Soleil Lunaire
Réponse à : Un portrait de soi ? de Léopold Ine
Pour me décrire, je commencerai par dire que je suis peut-être encore en chrysalide. Je sens que j’en sortirai bientôt. Il y a des choses qui sont, qui ont été, et qui seront pourtant constantes.
Pour le reste, j’essaierai de me concentrer sur le papillon en devenir plutôt que sur la chenille qui fut, même si je crois que cela n’empêchera pas d’autres évolutions futures.
Commençons par la constance, alors.
Je suis née aussi blanche que l’aube d’un matin d’hiver. Allergique au soleil, peu importe la saison, un bob et des lunettes de soleil me protégeront.
J’ai trouvé un jour par hasard, dans un nuancier de couleurs, celle de mes yeux. Une fois, on m’avait dit « automne », j’ai trouvé ça joli. Mais en réalité, ils sont gris de maure, un mélange de gris, de marron et de vert, les miens étant tirés vers l’olivâtre, ce qui est assez ironique considérant ma peau et l’origine du mot.
Tiens, un paradoxe. J’en suis remplie.
Mes cheveux sont châtains, tendance cuivrée. Je les porte courts, sous le menton, puis, arrivant au clavicule, il est temps de recouper.
Une fois au printemps, une fois en automne. Pourquoi ? Parce qu’ils sont complètement libres et font absolument ce qu’ils veulent.
Alors, ainsi, pas besoin de trop s’en soucier, et aussi parce que je trouve que j’ai un très beau port de tête. J’aime mes épaules et mes clavicules, et les porter ainsi, c’est leur rendre honneur.
Je me tiens droite, je marche la tête haute, un pied devant l’autre, fluide, souvent rapidement car je déteste les gens, et parfois très lentement, car trop prise par mes pensées, le monde en devient transparent.
Je suis cependant très observatrice.
J’ai les sens assez exigeants — je ne sais pas — mais j’y accorde beaucoup d’importance : les odeurs, les goûts, les sons, les textures, la lumière… Tout cela me touche énormément, dans le sens positif ou négatif.
Ce qui peut me causer un stress intense, des déceptions, ou de sublimes délices.
Et le sixième, n’en parlons pas. Celui-là voit beaucoup, comprend beaucoup, ressent beaucoup. Je ne suis pas hypersensible, je suis hypersensorielle.
Je suis très, très disciplinée, sur le plan nutritionnel, corporel, hygiénique — du corps ou de la maison. J’ai un tas de règles, ou disons de rituels, de routines, qui rythment ma vie. Elles ne sont pas strictes, mais presque existentielles.
Grâce à elles, j’ai un corps que je trouve très satisfaisant. Je suis petite, et tout est harmonisé à cette taille : petites mains, petits pieds, petites oreilles… Enfin, je dis « petite », mais un mètre soixante, c’est la moyenne, je crois. En tout cas, je n’ai jamais trouvé personne qui ait des mains plus petites que moi.
Certains me disent maigre, moi, je dis que je m’aime comme ça. Sans avoir forcé, le quotidien m’a sculptée. J’ai des bras légèrement musclés, les jambes aussi sont un peu galbées, et j’ai des abdos légers. Yoga, danse, marche, et voilà. Pas besoin de suer dans une salle de sport : le tout maison et gratuit.
Je suis disciplinée aussi dans ma morale. Il y a des choses que je ne tolère pas, à moi-même comme aux autres, particulièrement mentir. Je ne sais pas faire, et je sais quand on me ment. Je n’aime pas les rumeurs, je n’aime pas les banalités, je n’aime pas faire semblant. Je ne supporte pas l’injustice.
Bref, pour faire simple, pour vivre en paix, je vis pas mal en ermite. Sans réseau, sans infos, juste moi et moi. Et on s’entend très bien.
En conséquence, je n’ai que deux amis et mon cousin.
Je ne peux pas aimer à moitié, j’aime fort, vrai et pur. Comme un soleil, celui qui vous réchauffe la peau simplement, avec douceur. Le tout dans un corps constamment froid.
Sinon, je ne peux pas. J’ai l’impression de les trahir et de me trahir, car si je ne peux pas être libre de l’exprimer, ou que je ne le ressens pas, c’est juste une perte d’énergie.
Je parle énormément lorsque j’aime les gens. Je suis muette quand ils ne m’intéressent pas.
Mais cela ne m’empêche pas parfois d’aimer en silence, après avoir osé. Je ne veux pas vivre de regrets, alors, si je ressens, je dis. Cela me cause souvent des pleurs, mais la vie, c’est la vie, comme m’a dit mon psy.
Oui, je vois un psy, car j’ai du mal à supporter la vie. Et tous ces rituels, ces soins, ils me tiennent debout. J’essaie de tout transformer en lumière, car si je m’arrête à : « la vie, c’est la vie », eh bien, je ne l’ai pas demandée, cette vie.
Alors j’accepte, et je fais en sorte qu’elle soit plaisante. Trop, il fut un temps.
Mon visage en est quelque peu marqué. Oui, j’ai les joues légèrement creusées, une mâchoire finement marquée par les crispations de la drogue ou du stress, des cernes qui dureront une éternité, tout comme le manque d’éclat de mon teint. Le temps de détoxifier tout ça.
Cependant, je me trouve charmante, et malgré mon âge, je n’ai aucune ride, sauf celle du lion, qui veut s’installer. Mais j’ai une bonne routine, encore. Elle ne fera pas long feu.
J’adore porter du noir, mais grâce à la colorimétrie — cool winter, dans mon cas — j’apprécie de plus en plus la couleur.
Et grâce à la confiance que j’ai acquise, je porte vraiment ce que je veux, ce qui me plaît. Je m’habille pour moi. J’affectionne particulièrement les crop tops et les bas taille haute, car cela me sied à merveille. Mais aux pieds, baskets ou claquettes, même avec chaussettes.
J’ai le sens du détail, ce qui peut donc être un enfer pour moi de m’habiller. Cela devient plus facile maintenant que je le fais comme je le souhaite, et pas simplement en me couvrant.
Voilà, le moulin à paroles de mon cerveau qui ne s’arrête jamais.
Je crois qu’il est temps de lui dire merci.
Tu m’as décrite, je crois.
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