Déliquescence, Onzième Partie

5 minutes de lecture

Plongée dans le noir, dans son tombeau anthracite, Iris descend dans les entrailles de la Haute-ville. Son corps réagit à la hausse de sa tension, ses yeux et sa Marque s’éclairent.

Le métal réfléchit sa lumière qui rebondit sur les surfaces, formant des rayons lumineux. Les raies azurées s’étalent sur les murs, se répandant comme un magma de photons, se glissant dans les fins interstices.
Le tombeau se gorge de cette lumière. Des veines bleues se révèlent et éclairent la nacelle.

Lorsqu’Iris baigne dans sa propre lumière, le mur en face d’elle s’ouvre, déversant l’éclatante splendeur dans son nouvel environnement.

Une galerie de roche sombre, où des aspérités de cristaux inertes réfléchissent la lumière qui s’insinue dans leurs faces. Petit à petit, les minéraux s’illuminent et reprennent des couleurs.

Iris regarde le chemin s’illuminer devant elle, alors qu’elle pose les pieds sur le sol rocailleux. Elle marche prudemment, la galerie a été taillée grossièrement, il serait facile de trébucher sur une anfractuosité.
Elle s’enfonce dans le corridor. Plus Iris progresse dans le boyau de roche, plus sa circonférence se rétrécit, plus la densité de cristaux devient forte, et plus la chaleur s’intensifie. Bientôt, l’énergie et la lumière dans l’air sont si pénétrantes qu’elle sent son corps se mêler à l’atmosphère.

Les chants deviennent pareils à des ondes qui font vibrer ses veines, ses tendons. Ses pensées s’agitent, et son imaginaire se met à s’exciter.

Des images lui viennent.

Des souvenirs.

Le sol fond sous ses pieds, les murs se déplient et dessinent un paysage bien plus vaste et ouvert.

Le ciel, lézardé de boyaux azurés, s’étend jusqu’à atteindre un plafond sphérique et magmatique. Sa couleur est la même que l’énergie. Elle a l’impression de se trouver dans un soleil creux.

Sous ses pieds, un sable rouge épandu sur une terre d’un blanc plâtreux. Des arbres aux écorces d’un beige clair sont habillés de feuillages nuageux jaunes.

Ces curieux paysages s’étendent en un archipel de petits mondes qui gravitent les uns autour des autres. Entre eux, un bras d’énergie, pareil à un typhon suspendu dans le ciel, lézarde l’univers, joignant les deux bouts du Soleil creux.

Elle contemple l’endroit. Fascinée par sa splendeur, et surprise par sa familiarité.

Si elle en a la souvenance, ce n’est pas de sa chair. Elle n’a jamais vu cet endroit. Cette perspective irise les poils de ses bras et de sa nuque.

La Marque n’a jamais tant chauffé sur sa main.

Elle avance sur ce sol de sable rouge. Passant à travers un champ d’herbe dont les tiges sont couvertes de milliers de villosités qui tendent vers elle.

Lorsqu’elle les effleure, des arcs d’électricité se glissent sous ses ongles.

Et elle sent des arêtes tranchantes sur ses doigts.

Lorsqu’elle revient à elle, ses mains caressent les cristaux qui recouvrent désormais totalement les murs de la galerie.

Les chants la bercent de leur mélopée plaintive.

Une complainte.

Celle d’une âme forclose.

Perdue au milieu d’une gigantesque caverne qui s’ouvre devant elle, où se réfléchit sa lumière sur des milliers de miroirs cristallins.

Elle s’engage sur une pente, où la roche s’est recouverte d’une pellicule de verre. Dans ce sol miroir, les stalactites cristallins au plafond se reflètent comme une voie lactée menaçante. Des bouquets de cristaux de plusieurs mètres poussent dans ce champ où la roche semble une plante comme une autre.
À quelques centaines de mètres d’Iris, un morceau de la flèche de la surface, long d’au moins une dizaine de mètres et éventré, a répandu ses fragments au sol. Elle s’en approche, attirée par l’intérieur de la structure, étonnamment creux.

Posant le pied à côté des bris de cette étrange roche métallique, ils s’illuminent légèrement. Leur aura éclaire les alentours, et lorsqu’elle atteint le reste de l’épave, elle se gorge de cette lumière et s’éclaire à son tour.

Elle accompagne Iris de toute sa chaleur. À l’intérieur, des objets métalliques qui lui sont inconnus. Des marches donnent accès à une plateforme qui débouche sur un couloir s’enfonçant plus loin encore dans la structure.

Cela ressemble à l’intérieur d’une maison. Mais la présence de petites veines qui courent sous les métaux fait penser à Iris que – si cet endroit n’est pas vivant – il est au moins le produit d’une technologie qu’elle ne connaît pas.

La marque, brille de toute son intensité en ce lieu. Iris, approche mécaniquement vers le fond de la structure, là où se trouvent de grandes tablettes lisses. L’énergie circule sous les surfaces sombres et plates, mais jamais rien ne s’affiche.

C’est comme si ses yeux s’attendaient à ce que se produise un phénomène qu’elle n’a jamais connu.

En ce lieu, son corps fait preuve de réflexes et de familiarités qu’elle ne s’explique pas.
Elle se tourne vers une ouverture dans un des murs. Elle se rappelle être passée à travers elle, pour en sortir.

La sensation de froid qui caresse sa peau lui fait revivre un sentiment de tristesse infini, motivé par un renoncement absolu à vivre.

Iris, demeure un moment à contempler ce simple trou rectangulaire dans le mur. Son palpitant déjà bien emballé, elle se risque à se diriger dans cette direction. Elle passe l’encadrement du boyau, et les lumières qui courent autour d’elles comme des anguilles serpentant dans les murs, lui permettent d’apercevoir la pièce dans laquelle débouche le couloir.

Au centre de cette dernière, une sorte de sarcophage se trouve aux pieds d’une bien étrange armure.

Son métal est blanc opale, ses jointures sombres. Les différentes plaques ont des arêtes tranchantes, soudées sans qu’Iris ne puisse repérer les traces de soudures. Le casque, notamment, a la forme d’un triangle inversé. Il est orné d’une crête de plumes multicolores, qui donne à l’ensemble l’aspect d’un crâne de rapace – bec inclus –.

La protection pour la trace de multiples affrontements. Elle est trouée de partout, un des bras est presque arraché, une entaille profonde a fendu le casque, une des cuissardes a été lardée de coups, ou trouée par des coups de lances.
Cette armure vient d’ailleurs.
Mais… de quel Ailleurs ? Se demande-t-elle en détaillant l’armure, avant que son regard ne dérive sur le couvercle du cercueil.

Autrement lisse, elle remarque un socle au centre de ce dernier. Rempli par une sphère sombre.

Et dès que son regard se pose sur elle, la Marque étincelle, sa chaleur remonte dans le bras d’Iris comme un courant électrique, et se loge dans son crâne.

Deux couples de bras se tendent vers la sphère.

Une main aux doigts fins, une cascade de cheveux roux tombant sur un visage aux traits familiers.
Une autre, aux doigts plus épais, se devine au travers d’un voile sombre.

À ce moment, la sphère est pleine d’une énergie azur.

L’instant qui suit, des miasmes s’en échappent, et serpentent dans l’air avant de se glisser sous les angles des mains tendues.

Iris sent l’intérieur de ses mains brûler.
Et la surface de sa peau, fondre pour laisser émerger des traits azur.
La chaleur façonne les Marques à même la chair.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Les Interstices ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0