Stalker sachant stalker 3/ (+18)

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Obligé de faire une pause, à cause des émotions vives qui me troublent, je scrute mon interlocuteur. Il gratte le papier à mesure de mon récit. Je brûlerais d’envie de connaître la teneur de ses notes. Il lève son stylo et son regard interrogateur m’interpelle.

— Et après ? s’impatiente-t-il.

— Ils sont rentrés. J’ai attendu. Longtemps.

Ok… Pas si longtemps, en fin de compte.

D’un coup, porté par ce Karl que j’étais devenu, j’avançai, sans bruit. Mes pas me portèrent jusqu’à leur porte, qu’ils avaient mal fermée. Je me revois en train de la pousser avec le plus de discrétion possible, jusqu’à ce qu’un son m’interpelle. Une musique, ponctuée d’un rythme décalé. J’entrai, me postai dans le couloir sombre, dissimulé par la verrière et… je vis.

Quelques minutes auront suffit à cet animal pour prendre l’envie de profaner ma sirène et mettre ce plan en action, comme ça, dans leur cuisine, à même le plan de travail. Il n’avait levé que sa robe sur ses hanches qu’il empoignait avec force dans un vaet-vient atrocement rapide. Ce lapin baisait ce qui était à moi. Elle, comme toujours, était d’une classe et d’une beauté époustouflante, même prise ainsi, comme une vulgaire pute, elle gardait ce quelque chose de magnifique.

Mais lui… quelle ignominie. Traiter la mère de mon futur enfant comme ça ?

J’entends encore son bassin claquer contre les fesses d’Emeline.

J’aurais pu l’étrangler de mes mains et lui couper la bite, à vif, puis lui faire bouffer.

Mais je me suis contenu.

Je me forçai à fermer les yeux et je serrai les dents au moins aussi fort que mes poings.

C’était un peu con parce que le son sans l’image, ce fut pire. Je percevais les paroles obscènes qu'il lui adressait ainsi que les râles gourmands de ma divine, qui aimait donc ça.

La colère explosa dans ma tête et sur le moment, j’aurais brulé leur baraque de merde, mais l’idée de lui faire du mal me ravisa tout de suite.

Je fuis. Je laissai Emeline à son tortionnaire, par lâcheté. Ou par sidération.

Je descendis les marches de son perron avec lenteur, partagé entre la honte et la violence de mes pensées et, passant à côté de sa berline-de-connard hors de prix, je lâchai la bête en moi.

Un coup de pied dans la roue, puis dans le rétroviseur pour commencer, Dieu que ça me fit du bien.

Puis l'énergie libérée devint incontrôlable, et je me vis sortir mon trousseau de clefs pour rayer encore, encore et encore toute la longueur de sa caisse de merde à ce putain d’enculé !

— Karl, Karl, je comprends. J’entends. Calmons-nous, vous voulez bien.

Essoufflé, je peine à me reprendre, pétri de la même colère que celle qui m’a possédé ce soir-là. L’homme fait un signe à destination de la porte derrière moi, mais je ne prends même pas la peine de me retourner, je n’ai pas d’énergie pour cela. Dans un geste machinal, je me touche le visage, en particulier cette barbe de trois jours, ou plus, qui m’agace au plus haut point. Qu’est-ce que je fous ici…

Assez vite, une odeur de café embaume la pièce quand un jeune homme pose un plateau en bout de table. Mon interlocuteur se lève pour récupérer les gobelets.

— Un café vous fera du bien. Vous devez vous ressaisir un peu.

Je le vois jeter un œil à ses notes puis me sourire.

— Vous avez redirigé la violence et c’est un point important. Vous avez ressenti de la jalousie, cela peut se comprendre. J’aimerais bien que nous allions jusqu’au bout de votre récit. Peut-on continuer ?

On peut.

Le manque de sommeil commençait sans doute à me taper sur le système, parce qu’après avoir passé mes nerfs sur une Audi innocente, je commençai à délirer. À imaginer que j’étais lui. Je me fondais dans sa peau, voyait de ses yeux. Dans ce fantasme, Emeline devenait ma femme, et c’est moi qui la prenais comme une chienne sur la table de la cuisine.

Je compris qu’il ne serait pas un détail insignifiant sur notre route, mais qu’il allait se battre pour sa place.

Savait-il que j’étais là ? Est-ce pour cela qu’il n’avait pas attendu d’être à l’étage pour se livrer à ses bas instincts ? Voici un exemple des questions quipointaient dans mon esprit.

Et elle ?

Peu importe, dans mon cœur, elle avait tous les droits.

J’ai osé un SMS. « J'étais là, j’ai tout vu, et sache que je ne t’en veux pas. Bientôt il ne sera plus un problème. »

Après …

Je crois que j’attendais sa réponse. Elle ne vint pas. Je me souviens avoir pensé qu’elle avait dû laisser son portable dans son bureau, à l’abri des indiscrets. Une autre idée m’est venue : aurait-elle perçu ma présence chez elle ? Si oui, avait-elle honte de me contacter, persuadée de m’avoir perdu suite à son infidélité ?

Ça n’était pas le cas, mais dans le doute, il fallait que je la rassure.

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