Chapitre 27 (deuxième partie)

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Les dires de mon oncle se révélèrent bien vite tout à fait exacts quant aux intentions de certains membres du clan. Dès la fin de cette première journée, Dougal Gordon trouva prétexte à s'entretenir avec moi. En tant que fidèle de mon oncle, je fus pourtant surpris qu'il veuille me voir prendre les rênes du clan.

- Kyrian, me dit-il, j'en viendrai rapidement aux faits. Je veux te parler au nom de plusieurs d'entre nous. Les Anglais sont à nos portes. Jour après jour, ils deviennent plus insistants, plus pressants, plus violents aussi. Même si nous sommes, sur Skye, encore assez loin d'eux, nous ne pouvons plus les négliger. Je suis partisan d'une entente entre les clans et j'œuvre actuellement pour renforcer nos liens avec les MacKenzie et les Fraser. Ce sont des clans puissants et dont la fidélité à Jacques Stuart ne peut être mise en doute.

- Hum, je pense que Lord Lovat, le laird des Fraser, est surtout fidèle à lui-même... Il ne servira jamais que son intérêt.

- Lovat comprendra bien que son intérêt est pour la cause jacobite. Et il possède de bons soldats, des troupes aguerries. Il n'a pas besoin de faire appel à la Garde, lui !, pour faire régner l'ordre sur ses terres.

- Il a parfois une façon de faire régner l'ordre qui n'est pas très digne...

- La fin peut justifier les moyens, mais le propos n'est pas là. Ce que je vois, c'est que Jacques - ou son fils - pourrait bien revendiquer à nouveau le trône et si, d'ici là, nous pouvions affaiblir les Anglais, ce ne pourrait être que profitable. Mais il faut des clans puissants et unis pour cela.

- Dougal, si combat il y a demain, les MacLeod marcheront sous une seule bannière, cela ne fait aucun doute pour moi. En attendant, je considère qu'il vaut mieux conserver notre organisation actuelle, avec un laird à Skye et moi-même à Inverie. C'est plus facile pour administrer le clan.

- Un de tes cousins pourrait demeurer administrateur de Skye...

- Et cela changerait quoi par rapport à maintenant ? Il me serait redevable et je n'y tiens pas. Que ce soit Caleb ou Manfred, ils seront l'un comme l'autre tout à fait capables de mener le clan. Je ne vois pas ce que je pourrais apporter de plus.

- Je ne doute pas des capacités de Caleb ou Manfred, sois-en certain. Je pense à l'intérêt du clan tout entier. Pas uniquement à ceux de Skye ou à ceux d'Inverie.

- Je n'en doute pas, Dougal. Mais je ne changerai pas d'avis.

- Soit... J'aurai essayé, me répondit-il avec un léger sourire. Mais nous verrons ce que les hommes décideront.

- Ils auront le dernier mot, en effet.

Et sur ces mots, nous regagnâmes le château. Je rejoignis alors Héloïse qui se reposait du voyage dans notre chambre. Elle avait confié Roy à Jennie. Quand j'entrai, elle était allongée sur le lit. Je crus qu'elle dormait, mais elle ouvrit aussitôt les yeux en m'entendant.

- Je t'ai réveillée ? demandai-je, soucieux.

- Non, je me repose, je ne dors pas.

- Ca va ?

- Oui, oui, ne t'inquiète pas. Je profite simplement de chaque moment de tranquillité. Mais je vais bien.

Je m'assis sur le bord du lit et la regardai. Ses yeux reflétaient son calme intérieur et je ressentis comme toujours la même émotion à plonger dans son regard bleu. Je me penchai vers elle, ne pouvant résister à l'envie que j'avais de l'embrasser. Elle noua ses bras autour de mon cou et m'attira plus vers elle. Je me retrouvai à demi-allongé sur le lit. Je voulus m'écarter un peu, mais elle me retint, prolongeant notre baiser. Je sentis un long frisson descendre le long de mon échine et allumer le feu dans mes reins. Dieu que je l'aimais ! Et quand j'étais ainsi, seul avec elle, l'avenir du clan passait au second plan et je me moquais bien des Anglais, du roi George et des Stuarts.

Elle rompit notre baiser et soupira :

- Dommage qu'il ne faille plus tarder à rejoindre la grande salle pour le dîner...

- Tu n'as pas faim ? demandai-je avec un rien d'espièglerie.

- Si... mais de toi... Je n'ai pas pu profiter de toi, ces dernières nuits, avec Roy qui était trop énervé pour s'endormir tôt...

- Au point que tu t'endormais avant lui, oui, je l'ai remarqué, lui souris-je. Mais ce soir, je peux t'assurer qu'il va dormir et nous laissera en paix. Et tu pourras profiter de moi tout ton soûl.

Elle me sourit, glissant ses mains dans mes boucles rousses.

- Je t'aime, Kyrian. Te dis-je assez combien je suis heureuse ?

- Oui. Chaque jour. Je t'aime aussi, mon Héloïse. Et tu ne perds rien pour attendre que je puisse te le prouver au creux de ce lit.

Son sourire s'agrandit et elle poussa un long soupir, ce qui fit gonfler sa poitrine, et me rendit encore plus impatient.

- Hum... Tu sais... Il n'est pas encore très tard... lui soufflai-je à l'oreille et j'en profitai pour l'embrasser dans le cou et laisser une de mes mains caresser son ventre qui s'arrondissait doucement.

Puis ma main repoussa le drap, se faufila sous son jupon et trouva sans peine ce qu'elle cherchait. Sa plainte me convainquit que j'étais proche du but. Surtout quand elle écarta d'elle-même les pans de sa chemise pour me dévoiler sa poitrine aux beaux seins ronds, dont les aréoles avaient déjà changé de couleur, ce qui n'était qu'un des autres signes de sa grossesse. Mes lèvres s'y posèrent délicatement, car je les savais très sensibles en ce moment. Elle se mit à haleter et à me supplier.

Et je me fis une fois de plus la remarque qu'il était vraiment plus pratique de porter un kilt qu'un pantalon...

**

Le repas donné dans la grande salle du château de Dunvegan ressembla à tous les grands repas auxquels nous avions déjà pu assister. Les conversations allaient bon train, l'ambiance était joyeuse. Craig et Elisabeth présidaient et mes cousins et leurs épouses se trouvaient de part et d'autre d'eux. Héloïse et moi-même, en tant que plus proches parents, avions pris place juste aux côtés de Caleb et je m'entretins à nouveau avec plaisir avec mon cousin. Le repas fut un peu long et plus d'une fois, je me tournai vers Héloïse pour m'assurer qu'elle n'était pas trop fatiguée. Mais elle me semblait en pleine forme, comme déjà bien remise de notre voyage.

A l'issue du repas, un joueur de cornemuse vint nous régaler de ses airs et la soirée se prolongea fort tard. Héloïse gagna la chambre bien avant la fin et si je m'attardai aussi avec les miens, je pus cependant la retrouver à une heure décente.

Roy dormait déjà, couché dans un petit lit qui avait été installé dans un coin de la chambre. Je m'approchai de lui, remis en place l'édredon qu'il avait déjà fait glisser. Il remuait tellement dans son sommeil qu'il fallait veiller à le recouvrir plusieurs fois dans la nuit. Il n'était pas sujet, pour autant, à des rhumes ou autres maladies enfantines. Il ne serait sans doute pas de santé fragile et c'était un certain réconfort. Nombre de familles, en notre temps, perdaient leurs enfants si jeunes ! Et dans les Highlands, la disette en était aussi bien souvent la cause.

- Il dort ? me demanda doucement Héloïse.

- Oui, répondis-je en revenant vers notre lit.

- J'en suis soulagée... Il était si énervé ce soir !

- C'est normal. Il y a beaucoup de monde autour de lui, un nouveau lieu à découvrir, de nouvelles têtes...

- Il a impressionné ton oncle et tes cousins, je crois, à la façon de les saluer.

Je devinai son sourire dans la pénombre alors que j'entreprenais d'ôter mes vêtements. Comme toujours, je déposai soigneusement ma broche sur un des meubles, la table de nuit en l'occurrence, puis retirai mon tartan.

- Il a bien appris la leçon... répondis-je sur le même ton. Tu l'as bien fait réciter !

- Avais-je tort ? Il me semblait que cette visite à Dunvegan était une bonne occasion pour le lui apprendre.

- Tu avais raison et je suis très fier de lui.

- Moi aussi. Tu as vu comment il se tenait bien droit ? Tout fier de pavaner avec son petit kilt !

- Réalisé dans le premier tissu de ces nouvelles couleurs... complétai-je en m'allongeant auprès d'elle.

Elle se tourna légèrement et vint se blottir entre mes bras.

- Crois-tu qu'il a déjà l'âme d'un chef ? me demanda-t-elle.

- Difficile à dire... Il a du caractère, mais devenir chef, cela s'apprend... J'en ai fait l'expérience.

- Mais à son âge, tu n'étais pas destiné à devenir laird. C'était ton frère qui le devait.

- Oui, bien sûr. Il faudra s'assurer, au fil des années à venir, que Roy sera capable de prendre ma suite. Et si nous voyons qu'il ne le peut pas, il faudra préparer son frère pour cela.

- Et si j'attends une fille ?

- Et bien... Elle aussi devra développer certaines capacités. Caleb n'a pas été le seul à apprendre les rudiments de sa future tâche, Manfred aussi.

- Tu penses que Caleb sera choisi ?

- Je ne sais pas. J'ai déjà entendu tant de choses... et surtout, beaucoup d'incertitudes. Bien entendu, certains s'affichent clairement pour l'un ou pour l'autre, mais beaucoup hésitent encore.

- Et notre venue n'a pas clarifié les choses tant que cela, n'est-ce pas ?

- Certains pensent encore que je vais revendiquer le titre, c'est vrai. Même si je me suis efforcé de les détromper.

Elle agréa. Nous avions longuement parlé, à plusieurs reprises au cours de l'hiver, de ce serment et de ma propre décision. Héloïse m'avait dit que si je voulais revendiquer le titre de laird de Skye et si les hommes de Skye me faisaient confiance, elle me suivrait dans cette entreprise, mais elle m'avait aussi avoué franchement qu'elle préférerait, et de loin, rester à Inverie. Qu'elle aussi trouvait que nous avions suffisamment à faire et à administrer. Rien que l'exemple de la culture de pomme de terre était parlant : il avait fallu convaincre, ordonner, prouver. Cela prenait tout juste, mais j'étais bien décidé à poursuivre dans cette voie. J'avais le sentiment de tenir là un moyen d'éloigner la disette qui était toujours un risque. Certes, il n'était pas question d'abandonner les autres cultures nourricières, simplement d'en ajouter une nouvelle. Et je ne parlais même pas de mon projet de monter une petite troupe de soldats pour surveiller nos terres et veiller en particulier à notre frontière avec le clan Campbell. Même si les "milices" privées étaient désormais interdites par les lois du Parlement britannique. Nous n'avions pas encore dit notre dernier mot face aux directives et à la domination anglaises.

La main d'Héloïse se glissa sur mon ventre, se faisant caressante. Je resserrai mon étreinte autour de ses épaules et cherchai ses lèvres. Notre baiser fut profond et chaud, empreint de désir et de tendresse. Je lui murmurai à l'oreille combien je l'aimais et combien j'avais envie d'elle. Elle se rapprocha encore de moi et bientôt, nos corps ne firent plus qu'un, nos souffles se mêlant et nos cœurs battant à l'unisson.

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