Chapitre 2 - Les prisonniers du désert (1/3)

4 minutes de lecture

Peter Mortelande

Wahltsahra, désert du sud, Plutonium

Le jour allait bientôt se lever à nouveau sur la désertique cité de Wahltsahra et l’étouffante chaleur du jour reprendrait alors sa place sur l’extrême froideur digne des plus hautes montagnes qui marquait les nuits du désert du sud. Après s’être octroyé quelques heures d’un sommeil arbitraire, à présent enveloppé dans la cape de voyage presque trop légère pour la brusque chute de température, Peter descendit les ruelles plongées dans la demi-obscurité à grands pas, tirant derrière lui le cheval qu’il avait monnayé, prenant soin de rester hors des larges avenues passantes, trop risquées. Le passage d’une troupe de gardes allant prendre le relai à la porte d’entrée de la cité l’obligea à rester momentanément dissimulé dans l’ombre d’un recoin jusqu’à ce qu’il fut sûr que les hommes se soient assez éloignés pour pouvoir poursuivre son chemin sans être inquiété. Il n’en était pas à sa première cavalcade mais il fut néanmoins presque soulagé de voir enfin les contours du vieux port de Walhtsahra se dessiner devant lui après sa descente presqu’interminable depuis l’auberge.

Plusieurs navires de bon caractère mouillaient au port cette nuit-là. La plupart étaient de simples bâtiments de commerce, se contentant du transport de marchandises, mais trois navires, parfaitement alignés l’un à côté de l’autre, attiraient l’attention de par leur structure et leurs renforts métalliques. Certainement des navires de l’armée, songea Peter sans parvenir à savoir s’ils étaient simplement venus sécuriser la zone ou faire halte dans le but d’une toute autre mission. De là où il venait, les bateaux étaient le seul moyen d’accès et de retour possibles sur la Tour. Ils n’étaient pas foisons et servaient principalement au relai des garnisons, le peu qu’il avait vu ressemblaient donc beaucoup à ceux amarrés actuellement au port de la cité du désert et il ne put s’empêcher de frissonner. Il paraissait impensable que l’armée mercurienne ait pu envoyer une telle armada dans l’unique but de le retrouver lui, un gamin de vingt-et-un à peine, ayant à peine autant de valeur que le cheval qu’il traînait derrière lui, mais l’idée persistante trottait au fond de son esprit en lui laissant la sensation d’un mauvais pressentiment.

La ligne d’horizon s’éclaircissait peu à peu, le soleil ne tarderait pas à apparaître et le vieux port se réveillait doucement. La plupart des marins préparaient déjà les chargements des navires au départ sous les huées d’ordres et les piaillements incessants des oiseaux du large. Peter arpenta les quais en évaluant chacun des bâtiments devant lui. La plupart des marins ne semblaient pas se préoccuper de la présence du gamin à la peau pâle et salie par la poussière du désert. Inconsciemment, il resserra tout de même son emprise sur les rênes de sa monture afin de lui faire presser le pas.

Le navire du capitaine Sakzar était amarré en bout de port. Un écart suffisant et volontaire pour permettre aux contrebandiers de commercer en toute discrétion, même si aucune loi particulière n’interdisait leurs activités sur Plutonium. Le bateau était un pavillon bâti tout en longueur, dans une incroyable finesse. Comme la plupart des autres navires de sa trempe, ce type d’architecture navale était réputée d’une grande vitesse et d’une précieuse maniabilité, qualités essentielles pour l’abordage et le rapt. Mais aussi la fuite.

Tant mieux, songea Peter en traînant par la bride son étalon en direction de la silhouette de grande taille de Sakzar, son capucin toujours perché sur son épaule. L’homme ne lui adressa pas le moindre signe laissant sous-entendre qu’il l’avait entendu arriver, dirigeant avec une extrême efficacité ses hommes au travail et ce ne fut qu’une fois parvenu à sa hauteur que l’homme daignât enfin lui jeter un regard en coin. Les lèvres closes, il se contenta de tendre la main dans sa direction. Peter plongea la sienne sous sa cape de voyage et en extirpa une toute petite bourse en cuir. Le contrebandier eut une moue dépréciative.

— Ne t’avise pas de me rouler petit, le prévint l’homme d’une voix sourde.

— L’autre partie une fois au port, lui rappela Peter tout en prenant soin d’éviter le regard suspicieux de la Conscience. Quant à la bourse, elle n’est pas ensorcelée. Le cuir est solarien, je l’ai volé sur un marché.

L’homme acquiesça, un sourire narquois sur le visage. Peter détourna le regard, hésitant avant de tendre les rênes devant lui.

— Qu’allez-vous en faire ? Un cheval ne voyage pas en mer, si ?

— Non, acquiesça le pirate. Il serait dangereux de faire voyager un cheval par bateau. Mais il est bien fait, j’en tirerais un bon prix sur le marché.

Peter sentit une pointe de tristesse lui transpercer le cœur. Bien qu’il ne fût pas très attaché à l’animal, l’idée qu’il puisse rester à Walhtsahra le mettait mal à l’aise. Il s’abstint toutefois de tout commentaire afin de conserver sa maîtrise de lui-même.

— Quand partons-nous ? finit-il par demander afin de changer de sujet.

— Nous mettrons les voiles ce soir, après le coucher du soleil.

— Quoi ? s’étrangla Peter. Ce n’est pas ce qui était convenu…

— Changement de plan petit, ricana Sakzar en le toisant négligemment, on vient de m’avertir de l’arrivée d’une belle cargaison ce matin aux portes de la ville. Je tiens à terminer mes affaires ici avant d’amarrer.

— Mais…

D’un signe de tête, Sakzar indiqua le haut du navire, coupant court aux protestations de Peter.

— Cesse de beugler le jeune et monte donc sur le pont. Dev’ te montrera tes quartiers et t’expliquera ce que tu as à faire. Je n’aime pas les feignants alors si tu veux rentrer chez toi rapidement, va falloir que tu mettes la main à la patte. Et ne t’inquiète pas [s’empressa-t-il d’ajouter en voyant que Peter s’apprêtait à protester], lorsque mes affaires seront réglées ici, je t’assure que nous partirons aussi vite que possible pour la capitale. Un marché est un marché, petit, mais je suis avant tout un homme d’affaires.

Plutôt un pirate et un voleur, pensa Peter mais il n’était pas de taille à lutter contre l’homme et il se contenta donc d’un hochement de tête pour montrer son approbation.

— Parfait. Alors dépêche-toi de monter, on a encore à faire avant le grand départ.

***

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