Je ne sais plus quand ça a commencé exactement, mais je sais que ça a toujours été là, tapi dans un coin de ma tête, prêt à surgir à la moindre occasion. Ce matin encore, j’ai senti cette brûlure familière quand j’ai vu Clara rire avec lui, le nouvel assistant arrivé au bureau il y a quelques semaines. Rien d’important en apparence : un mot échangé, un café pris ensemble. Et pourtant, mon cœur s’est serré, ma gorge s’est nouée, et j’ai compris, avec une lucidité presque effrayante, que ma jalousie n’était pas une réaction passagère, mais un poison silencieux que je laissais couler dans mes veines.

Je me suis surpris à imaginer toutes les conversations qu’ils avaient, les gestes anodins que je n’avais pas vus, les regards que je n’avais pas captés. Je me suis mis à fouiller leur passé sur les réseaux sociaux, à scruter les moindres détails, à inventer des scénarios catastrophiques dans lesquels elle finirait par préférer sa compagnie à la mienne. Et plus je cherchais, plus je me sentais justifié, plus mon esprit se nourrissait de cette paranoïa douce-amère.

Je me suis arrêté devant la fenêtre de mon appartement ce soir, et je me suis regardé dans le reflet. Je ne voyais pas la personne que j’avais l’habitude de voir. Je voyais un être minuscule, obsédé, consumé par sa propre peur de perdre ce qu’il croit posséder. Et soudain, j’ai ri. Pas d’un rire léger, mais d’un rire sec, presque hystérique. Comment avais-je pu me laisser envahir à ce point ? Comment avais-je pu transformer l’affection, la complicité naturelle de deux collègues, en une menace pour mon cœur ?