Peut-on reprocher à la philosophie d'être inutile ?

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L’écart entre le besoin quotidien d’efficacité et le recul abstrait du philosophe est connu. C’est cette distance qui pousse toute personne commençant cette discipline à s’interroger de l’utilité de celle-ci. On la suppose improductive et cela se transforme inévitablement en reproches.

En effet, si on définit la philosophie comme la recherche abstraite de la vérité, on peut supposer que matériellement parlant, elle est inutile. Pour autant, peut-on reprocher à la philosophie d'être inutile ? On peut voir que dans l'histoire des exemples tendant à montrer son influence sur les choses. Cette discipline, qui fut pratiquée sous plusieurs formes sans discontinuité, du quatrième siècle avant Jésus-Christ à nos jours serait donc sans intérêt. Cet aspect inutile est donc assez controversé. Le fait que la philosophie soit une recherche théorique de la vérité appuie pourtant son aspect inutile. En outre, on ne peut donc pas être certain que l'on puisse reprocher à la philosophie d'être inutile.

Pour prouver cette hypothèse il faudrait deux conditions : qu'elle soit effectivement inutile et que cette inutilité soit un défaut . Il faudra donc dans cette réflexion définir un objectif à la philosophie mais aussi étudier la possibilité qu'elle soit effectivement inutile et que cette inutilité soit un défaut donc un reproche. On ne cherche pas ici à trouver un intérêt à la philosophie mais quelles valeurs peut-on lui attribuer physique, morale ou étique.

Si l'on définit la philosophie comme une recherche de vérité c'est lui donner un but, un objectif. Or, si elle poursuit un objectif, on peut la considérer comme utile. Pourtant l'utilité se définit pour un objet que si cet objectif est clairement défini. On peut donc relever que la philosophie ne se limite pas à des objectifs tels, clairs et fixe. En ce sens, on peut la qualifier de discipline visant à être utile ce qui est absolument différent.

Pour définir la réflexion philosophique, je citerai Confucius "Je ne cherche pas à connaître les réponses mais à comprendre les questions".

Définir la discipline qu'est la philosophie par la rechercher de la vérité démontre son aspect purement contemplatif. C'est un mouvement dont l'histoire et constamment changeante et permet une certaine progression. Pourtant, malgré cet aspect très abstrait on ne peut pas pour autant dire qu'elle est inutile grâce au innombrable exemple de sa conséquence sur nos réflexions et notion d'aujourd'hui : Kant dans son projet de paix perpétuelle, illustrera le concept de société des nations qui sera, pour nous, l'ONU; pour rallier la science je présenterai Démocrite qui fut le premier à parler du concept de l'atome qui nous permet de démontrer de nombreuses notion de physique à notre époque ou encore Thalès et Pythagore pour les mathématiques.

On trouve par ces exemples encore des critères d'utilité puisque que tout ce qui est utile permet de changer les choses par la progression. Il semblerait donc que la philosophie soit utile.

Enfin, on peut pointer l'aspect d’intérêt pratique et morale de la philosophie tel le fait de diriger sa vie du mieux possible en évitant les erreurs. Certes la philosophie est une réflexion abstraite idéologiquement mais on peut aussi la voir comme une activité demandant et permettant un changement d'attitude vis-à-vis du monde et une meilleure connaissance de soi par de nombreux concept comme : la pensée critique, la conscience, l’inconscient, l'amour, la liberté, le bonheur, le désir, la religion, l'art, ect. Sans oublier que la philosophie a eut une influence sur le cours de l'histoire avec les philosophe des Lumières au dix-huitième siècle ou encore le travail de Descartes sur la perception du "moi" et le développement personnel avec, je cite : "Je pense donc je suis". La libération sociétale est due à la philosophie où elle prend source.

Le reproche fait à la philosophie d'être inutile alors qu'elle ne l'est pas est une injustice. D'après les arguments ci-dessus, il semblerait que ce ne soit pas le cas. Pourtant de nombreuse personnes sont sceptiques sur son utilité c'est pourquoi l'analyse sur son rapport avec la vérité dois être plus poussée.

En outre, parler de "recherche de vérité" est insuffisant et vague ; il faut donc définir cette recherche.

D'un point de vue étymologique, la philosophie désigne l'amour et la sagesse. Pour autant, placer cette vérité sous le signe de l'amour , peut signifier une insatisfaction propre à la notion amoureuse qui peut être "Eros, Agape ou Phileo". De plus, on peut aussi remettre en cause par la même occasion l'utilité même de l'amour ce qui donc contredirait la supposer utilité de la philosophie. L'amour et la sagesse pose aussi un souci par rapport non à la progression mais au retour en arrière. En effet, la civilisation grecque généralement et donc pour Platon mettent l'amour sous le signe de la nostalgie. Platon montrait que l'amour était la recherche nostalgique de sa moitié. Avec cela, on penserait que la philosophie n'est pas synonyme de progrès donc tournée vers le futur mais bien vers le passé. Ce raisonnement illustre la constante remise en question du philosophe qui doute de tout ; Socrate disait : "tout ce que je sais, sais que je ne sais rien". Ce doute peut être relié aux opinions diverses et variés de chaque individus, de chaque conscience. Cette remise en question permanente a permis le progrès car la philosophie ne se contente pas de ce qu'elle a mais elle veut toujours plus.

La philosophie construit, change et détruit des théories notion pour en faire de nouvelles encore plus folles, abstraites et difficile à percevoir mais surtout à comprendre. On peut donc conclure que la philosophie n'est une activité vouée à atteindre son but puisqu'elle le change en permanence. Ce critère qualifie l'utilité; il semble donc que la philosophie est une activité inutile.

Toutefois, les philosophes semblent être plus à même de maîtriser leur existence. Pourtant, cette conception du philosophe, "sage" disons, pose deux problèmes : un premier car un philosophe dit qu'il ne détient pas la sagesse mais qu'il est justement à sa recherche ; et le deuxième car un philosophe qui se dit "sage" aurait terminé sa quête ce qui est hypothétiquement impossible à cause du doute permanent. Aussi, il semblerait que l'on ne puisse pas juger un philosophe sur sa vie car la philosophie n'est pas faite pour être pratiquée puisque qu'elle est détachée de la vie. C'est à cette condition que cette discipline est honnête, impartiale et "marche".

D'un point de vue de l'efficacité philosophique, elle peut être considéré comme inutile mais on ne peut pas nécessairement lui reprocher. Cette inutilité supposée n'est pas obligatoirement un défaut, c'est même grâce à cela que la philosophie est vue comme un discours au-dessus des autres.

La caractérisation de la philosophie c'est faites précédemment par la recherche de la vérité,l'amour et la sagesse mais si on tente d'adapter les critères de réflexion à ceux de l’utilité, on constate que si la vérité recherchée doit par avance être utile, on définit cette vérité avant de la connaître. Cela est tout d’abord illogique mais aussi non-philosophique car la philosophie n'attend rien de la vérité puisqu'elle la remet en question pour trouver, concrètement, de nouvelles connaissances et applications. Idéologiquement, on attend que la vérité vienne confirmer des représentations du monde. La vérité doit se suffire à elle-même, cela signifie qu'attendre quelque chose de la vérité contredit cette théorie car rien ne peut être plus vrai que la vérité.

En d'autres termes, la philosophie cherche la vérité mais ne doit rien en attendre. On peut donc aussi dire que l'on ne doit rien attendre de la philosophie même. Elle n'a pas de mise en application concrète mais influence sur les idées et opinion, pour permettre de les faire évoluer individuellement ou collectivement. Elle le fait de manière involontaire et indirect car son propos n'est pas de trouver des réponses mais de poser les bonnes questions et problèmes, je réciterai les paroles de Confucius donner précédemment. La philosophie analyse le monde par le déni permanent de toutes les vérités et raisonnements.

La philosophie ne propose pas de choix de vie concrète, sauf celui de douter. Alain a dit que "Le doute est le signe de la certitude". Elle ne permet donc pas de faire de choix ou de ne pas choisir certains choix . L'engagement philosophique ne peut donc se faire que par le doute.

Cette inutilité est donc fondamentale à l'honnêteté de la philosophie ce qui en fait une qualité et non un défaut. Si ce n'était pas le cas, la philosophie poserait des vérités indiscutables telles des dogmes religieux et toutes les affirmations à intérêt pratique seraient acceptées. La philosophie ne serait plus "impartiale".

Au terme de cette analyse, on peut considérer que la philosophie et à mi-chemin entre une discipline intéressée qui ne cherche aucun but et les activités désintéressées sans aucun but (morale, amour, art). Elle ne remplit pas les critères d'utilité mais on ne peut pas lui reprocher car c'est une de ses qualités pour que cette philosophie soi "impartiale" et "honnête". Par contre, elle est inutile lorsque cela concerne un choix pratique. Elle ne donne pas de sens aus choses en particulier ce que serait une opinion en un sens. La philosophie ne fait pas tout, elle ne permet pas de vivre, se nourrir mais elle permet d'avoir un sens moral, éthique des choses, de la vie, des personnes. On demande donc, paradoxalement, à la philosophie d'être utile alors que c'est cette inutilité qui justifie son prestige.

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