CHEMIN

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Il n’y a pas de plus beau chemin que celui que l’on choisit.

Au cours de leur vie, la plupart des gens vont d’un point A à un point B, puis du point B au C, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’un Z fatal pourfende leur existence. Il arrive que certains manquent un G, un H, un S en chemin, une étape aussi essentielle qu’une lettre muette, et pourtant, tous, plus ou moins, suivent la même trajectoire, de l’arbitraire naissance au trépas zoologique.

Il n’en allait pas ainsi pour Flo.

Sa vie à elle tenait davantage d’une partie de ping-pong, balancée de A en Z, à flirter avec la mort, puis de Z en A : une fois chaque mission close, une nouvelle renaissance.

Ainsi, le long chemin qui devait la conduire à Florence n’était pas qu’un harassant road-trip à bord d’une voiture volée, ponctué de trois changement d’immatriculation et de douches inespérées dans des motels miteux à l’accueil desquels elle n’aurait qu’à laisser le nom d’Atylwat. Non. Préférer la voiture à l’avion ne résultait pas que d’un souci de discrétion. Il s’agissait en fait d’un processus intégral. Une enfilade de kilomètres durant laquelle il lui faudrait s’oublier, changer de peau, d’expressions et d’intonations. Une épreuve conçue pour la remodeler. Une véritable résurrection.

Dès la première halte, Flo se fit faire une teinture et poser de faux ongles d’une longueur exubérante. À la deuxième, elle brûla les quelques vêtements qu’elle avait emportés et se coula dans une robe moulante et trop courte, un manteau de fourrure balancé sur les épaules qui lui filait l’allure d’une prostituée de feux rouges. D’un arrêt à l’autre, elle avait revu son régime et son rythme de sommeil. De fast-food en dîner, elle laissa un peu d’embonpoint masquer sa puissante musculature. Les grasse-matinées prirent le pas sur son habituelle routine matinale, ce qui n’était pas tant pour lui déplaire. Lors du troisième arrêt, elle entama les injection de botox et ses traits, alors, furent réellement transfigurés.

Djamila elle-même aurait eu de la peine à la reconnaître, à présent.

Qui ça ?

Flo chassa son délire d’un vif mouvement de la tête.

Elle ne connaissait pas de Djamila.

Un matin, Flo s’éveilla de l’autre côté de la frontière, en Italie, et elle était une autre. Elle avait la fraîcheur de ses vingt ans, la banquette arrière truffée de gros calibres et la rage d’en finir qui lui brûlait les os.

C’est là, au pied des Alpes, à l’orée d’un village de bergers, qu’un pouce levé se dressa sur sa route. Le bout abîmé de son escarpin pressa la pédale de frein. Elle ouvrit la porte à l’autostoppeuse ; une femme toute de blanc vêtue qui, comme elle l’avant-veille, n’avait pas loin de la quarantaine.

— Où est-ce que tu vas ?

— Florence.

— Ça tombe bien, moi aussi.

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