11 - Ca C'est Vraiment Toi, Téléphone

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Une souris verte… Qui courait dans l’herbe… Une souris verte… Qui courait dans l’herbe… Rachel se réveilla avec cette comptine dans la tête. Elle avait mal au crâne comme la fois où elle avait essayait de regarder Green Lantern en 3D sans les lunettes. Et elle était fatiguée comme la veille. Une souris verte… Mais elle n’avait pas ou plutôt si, elle avait très mal dormi et ne s’était pas du tout reposée. Ce n’était pas cela qui l’inquiétait. Qui courrait dans l’herbe… Mais cette comptine qu’elle avait dans sa tête… Une souris verte qui courait dans l’herbe… Ce n’était pas dans sa tête à elle. Elle savait très bien d’où cela venait. Une souris verte… Ne pouvait signifier qu’une chose… Sa mère voulait lui cacher quelque chose d’important. Elle se leva et descendit rapidement prendre le petit déjeuner.


  - Tout va bien ?

  - Bien sûr ma Puce. Tu veux une tartine ? Une souris verte…

  - Maman !

  - Quoi ? Sa fille lui lança un regard noir qui en disait long.

  Sarah soupira. Depuis qu’elle savait pour le don de Rachel elle avait mis au point une défense mentale. Occuper son esprit par une pensée la plus absurde possible et répétitive pour ne pas laisser fuir la pensée plus importante. Tantôt c’était la Souris verte, tantôt c’était une publicité. Petite, cela marchait très bien mais avec le temps… Sarah s’épuisait et il était arrivé que les pensées les plus importantes trouvent une petite sortie subtile, au moment le plus malvenu. Mais aujourd’hui Sarah y mettait tout son coeur, il fallait absolument que Rachel ne comprenne rien à ce qu’elle avait appris la veille.

  - Que veux-tu que je te dise ? Tu as entendu le coup de fil d’hier c’est cela ?

  - Oui. Tu avais l’air tendu. C’était qui ?

  - Rien… La nouvelle pouf de ton père. Elle voulait m’avertir que ton père avait l’intention de me traîner devant le juge pour des raisons financières.

  - Prend-moi pour une truffe !

  - Rachel ne me parle pas sur ce ton ! Je suis déjà assez énervée par ce coup de fil. Tu as fini de déjeuner, tu montes t’habiller et tu pars au collège !

  Rachel posa rageusement sa tasse dans l’évier et obéit à sa mère. Il était évident que ce n’était pas la nouvelle compagne de son père qui avait appelé mais elle savait aussi qu’elle n’obtiendrait rien de sa mère pour l’instant ce n’était pas la peine d’insister. De toute façon elle voulait aller discuter avec Tina.

  Sarah, de son côté, était bien contente de la tournure qu’avaient pris les événements et elle se promit de faire un cadeau à sa fille pour la remercier. Le fait que sa fille se soit énervée lui avait donné l’excuse nécessaire pour couper court à la conversation. Mais il ne fallait pas qu’elle se relâche. En ce moment-même sa fille prenait sa douche, juste au-dessus d’elle et à moins d’être à un kilomètre d’elle, elle pouvait très bien capter ses pensées.


  - Je te jure qu’elle veut me cacher un truc. Je ne sais pas quoi mais il y a quelque chose qu’elle ne veut pas que je sache et c’est en rapport avec le coup de fil d’hier.

  - Si tu le dis… Tina écoutait d’une oreille distraite. Dis, tu peux entendre vraiment n’importe qui en te concentrant ?

  - Oui d’ailleurs, je voulais te proposer que l’on fasse des expériences sur mes nouvelles capacités, tu pourrais être… Mon coach…

  - Ouais… Le visage de Tina s’éclaira. Je serais ton mentor, c’est moi qui te guiderais sur le chemin de la Force jeune Padawane… Je serais ta Rupert Giles et tu serais ma Buffy… Non mieux ! Je serais Willow et tu serais Buffy ! Classe ! Je sais… Je pourrais te donner des exercices à faire tous les soirs et aussi… Je pourrais te punir si tu ne fais pas bien les choses. Et… Oh oui ! Je te donne des ordres et toi tu fais ce que je te dis en disant « Oui ! Chef ! » Non ! Ca c’est tarte ! C’est ce que disent les garçons qui se partagent un unique neurone pour vingt-deux sans les remplaçants. Non. Juste… Appelle-moi « Patronne ! » Ca ça claque et…

  - Bon tu as fini ! Rachel éclata de rire.

  Elle fut soudain prise de hoquet lorsque le jeune garçon apparut dans son champ de vision. Il était le plus beau de tous les dieux grecs descendus sur Terre. Elle en était sûre. Et le pire… C’est qu’il venait dans sa direction… Non mieux il lui faisait un signe de la main, à elle !

  - Salut les filles !

  - Salut Lucas ! Dit Tina avec un sourire.

  - Alut... Hic ! Sula ! Hic ! Lucas. Dit Rachel soudainement toute rouge.

  Le silence qui s’installa était tellement gênant que Tina laissa échapper après avoir fait passer ses yeux de l’un à l’autre pendant deux énormes minutes :

  - Okay… Je crois que je devrais aller… Ailleurs… A un endroit où j’étais censée me rendre quand je devais y aller… Alors… Forcément… J’y vais. Elle se pencha à l’oreille de Rachel. Essuie-toi un peu tu baves…

  - Quoi ? La jeune fille passa une main sur ses lèvres par réflexe.

  - Sympa ta copine. Dit Lucas quand Tina se fut éloignée.

  - Oui. C’est la meilleure des amies. Je n’imagine pas de ne plus la voir. Qu’est-ce qui t’amène ?

  - Eh bien en fait, il plongea une main dans sa poche, j’ai trouvé cela pour toi. Pour nous. Il sortit un pendentif en forme de motif celtique où l’on trouvait un cercle en entrelacs celtiques entourant une triquetra. Une double chaîne permettait de séparer le cercle de la triquetra.

  - C’est joli. C’est quoi ? … Attends une minute, tu as dit pour nous ?

  - Eh bien ça représente l’univers, ou l’air c’est selon les interprétations, avec le cercle et la triquetra représente les trois autres éléments fondamentaux. Comme ton truc est un peu magique j’ai trouvé que ça collait bien. Le genre mystique, tu vois ce que je veux dire… Je me disais que l’on pouvait peut-être se partager le pendentif, bien sûr tu prends la partie que tu veux, et on le porte ensemble comme…

  - Une bague ? Et c’était reparti pour une magnifique teinte rosée.

  - J’allais dire comme des amoureux, mais… Oui ça revient un peu au même. Et tout en souriant il se pencha vers elle et déposa un baiser sur ses lèvres qui en disait long sur ses sentiments.


  - Vite une injection d’insuline ! J’ai une crise de diabète pour excès de guimauve !

  - Tina ! Rachel donna une forte tape sur l’épaule de son amie.

  - Oh mon dieu ! Lucas m’a donné un bijou ! Lucas m’a donné un bijou ! Et il m’a regardée et il s’est souvenu de mon prénom au bout de la sixième fois !

  Tina se moquait sans s’arrêter de son amie qui venait de lui raconter ce qu’il s’était passé quelques instants plus tôt. Elle venait de lui montrer la triquetra qu’elle avait gardée expliquant que Lucas avait le cercle celtique.

  - Bon allez ! Ce n’est pas tout ça mais on a du travail jeune Jedi. Alors, voyons. Nous savons déjà que tu peux entendre les pensées des gens… Tu as une idée de la distance ?

  - Je dirais cinquante ou soixante mètres pour des inconnus, mais des proches je sais que je peux aller beaucoup plus loin.

  - D’accord. La table là-bas, tu vas me raconter leur sujet de conversation.

  Rachel se concentra sur un couple d’adolescents qui lui étaient parfaitement inconnus. Au bout d’un court instant, il lui sembla ne plus exister qu’eux et elle entendit très distinctement leurs voix dans sa tête. Mais c’était étrange, il y eut comme un mélange de sons. Une sorte d’écho où les voix des deux jeunes gens se mélangeaient. Elle les entendait mais entendait aussi une seconde voix, comme en surimpression. Il lui fallut un peu de temps pour comprendre qu’elle entendait leur discours et leurs pensées en même temps. Cela ne lui était jamais arrivée. Elle tâcha d’expliquer la situation à Tina.

  - La fille est en train de lui dire que ça ne peut plus continuer comme ça, elle ne se sent pas bien avec lui et elle a rencontré quelqu’un d’autre. Mais, en vrai… Ce n’est pas clair… Je capte une sorte d’autre pensée. On dirait qu’elle ne veut pas lui avouer qu’elle l’aime toujours mais qu’elle attend un signe de lui plus… Elle attend qu’il lui dise je t’aime parce qu’elle pense que ce n’est pas le cas parce qu’il ne lui a jamais dit. Et lui essaye de la convaincre de rester parce qu’il… Parce qu’il trouve qu’ils vont bien ensemble et qu’ils… S’accordent bien ? On dirait qu’il parle de vêtements. Le pire c’est que lui-même pense… Que c’est une fille géniale, qu’il n’a jamais été aussi bien avec une fille. Ces deux-là se croisent sur l’autoroute des vacances, et chacun rentre chez lui. Attends, il… Pense à une certaine Clara et il ne veut pas que ça recommence… Je n’y comprends rien.

  - C’est quoi cette histoire d’autoroute ?

  - Laisse tomber c’est une chanson de Fugain.

  - Bon c’est concluant, tu peux effectivement cibler qui tu veux. Exercice numéro deux. Fais tomber cette fille là-bas, elle m’a toujours énervée.

  Les filles rirent de bon coeur mais Rachel se prêta au jeu. Elle se concentra sur une rouquine un peu hautaine, paradant avec sa troupe de vassales prêtes à exaucer ses moindres désirs. Rachel se dit que Tina avait raison et qu’elle méritait une petite leçon de modestie. Elle se concentra un moment et envoya, comme un ordre mental au cerveau de la petite reine. Comme si elle lui ordonnait de désynchroniser sa marche. Et un instant plus tard, la rouquine s’étalait de tout son long dans la cour. Rachel n’en revint pas.

  - Délire ! Tu as vu ce que tu arrives à faire ? Tu influences les gens ! Récapitulons. Tu peux lire les pensées des gens. Tu peux entrer dans les rêves des gens. Et tu peux les commander à distance. Eh bien ! Ca nous en fait des pistes de travail.

  - Et n’oublie pas la projection astéroïde.

  - Astrale la projection. Astrale. C’est déjà pas mal !


  Pendant tout le restant de la journée, Rachel s’amusa avec ses nouveaux pouvoirs. Elle chercha à lire dans la tête de l’intello de la classe pendant le contrôle de géographie. Elle s’amusa à empêcher le surveillant d’ouvrir la salle d’étude avec sa clef en lui faisant immanquablement rater la serrure. Et elle fit écrire des gribouillis au tableau de Soeur Camille, la professeur de Français.

  Dans sa journée, elle allait inévitablement se présenter devant Soeur Marielle et son cours maudit de Mathématiques. Mais contre toute attente, quelque chose d’autre se produisit. Quelque chose que Rachel n’avait pas envisagé. Quelque chose qui allait changer la donne dans les prochains jours. Deux petites conséquences… Sans importance.

  Elle avait prévu de se venger de tout ce que Soeur Marielle lui avait fait subir jusqu’à présent, dut-elle en assumer les conséquences jusques dans l’au-delà. Elle savait que ce jour-là était le jour des compas. Soeur Marielle leur avait expliqué qu’ils allaient démarrer la partie du programme sur les cercles et qu’ils auraient donc chacun besoin d’un compas. Rachel ne lui voulait pas de mal à proprement parler, juste assouvir une petite vengeance. Lorsque Soeur Marielle sortit son compas, Rachel se concentra sur elle et lui intima l’ordre de se piquer le pouce. Pique ton pouce. Pique ton pouce.

  - Vous tenez donc le pique ton pouce comme ceci. Et ensuite, vous écartez les deux bras du pique ton pouce comme ça et vous plantez votre pique ton pouce bien profondément dedans comme ça… Ah !

  Le hurlement de Soeur Marielle déchira le silence de la salle et couvrit le hurlement que Rachel proféra au même moment lorsqu’elle sentit une pointe invisible s’enfoncer dans son pouce à elle. Elle regarda son pouce, encore sous l’effet de la douleur qu’elle venait de ressentir, une tache bleuâtre commençait à se répandre sous la peau. Elle saignait.

  Face à l’urgence de la situation, une élève avait quitté la classe rapidement et était partie chercher l’infirmière. Tous avaient les yeux fixés sur Soeur Marielle qui ne cessait de hurler. L’infirmière arriva et tenta d’arrêter le sang qui ne cessait de s’écouler du doigt de Soeur Marielle. Qu’il s’agisse de Tina, Lucas ou des autres, aucune personne de la salle ne remarqua Rachel qui s’enfuyait.


  Sarah était effondrée. Elle tenait encore en main un verre de whisky pur malt. Un sec, on the rocks, mais avec très peu de rocks et beaucoup de sec. Pas plus haut que le bord.

  Alors tout était vrai. Elle n’en revenait pas. Ces doutes, tous ces doutes qu’elle avait eus au cours de ces dernières années s’avéraient exacts. Cette… Bonne femme avait dit vrai. Le coup de fil de l’autre jour n’était pas une erreur. Comment allait-elle cacher ça à Rachel ? Une souris verte n’y suffirait pas, s’en fut-il de tout un escadron de souris. Un whisky dry on the rocks n’y suffirait pas plus. Ni deux. Ni… C’était le combien déjà ? Un coup d’oeil sur la bouteille lui fit rapidement comprendre qu’un nombre à deux chiffres était plus probable.

  Sur la table quelques papiers épars lui rappelaient, sans aucun doute possible, que la visite avait été bien réelle, que la femme avait été bien réelle, que le coup de fil avait été bien réel, que la nouvelle avait été bien réelle et que, toute sa vie, n’avait été qu’un mensonge. Elle tendit une main vers eux et les regarda pour la quarantième fois. Toutes ces valeurs, tous ces noms scientifiques lui donnaient le tournis. Trop de chiffres, trop de mots, trop de statistiques, trop de… Et pas assez d’humain. Ou peut-être justement, trop d’humain et pas assez de vie quotidienne, d’amour, de nuits sans dormir, de soins prodigués sur des blessures, de rires, de Noëls… Tout ceci n’aurait pas existé ? N’aurait été qu’un mensonge ? Qu’allait donc être sa vie, leur vie, maintenant ?

  Quand Rachel entra en trombe dans la maison, Sarah eut juste le temps de sécher ses larmes. Elle vit le visage affolée de sa fille et oublia dans la seconde même tout ce qui s’était passé dans l’après-midi. La blondasse, ses papiers, ses explications sulfureuses, les mots compliqués, les chiffres compliqués… Tout était balayé dans la seconde. Une seule chose comptait : sa fille avait besoin d’elle, et elle serait là ! Comme elle l’avait toujours été.

  - Maman ! Dit Rachel avec une voix qui ne laissait aucun doute sur ce qui allait couler de ses yeux dans la minute qui suivrait. Il faut qu’on parle...

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