Partie 1

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  • Regarde Romain, celui-là a l’air génial ! On dirait qu’il est complètement neuf. Pas une égratignure, rien.
  • C’est vrai qu’il a l’air récent. Et il n’est pas trop cher en plus.

Un vendeur s’avança dans le dos du jeune couple, tout sourire à l’idée de faire une bonne vente.

  • Il dispose également de nombreuses fonctionnalités de dernière génération. Vous le garderez, je peux vous l’assurer. Et à ce prix là, c'est une excellente affaire.
  • Il a raison, Romain. En plus il est superbe avec cette teinte ivoire. Tu m'avais promis un cadeau pour mon anniversaire, voilà ce que je veux !

Le jeune homme sourit et fit un signe de tête au vendeur. Ce dernier s’empressa de sortir le téléphone de la vitrine avant d’entraîner le couple à la caisse.

Quelques heures plus tard, installés dans leur petit appartement, les deux amoureux profitaient d’une soirée tranquille. Ou plutôt, Romain essayait, ses plans de détente étant contrecarrés par sa copine. Excitée comme une puce, elle découvrait son nouveau jouet en lui déblatérant toutes les nouveautés qu’il contenait. Son manège dura toute la soirée, le faisant se couvrir la tête d’un coussin pour espérer dormir.

Les jours qui suivirent se déroulèrent de la même manière. Sarah ne jurait que par ce nouveau téléphone, comme avec ceux qu'elle avait posséder avant lui. C’est pourquoi il ne fut pas surpris qu’elle ne veuille pas se séparer de son précieux sésame pour passer du temps avec lui. Attendant que cette phase lui passe, le jeune homme la laissait faire sans oser dire quoi que ce soit.

Pour se changer les idées, il se plongea dans son travail. Se perdre sous une liasse de papiers lui permettait d’oublier que sa copine lui préférait un téléphone, aussi perfectionné soit-il. Il se mit à rentrer de plus en plus tard, passant le plus clair de son temps au bureau. Quand il revenait, Sarah semblait ne pas avoir bougé du canapé de la journée, son téléphone à la main. Il l’entendait parfois parler à ses amies, regarder des vidéos. Il ne savait pas vraiment ce qu’elle faisait dessus, mais en tout cas cela semblait captivant.

Tout cela ne l’aurait pas inquiété s’il n’y avait pas eu d’autres faits inhabituels. Lorsqu’il revenait, Sarah portait les mêmes vêtements que le matin même. Le frigo ne se vidait que peu, comme si elle ne mangeait pas en journée. Il avait tenté de lui parler, de la faire réagir, mais il ne recevait que de l’ignorance en retour. Sarah semblait sourde à ces paroles.

Lassé de cette situation, il sauta sur l’occasion lorsque ses collègues lui proposèrent d’aller boire un verre après le travail. Ils s'installèrent dans un café et bavardèrent de tout et de rien jusqu’à la nuit tombée. Ses collègues partis, Romain décida de s’attarder, peu désireux de rentrer. Sirotant son café, son attention fut attirée par un groupe en pleine discussion.

  • … l’hôtel entier, personnels comme clients ont mystérieusement disparu en pleine nuit. Les vidéos des caméras n'ont absolument rien montré et les enquêteurs n’ont trouvé aucune trace d’effraction.
  • Qu’est-ce qui a bien pu leur arriver ? Un hôtel entier, ça ne disparaît pas comme ça tout de même !
  • Sûrement un gang ou une sombre affaire de dettes. C’est toujours pour de l’argent ce genre d’histoire.
  • Nan, nan ! Y avait des rumeurs de fantômes vengeurs. L’hôtel aurait été construit sur un ancien cimetière et les morts déterrés pour laisser place aux fondations du bâtiment.
  • Tu délires, c’est n’importe quoi, tu…

Il n’entendit pas le reste de la conversation, le groupe d’amis se levant pour partir. Le jeune homme décida finalement rentrer chez lui, non sans traîner les pieds. Empruntant le chemin le plus long, il marchait lentement, sans plus penser à la discussion qu’il venait d’entendre. L’air frais du soir lui faisait du bien, lui aérait l’esprit. Peut-être aurait-il le courage de tenter d’initier le dialogue avec Sarah.

  • … nous ferait devenir fou… pousserait au suicide…
  • … faudrait réussir à le détruire…
  • … celui que j’ai me convient très bien… devrais peut-être consulter une voyante… ou un médium…

Romain fronça les sourcils, interloqué par les paroles des deux jeunes femmes qu’il venait de croiser. Sûrement encore une histoire à sensation passée à la télé pour faire de l’audimat. Parfaitement ridicule.

Il continua son chemin en accélérant le pas. L’air se rafraîchissait vite ce soir. En arrivant au pied de son immeuble, il en profita pour récupérer son courrier. Sarah n’était pas descendue le chercher, encore une fois. À deux pas de là, chacune sur le seuil de son appartement, deux vieilles dames discutaient.

  • La famille entière aurait été retrouvée morte. Le père aurait tué tout le monde avant de se donner la mort, disait celle de droite.
  • Ça c’est ce qu’ils racontent. Moi je reste persuadée qu’il s’agit d’un suicide collectif. L’arme à feu du père était rangée dans son étui de protection, hors de portée des enfants, s’obstinait celle de gauche.
  • Mais il y avait des des traces de coups sur le corps, renchérit l'autre. Il serait devenu fou, comme tant d’autres.
  • Les enquêteurs ne sont pas sûrs qu'il s’agisse bien de marques de coups. Des restes du repas du soir ont été emmenés pour analyse. Je suis sûre qu’ils se sont volontairement donnés la mort avec du poison. Oh Romain, bonsoir ! s’interrompit la commère de gauche. Cela faisait un moment que je ne vous avais pas vu, vous restez travailler tard ces derniers temps.

Le jeune homme referma sa boîte au lettre avant de se tourner vers la vieille dame.

  • Bonsoir Madame Jeanne. On a beaucoup de boulot en ce moment, vous savez ce que c’est. Le patron veut des résultats, éluda-t-il. Mais si vous avez besoin de quelque chose, je me ferais un plaisir de vous aider dès j’aurais un peu plus de temps libre.
  • Ça tombe bien, j’avais besoin de quelqu’un pour retaper ma salle de bain. Mais ça peut attendre va, dit-elle en agitant la main.
  • Et moi pour refaire la peinture de ma cuisine ! renchérit la seconde vieille dame.
  • Bien sûr Madame Elisabeth, bien sûr. Je viendrais dès que je pourrais.
  • Merci mon grand, tu es bien aimable.

Romain retint un ricanement. Ces deux vieilles commères étaient adorables, mais elles avaient tendance à le solliciter pour des broutilles. À croire qu’elles appréciaient bénéficier de sa présence. Après tout, elles voyaient si peu leurs petits-enfants. Il ne pouvait rien leur refuser et elles en profitaient largement.

  • Vous m’excuserez, mais Sarah m’attend…
  • Oh, on ne va pas te retenir plus longtemps alors. Passe lui le bonjour à cette petite, elle n’avait pas l’air en grande forme la dernière fois que je l’ai croisée, lança Madame Elisabeth, un air soucieux inscrit sur le visage.
  • Et dites-lui de se méfier de la nourriture empoisonnée !
  • Oui Madame Jeanne, je lui dirais. Bonne soirée, marmonna le jeune homme en s’empressant de monter les escaliers.

Lorsqu’il passa la porte de son appartement, seul le silence l'accueillit. Aucun bruit ne résonnait. Fronçant les sourcils, Romain entreprit de faire le tour des pièces, l’espérance que Sarah ait réussi à retrouver une vie normale lui caressant l’esprit. Mais dans la cuisine, le salon, la chambre, personne. Il était seul.

Inquiet, il refit une seconde fois le tour des pièces avant de remarquer une note près de la porte d’entrée. L’écriture de Sarah. Quelques mots gribouillés d’une main tremblante : “Je n’en peux plus, pardonne-moi. Je t’aime.

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