que je me dévoile à toi sous ma forme primaire. Mais tu es spécial et si tu m’accorde ta confiance, notre union t’apportera renommée et ceinture dorée, lui répondit l’Amant dans un léger souffle qui fit doucement frémir d’exaltation le jeune homme, instantanément sous le charme. La petite brise envoûtante se promenait à présent dans la chevelure du garçon jusqu’à la racine à la base de sa nuque.
-J’ai entendu ton appel et je consens à te venir en aide. Un potentiel comme le tien devrait être apprécié, soutenu et cultivé. Je t’élèverais au-dessus de tout ceux qui te méprisent et t’ignorent. Tu deviendras leur gourou, crois-moi, car j’ai les moyens de faire de toi un prince. Ce dernier mot fit accélérer les battements de cœur de Thomas au point de frôler la crise cardiaque: Lui? Un prince? C’était la chose la plus folle à laquelle il ne s’était jamais autorisé à rêver, hormis à cet instant précis. La graine de l’idée à peine semée dans la terre fertile de sa pensée que ses minuscules racines subissaient aussitôt une vertigineuse poussée de croissance en s’enchevêtrant durablement dans l’esprit du jeune homme.
-Que dois-je faire? Quand commençons-nous? De quoi vais-je avoir besoin pour réussir cet exploit? Demanda t-il fébrile, les tempes battantes et les pupilles dilatées, irrémédiablement sous l’envoûtement de cet être si doux.
-Patience, tu sais ce qu’on dit: toute chose arrive à point à celui qui sais attendre! La caresse du souffle dans sa nuque lui parcourait à présent l’échine et le frisson en lui grandit.
Thomas laissa échapper involontairement, un léger gémissement qui ravit l’ultime séducteur; un client de cette qualité se montrant aussi réceptif, que pouvait-il espérer de mieux pour planter son étendard et développer sa marque en ces terres? Il faisait d’ores et déjà figure d’égérie potentiel pour y vulgariser son idéologie. Néanmoins, il tempéra les ardeurs de son poulain, car un excès de zèle de la part de ce dernier et l’entreprise s’effondrerait comme un château de carte. Discrétion et anonymat étaient les mots d’ordres en période de négociations et le secret des affaires se révèlerait un excellent verrou qui tiendrait ses détracteurs à l’écart des réels rouages de son activité.
Le jeune homme quant à lui, se sentait plus sûr de lui-même que jamais. Il s’éprenait à une vitesse vertigineuse de cet être qu’il ne pouvait voir de ses yeux et chacun de ses murmures lui inspirait passion et un indescriptible sentiment de bien-être. Jour après jour, ceux qu’il avait regardé d’un œil envieux, la position et les choses qu’il avait convoité, venaient à lui sans qu’il eut à déployer d’effort colossal. L’Amant invisible lui souriait chaleureusement et plus rien tout autour n’avait d’importance. Il voulait passer chaque seconde du reste de son existence en sa compagnie, son désir brûlant se muait peu à peu en addiction.
Mais l’ultime séducteur était de nature volage; il ne pouvait se contenter d’une cible. De plus, dans l’intérêt de son projet, quelques uns évoluant dans d’autres sphères que celle de ceux qui gouvernent (Dont Thomas faisait maintenant parti), devaient encore lui tomber dans les bras. Les Sept quant à eux, tenaient parole en préparant les âmes adéquates et les mettaient à disposition de l’Amant.
Victor avait toujours faim. Il ne manquait guère de nourriture sous son toit et ses revenus lui permettaient d’assouvir ses besoins sans se ruiner. Pourtant, la faim ne le quittait pas. Son arrogance le rendrait méprisable aux yeux de quiconque était capable de regarder sous sa carapace. Cependant, la laideur de sa personnalité se trouvait efficacement masqué par un charisme surprenant. Sa stature plaisait au commun des mortels et le fait qu’il évoluait dans les sphères des affaires et du divertissement, attisait beaucoup d’intérêts autour de lui. Son élocution n’avait rien de particulièrement irrésistible, mais un important nombre y admirait une certaine éloquence. Il ne possédait aucun don particulier pour les affaires, mais son intérêt pour la notoriété et le public qui s’y rapportait, lui valût l’acquisition d’alliés de tailles. Il ne possédait pas de fortune significative, mais ses alliés dans la sphère qui gouverne la lui offrirent sur un plateau d’argent. Mais sa faim ne faisait que grandir sans discontinuer jusqu’à ce qu’il reçoive lui aussi, la célèbre visite de l’Amant:
-Bonjour Victor, me reconnais-tu?
L’homme eût un mouvement de panique en voyant le vide s’adresser à lui. Cependant, un sentiment de bonne augure et d’apaisement l’envahirent à la familiarité de la présence. Tout ce qu’il pût obtenir jusqu’à cet instant précis, Victor ne pouvait se l’expliquer, mais il savait d’instinct qu’il le devait indubitablement à cet être invisible.
-Oui, mon instinct me dit que ton influence n’est pas étrangère à mon état. L’Amant lui sourit doucement puis repris:
-Tu te trompes, je ne suis pas à l’origine de ta faim, tu devras t’en prendre à Gourmandise, Envie, Avidité et peut-être même à Luxure quant à ta propension au divertissement à outrance et à ton goût pour les belles et jeunes plantes!
-Ce sont vraiment des êtres qui existent ou tu te fous de moi!?
-Il y a encore une seconde, tu ignorais mon existence mais je me tiens bien là, devant toi sous ma vrai forme.
-Mais ce ne sont que des émotions humaines!
-Tu as raison, en un sens ils le sont. Cependant, comment expliques-tu qu’ils soient dévorants chez certains et à peine décelable chez d’autres? Crois-moi, ils sont bien réels. Ajouta L’Amant en tournant d’un pas léger, autour de Victor. - Bien sûr, certains humains comme toi-même présentent...comment dire...des dispositions naturelles qui en font des cibles idéales pour eux comme pour moi. Mais assez parlé des Sept...
-Ils ne sont que Sept!?
-Oui, mais ils possèdent une nombreuse descendance qui se charge de leurs viles tâches. Ne t’inquiète pas pour eux, lui murmurait le grand Séducteur à l’oreille.
Victor comptait répondre qu’il ne s’en faisait nullement lorsqu’il sentit tout à coup un doigt, probablement l’index de l’Amant sur ses lèvres:
-Chuuut... silence mon tout beau! Je viens t’apporter mon soutien en cette période délicate pour toi. Je sais que tu fais en ce moment face à des incertitudes en ce qui concerne tes affaires. Les procès que l’on t’attente risquent de te faire perdre pied et ton business périclite de façon inquiétante dans le même temps.
-Tu es au courant de mes déboires judiciaires? Demanda Victor, incrédule. Comment tout cela était possible? Il existerait un monde parallèle au nôtre, peuplé d’une multitude d’êtres invisibles qui tiraient les ficelles et manipulaient à leur guise notre quotidien ici-bas?
-Bien sûr mon Cher enfant! Je ne perds jamais de vue mes petits prodiges et protégés, tu sais...Affirma L’Amant en touchant du bout de son index, la pointe du nez retroussé de son interlocuteur. -Assez de ce petit bavardage! Ne désires-tu pas mon aide pour résoudre ton dilemme?
Victor, encore bouleversé par la prise de conscience de ce monde infini qu’il méconnaissait, repris doucement ses esprits pour agiter vigoureusement la tête en signe de « oui ».
-Alors il te reste une dernière chose à faire. Te débarrasser de tout scrupule et te vendre à n’importe lequel des membres de la classe politique sans distinction de bord idéologique.
-Il y a longtemps que je me suis débarrassé des scrupules! Ou serait-ce l’effet des Sept?
Sur ces mots, l’Amant ricana sans retenu, accompagné joyeusement par Victor, ce dernier, s’étant vite accommodé de l’idée d’être sous l’influence de forces qui dépassaient son entendement. Quitte à être damné, autant profiter des avantages qui étaient offerts dans leurs totalités.
Le Séducteur reprit air sérieux et poursuivit:
-Tu es perspicace. C’est le trait de caractère qui m’a à l’origine attiré chez toi. Quant à tes soucis, j’ai une solution qui pourra les faire partir en fumée. Un autre de mes protégés sera capable de t’aider à enterrer les poursuites judiciaires. Ta fortune en sera même décuplée et tu pourras continuer à assouvir des désirs.
Il faut cependant que tu sois prudent et discret. Il ne faudrait pas attirer l’attention de la plèbe! Elle pourrait causer ta perte si elle venait à prendre connaissance de votre « petit arrangement »!
-Je saurais me montrer discret...
-Si tu le dis. Coupa net l’Amant. Saches juste qu’il est dans ton propre intérêt que cette affaire ne fasse pas les choux gras dans la presse. Tu as peut-être un charisme qui a fait son effet sur la plupart, cependant, n’oublie pas qu’ils ne sont pas tous fait du même bois!
-Je saurais me tenir tranquille, tu as ma parole!
-Bon, il est temps pour moi que je m’en aille. Surtout, tiens-t’en au plan et tout ira bien. Thomas et son précieux entourage te seront d’un grand secours, mais il est impératif que vos liens ne s’exposent pas outre mesure à la lumière du jour. Sur ces derniers mots, l’Amant pinça affectueusement le nez de Victor et s’évanouit dans les airs.
Thomas!? Pensa Victor. Tout devenait à présent limpide: Son ascension fulgurante plutôt inattendue, sa démarche de vainqueur, sa soudaine popularité et son habileté nouvelle en politique. Décidément, l’Amant avait un don pour dénicher des perles!
Thomas fit ce qu’il était sensé faire. Il prêta main forte à ses amis et précipita à l’occasion, ses ennemis dans le fossé. Son entourage lui rendait bien ses bonnes grâces: Ses proches le défendaient becs et ongles devant les attaques de ses dénégateurs et le soutenaient activement dans son ascension vers les sommets. Soirées fastueuses, rencontres avec des hauts-dignitaires, pactes d’intérêts mutuellement bénéfiques, discrètes valises remplies de sommes liquides pour assurer les besoins de campagnes électorales et à l’occasion, « graisser la patte » de qui de droit, devenaient presque monnaie-courantes.
Lorsque la Femme de Thomas se décida à aller vivre pleinement son idylle avec son amant, ce dernier ne se laissa pas démonter. Son nouveau rang lui permettait après tout de s’attirer les faveurs d’une beauté célèbre, un accessoire nécessaire pour compléter son attirail d’homme puissant.
Lorsque d’anciens alliés devenaient au fil du temps, un poids plutôt qu’un atout, Thomas n’avait plus aucun état d’âme à s’en défaire, de quelques manières que ce soit. Ce serait bien ingrat de sa part, pensait-il, de faire peu ou mauvais usage du somptueux présent que lui avait fait l’Amant en sa personne.
L’Amant pendant ce temps, continuait d’agir selon ce que sa nature lui dictait. Tantôt il passait quelques semaines à séduire un industriel désargenté en lui offrant comme salut, de corrompre quelques dictateurs dans le Sud en leurs promettant pérennité et partage de bénéfices sur l’exploitation des richesses naturelles de leurs concitoyens, contre les droits illimités d’usages de ces fameuses ressources. Tantôt il persuadait un autre de faire l’acquisition de groupes médiatiques pour détenir le contrôle de son image publique et de celle de ces partenaires d’affaires. L’Amant passait des jours, des années, des décennies à collectionner les aventures et à conquérir des cœurs noircies par l’influence des Sept, dans le dessein ultime de parfaire son système pyramidal que le temps passant, lui donnait au fur et à mesure raison:
La masse de la base se montrait ignorante des activités dans les sphères supérieures. Elle s’aliénait et s’enlisait dans la propagande soigneusement étudiée et dispensée à leur égard, s’endettant dans l’espoir de ressembler à ceux qu’ils admiraient, consommaient volontiers ce que l’on leur dictait de consommer, appréciait avec engouement ce que le tout puissant marché leur exigeait d’apprécier.
La classe dirigeante elle, était aux commandes grâce une formidable déconnection entre le réel et le virtuel, à l’instar des icebergs de l’arctique qui se fendaient et se séparaient sous l’effet des changements climatiques: Les règles et les besoins du marché virtuel s’éloignaient de celles qui devait faire vivre l’économie réelle. L’on écartait de plus en plus l’intelligence et le savoir-faire humain pour confier à des algorithmes le contrôle du macrocosme; la logique étant: Le moins de personnes seraient conscientes du fonctionnement du système, le mieux et le plus longtemps elle pourraient exercer leur supériorité sur la masse.
Les irréductibles croyants de la solidarité au sein des Hommes, observaient leurs nombres se réduire en peau de chagrin. L’Amant triomphait et ses acolytes temporaires devaient probablement jubiler eux aussi, quelque part dans leur repère. Le Séducteur réussissait son pari de généralisation de sa désastreuse idéologie.
Des Hommes mourraient tous les jours par milliers en son nom, les réserves que la nature avait créé pour préserver la vie au sein d’elle, disparaissaient à une allure effroyable.
Les Sept se relaxaient dans leur sinistre demeure. Même Paresse alla chercher en lui la force de s’extirper de sa confortable crasse pour partager un moment de détente entre frères. Ils avaient décidé de regarder une projection télévisée de notre monde et d’en admirer le travail commun réalisé avec l’Amant. A la minute où le programme fût mis en route, une publicité pour de l’équipement sportif dont la marque était très prisée, défilait sur l’écran (une marque ayant appartenu à Victor), un immense aquarium de verre remplie à ras-bord du liquide scintillant des innocences volées.
-Gourmandise, arrête de siphonner le liquide, on risque de perdre la retransmission! En plus, tu sais bien qu’on en a encore plein la cave à ne savoir quoi en faire! Pourquoi il faut toujours que tu t’abreuve du contenu de la télé!? Cria Envie à son frère qui sirotait allègrement à même le bocal géant. Envie brulait de connaitre le sort de leurs hôtes, mais surtout, comment l’Amant s’y était pris pour mettre à profit leurs talents.
-Ah la publicité et les médias! S’exclama gourmandise en revenant s’assoir dans le canapé auprès de ses frères, -rien de tel pour pousser à la consommation! Je crois bien que c’est le stratagème du Séducteur que j’apprécie le plus! Une barre chocolatée par-ci, des burgers bien gras par-là avec des slogans accrocheurs et le tour est joué!
-Il n’y a pas que la bouffe dans la vie, tu sais? Lui lança Luxure, assis tout au bout du canapé. -La publicité et l’industrie médiatique sont excellents pour mon business aussi! Combien de jeunes ingénues, gavées continuellement à l’aide d’histoires de réussites fulgurantes d’inconnues au cinéma ou encore dans des émissions de télé-réalité finissent dans l’industrie de la pornographie, inspirants concupiscence à des millions de mâles à travers le monde? Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres! Ce type est un génie!
-Orgueil aussi devait l’admettre. Son alter-égo, l’Amant était un excellent stratège: Il avait le nez creux pour repérer les bonnes proies, se servait de secteurs d’activité qu’on ne soupçonnerait pas nécessairement porteur d’essor de son modèle et son habileté d’utilisation de l’influence plein de vices des Sept sur l’humanité ne cessera de l’émerveiller. Et quelle faculté d’adaptation! Pendant qu’eux avançaient dans les âges, imperméables aux changements des sociétés, le Séducteur rivalisait d’ingéniosité pour maintenir son attractivité.
-Je dois admettre que je suis d’accord. La publicité et les médias sont un outil qu’il a su bien exploiter. Rien n’est plus flatteur d’égo que l’intérêt que la masse porte à un individu à travers des articles de journaux ou des portraits de tabloïds. C’est en plus une arme à double tranchant: Ceux dont la popularité est déjà assise éprouvent de l’exaltation à être perpétuellement sous le feu des projecteurs et ceux qui ne le sont pas, le désirent plus que tout, au point de commettre parfois l’innommable pour quelques instants d’attention. Même Colère doit admettre que l’outil sert assez souvent à promouvoir sa cause!
L’être perpétuellement renfrogné, majestueuse spirale de tempêtes du ressentiment et de la haine, fit une moue approbatrice:
-Il n’y a pas à dire. Il a vraiment capté mon essence! Discorde et fureur règnent partout dans le monde et se relayent en quelques minutes par les médias qui les propagent comme une traînée de poudre! Sa méthode est vraiment sans faille.
Paresse, comme à l’accoutumée, écoutait silencieux ses frères encenser l’habilité de l’Amant. Il devait lui aussi, en convenir: Jamais il n’avait réussi à attraper autant de proies sans lever le petit doigt! Le merveilleux système du Séducteur poussaient les humains au sommet de sa pyramide, à encourager une standardisation généralisée de tous les secteurs de la vie sur un modèle de clientélisme dont celui-ci raffolait. L’on cherchait avant tout la simplification et la robotisation des tâches de toute nature et dans le domaine du possible, tout en privant ainsi un grand nombre, d’emplois au fil du temps. Optimisation, satisfaction du client, amélioration des rendements... les vendeurs-acquisiteurs des biens et services n’avaient que ces mots à la bouche et pendant ce temps, la masse vivant dans la précarité s’élargissait à vue d’œil et beaucoup abandonnaient le combat de la vie, en restant dans leurs lits, sceptiques quant à l’avenir. Pourquoi essayer? Les dés étaient pipés dès le début. De l’autre côté, il y avait ceux qui amassaient des fortunes considérables grâce à leurs titres ou leurs renommées, tout en ne faisant rien du tout. Il était très difficile de faire exprimer quelconque point de vue à Paresse mais il devait l’avouer, Il féliciterait l’Amant en personne, lorsque leur chemin se croiserait à nouveau!
Pourtant Avidité se montrait sceptique. Lui qui pourtant, prît la place de son autre identité, Avarice, pour peser de tout son poids dans la balance, se demandait à présent si la cupidité dont l’Amant et ses soupirants faisaient preuve, ne serait pas, à terme, catalyseur d’un probable effondrement, voire un réel danger pour la survie de l’espèce qui les nourrissait.
-On ne t’entends plus beaucoup en ce moment Avidité. Dit Orgueil en levant un sourcil devant le silence inattendu de celui-ci. C’est bien toi qui était le plus enthousiaste quant à notre association avec l’Amant. Tu étais même plutôt pro-actif!
-Tu dis vrai mon frère...Mais maintenant je me demande si ça n’a pas été une erreur de jugement de ma part...Avarice avait peut-être vu juste. Si ce n’est pas la masse qui s’arme de pics et de fourches pour provoquer la fin de l’ordre que l’Amant a façonné, c’est la nature qui baissera les bras, en entraînant la disparition de toute l’espèce...
-Qu’est-ce qui t’arrive?! Demanda Gourmandise, tu essaies de te faire passer pour Avarice ou quoi? On sait que vous êtes les deux faces d’une même pièce, mais question apparence et personnalité c’est le jour et la nuit!
En effet, autant Avarice présentait un aspect qui incitait à se tenir à l’écart, autant Avidité était un fascinant trou noir de magnétisme malgré sa laideur.
Son visage était un brasier qui décuplait toute passion, son abdomen, un abîme tourbillonnant d’ensorcellement; un vortex puissant. Il ne répondit pas aux propos cyniques de son frère. Il venait cependant de prendre une décision: Il devait sommer Avarice pour que ce dernier émergea de la léthargie dans laquelle son propre éveil l’avait plongé.
Les choses tournaient mal au pays du bonheur éphémère créé par l’Amant: Quelques voix au sein de la masse s’élevaient pour de bon contre la classe supérieure. La porosité entre la caste des puissants industriels, gourous du marché et celle de ceux qui dirigent se retrouvaient pointée du doigt, tant elle suggérait aux uns et aux autres, des idées de corruptions. Les liens qu’entretenaient les membres de cette caste dirigeante d’avec celle qui rendait la justice, cultivaient l’impunité et un croissant phénomène d’irresponsabilité qui commençait à faire grincer des dents. Tout cela créait un effet de répulsion grandissante entre les protégés de l’Amant et le reste du monde. Ce monde mis à l’index, commençait doucement à gronder contre son asservissement à un système dont la décadence lui paraissaient de plus en plus limpide, un système qui les poussaient à consommer sans cesse des produits soient toxiques soient programmés à l’obsolescence, un système qui se servait de la liberté individuelle comme d’une poudre aux yeux, en recouvrant l’intérêt des nantis de cette séduisante notion.
Les subterfuges de l’Amant pour préserver ses secrets d’alcôves subissaient de grands coups de marteaux, pourtant il tenait bon. Certains de ses protégés se retrouvaient néanmoins pris dans la tourmente: Victor qui avait remporté ses procès grâce à un choix délibéré de justice privée, fut rattrapé par sa cupidité et son extravagance lorsque la justice du peuple décida de reprendre ses droits. La colossale fortune que le précédent verdict lui avait accordé au détriment des biens communs à chacun de ses concitoyens, lui fut réclamée pour restitution.
Jean, un doux rêveur qui pensait berner son auditoire en amassant et dissimulant une fortune sans en reverser les dûs à l’institution publique qu’il servait, fût rattrapé par ses mensonges et sa tromperie pas la même justice publique.
Quant à Thomas, ayant réussi longtemps à déjouer les poursuites en mettant toujours entre lui et ses méfaits, quelques intermédiaires, il éprouvait récemment beaucoup de mal à se défaire du lien qui l’avait uni au défunt dictateur qui fît de lui jadis, un prince, grâce à quelques billets dans des mallettes, procurés à l’abri des regards. Mais pouvait-on vraiment lui en vouloir? Son curseur moral était si fortement ébranlé par les soins de l’incroyable Séducteur, à tel point que si l’on voulait encore s’y référer, l’ignominie serait tolérée.
Son entourage immédiat n’était pas épargné par cette tourmente: l’un, parlant du bout des lèvres, clamait l’origine claire de tout soupçon de ces biens, l’autre jouait sur la non-clarté des règles sur les rapports entre activités publiques et finances privées pour préserver sa renommée.
Où s’en était allé le séducteur? Pourquoi les abandonnaient-ils? Ce fut en ignorant la nature volatile du précieux Amant qu’ils avaient fait leurs lits. Celui-ci se prélassait déjà dans des draps avec d’autres, plus vigoureux, plus ardents dans leurs désirs, plus fourbes, plus jeunes.
Pendant que l’Amant capricieux faisait de nouvelles victimes et causaient des dégâts collatéraux par milliers, peut-être même des millions de plus à travers l’espace et le temps, ces anciens amants disparaissaient dans l’oubli aussi vite qu’ils avaient brillé. Il avait la force de façonner des destinées et de défaire des vies. Maître séducteur de tout les temps, il revêtait des aspects multiples selon les ères et se métamorphosait selon les milieux, mais son emprise universel était et restait le même. Il possédait autant de nom que de langues à la surface de la terre, mais vous le connaissez sans doute sous le très ravissant nom de « Pouvoir ». Les pauvres humains qui en firent l’expérience, apprenaient dans la douleur et le ressentiment que son intérêt pour eux demandait un lourd tribu. Parés de sa force, ils étaient invincibles; défaits de cette dernière, le discrédit les faisaient généralement gazouiller maladroitement comme de petits enfants.
Pouvoir, car tel était son nom, ne décélérait pas dans la poursuite de ses desseins. Il séduisait, imperturbable, charmait de ses belles paroles et faux joyaux de façon implacable. Ne pas ralentir, être en mouvement perpétuel, persévérer dans l’innovation. Commencer une nouvelle activité lorsqu’une précédente commençait à montrer une quelconque défaillance. Réformer sans cesse pour garder l’illusion d’être en marche; là résidait la clé du succès. Mais son système s’enrayait et se fissurait de toute part. Aussi virtuelle et loin des réalités quotidiennes qu’il avait pu rendre la sphère monopolisant le contrôle des humains et des biens, il n’avait pas réussi à se passer de l’exploitation abondante de l’un et de l’autre pour se maintenir. Les révoltes se généralisaient à l’image de sa persistance à rendre son modèle global. La nature qui procurait subsistance et toit aux Hommes, souffrait de sa massive sollicitation, mais aussi de sa lente destruction. L’Amant se décatissait sans s’en apercevoir, mais croyez-moi, vous vous rendrez compte très vite vous aussi qu’il s’étiolait bel et bien.
A quelle époque sommes-nous? Dites-le moi je vous prie, car j’ai perdu toute notion de temps. J’aperçois à présent, un immense champ de ruine tout autour. Même mon corps, me semble-t’il, est réduit à son état originel; vaporisé en grains de sable et de poussières. L’entropie est une notion universelle intrinsèque à toute création et rien ne semble échapper à cette règle. J’ai fini par rejoindre le rang des invisibles. Il me reste cependant ma conscience et mon existence immatérielle pour vous confier l’épilogue de mon témoignage, celle des derniers instants de l’ultime Amant. Celui-ci, autrefois flamboyant, dévorait à présent lentement et péniblement sa propre chair, ayant poussé son vice à un point de non-retour. L’air se fit soudain menaçant, le ciel grondait et la terre en tremblait. Au centre de cette tumulte apparût Avarice, émergeant des entrailles de son alter-égo, il se pencha sur le corps agonisant de Pouvoir pour recueillir ses derniers instants.
Le contemplant d’abord d’un visage stoïque, il eût un petit rictus en l’approchant de plus près pour lui murmurer à l’oreille:
-On ne peut pas dire que je n’ai pas fait mon possible pour te dissuader de cet accord dès le premier jour!
Se relevant, il continua son monologue en ces mots:
-Les bonnes vielles méthodes, il n’y a que ça de vrai, la damnation de masse précipite l’extinction de masse. C’est de la logique élémentaire! « L'action est toujours égale à la réaction ; les actions de deux corps l'un sur l'autre sont toujours égales et de sens contraires ». Tu te rappelles? C’est une loi physique élémentaire! En plus, on ne pouvait décemment pas te laisser faire. Te souviens-tu de la phrase que je t’ai dite à notre toute dernière rencontre? Demanda Avarice à l’Amant doux-amer.
-L’orgueil précède la chute! Hurla Pouvoir dans un râle de douleur déchirant.
-L’orgueil précède la chute!!! Cria Avarice en l’imitant. - Ou plutôt, « Orgueil précède ta chute »... Ce que c’est que le destin! Ton alter-égo est à l’origine de ta déchéance! Tout ceci ne manque pas d’une certaine...comment dirais-je? Une certaine poésie, ne trouves-tu pas? Au fait, il s’excuse, mais il n’a pas pu se libérer pour te rendre ce dernier hommage!
Maintenant que tu fais l’expérience de sa cruauté, penses-tu encore à lui comme ton meilleur allié dans ta quête?
Pouvoir n’eût guère le temps de répondre, car ses derniers lambeaux de chairs fondaient sous l’orage comme si celui-ci se constituait de minuscules particules dont l’acidité était caustique, laissant ainsi, la question d’Avarice suspendue dans les airs.
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