Chapitre 5 - Week-end de la Fête nationale suisse (3)

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Samedi 1er août 1964, maison de Frédéric, Lausanne

Le père de Frédéric était hilare lorsque son fils s’approcha de lui.

— Bonjour tout le monde, dit Frédéric, j’espère que vous avez fait un bon vol.

— Bonjour, oui, excellent, répondit le père, nous avions une heure d’avance à cause des vents favorables.

— Nous avons été surpris, sinon nous nous serions rhabillés pour vous accueillir.

— Je ne me souvenais plus avoir autant d’enfants, ce doit être le jet lag qui me trouble l’esprit, tu pourrais d’abord nous embrasser avant de nous expliquer qui sont tous ces gens.

Frédéric fit la bise à sa mère Anne, à son père Charles, puis à sa tante Denise, la sœur de sa mère, et à son oncle Bernard, les parents de Daniel.

— Tu as ouvert un camp naturiste dans notre propriété ? continua Charles en riant, j’aime bien l’esprit entrepreneurial, mais je ne sais pas si c’est l’endroit idéal.

— C’est plutôt un camp de hippies, dit Frédéric, nous en discutions tout à l’heure.

— Tout aussi étonnant chez des capitalistes comme nous, mais c’est à la mode, nous en avons entendu parler en Amérique.

— Un peu la même chose que chez Graf & de Bruson, si tu vois ce que je veux dire. À propos, merci pour les nouveaux meubles de ma chambre.

— De rien. Tu les connais ? Ils t’ont invité à Kesswil ? Je comprends mieux, tu me raconteras une autre fois.

— Je vais vous présenter tout le monde, d’abord mes sœurs, Marie avec Guy et Michèle avec Jacques.

— Ce n’est pas vraiment une surprise, dit Anne, je les ai déjà rencontrés au temple et ils semblaient plus s’intéresser à mes filles qu’au sermon du pasteur. C’est officiel cette fois ?

— Oui, maman, dit Marie, nous sommes, comment dire, en couples.

Les filles embrassèrent leurs parents, les deux garçons les saluèrent poliment, ils paraissaient très intimidés. Anne les mit à l’aise :

— C’est la première fois que mes filles me présentent des petits amis, j’ai décidé de ne pas faire de chichis, on va se tutoyer d’emblée, c’est contraire aux usages dans le grand monde, tant pis.

— D’être à poil lors de la première rencontre aussi, dit Charles, mais cela ne me dérange pas.

Au contraire, tu aimes bien voir des jeunes hommes nus, pensa Frédéric qui poursuivit les présentations :

— J’ai invité deux amis qui désirent visiter l’Expo demain, ils dormiront dans la cabane pour éviter de payer une chambre d’hôtel, ce sont deux apprentis qui n’ont pas beaucoup d’argent.

— Tu as bien fait.

— Stefan est cuisinier à l’école et Peter veut devenir fromager, ou peut-être chanteur. Vous pourrez apprécier leurs talents ce soir.

Les deux apprentis saluèrent. Charles leur parla en dialecte suisse alémanique, Frédéric fut étonné, il ne savait pas que son père le connaissait. Il devrait aussi l’apprendre en plus de l’allemand standard.

— Voici mon compagnon de chambre, Koen, fils de…

Frédéric demanda à son ami s’il pouvait le dire, Koen acquiesça.

— Le fils du premier ministre néerlandais.

— Ça alors, quelle coïncidence, dit Bernard en allemand, je suis diplomate et je vais être nommé secrétaire d’État chargé des relations de la Suisse avec la CEE. Je vais rencontrer prochainement votre père lors d’un voyage officiel.

Bernard serra la main à Koen.

— Je ne connais rien aux affaires de mon père et je ne l’ai pas vu ces deniers temps, dit celui-ci.

— Voulez-vous suivre sa voie et faire aussi de la politique ?

— Non, je désire devenir médecin.

— Bonne idée, dit Denise, quelle spécialité ?

— L’urologie.

— Tiens, si vous aviez terminé vos études vous pourriez examiner mon fils, il a des soucis avec son… zizi.

— Je l’ai déjà examiné, Madame, ses problèmes sont résolus grâce aux soins d’une infirmière.

— Vous avez… examiné mon fils ?

— Je dois me préparer à ma profession. Ce n’est pas le seul, j’ai aussi examiné…

Frédéric l’interrompit :

— Tu donneras la liste une autre fois, sinon nous allons y passer la soirée.

— Et quelles sont vos relations entre Koen et toi ? demanda Anne.

— C’est… compliqué, disons que nous sommes aussi en couple, très libres.

— Vous êtes… homosexuels ? s’étonna Denise.

— Ça arrive dans les meilleures familles, fit Charles en dirigeant son regard vers Daniel et Dominique restés en retrait.

— Tu le savais ? demanda Anne.

— Depuis très peu de temps, Frédéric me l’a dit juste avant notre départ. Je n’ai pas pensé à t’en parler pendant le voyage.

Frédéric appela son cousin.

— Viens saluer tes parents, je pense qu’ils te reconnaissent.

Sa mère serra Daniel dans ses bras. Il n’aimait pas trop ces familiarités, il n’était plus un enfant. Elle lui dit :

— Tu as oublié d’aller chez le coiffeur.

— C’est la mode à présent, regarde mon cousin et son ami.

— Le mouvement hippie, dit Anne.

— Et tu as grossi, continua Denise, c’est bien, tu étais trop maigre, mais il faut faire attention à ne pas reprendre trop de kilos. La cuisine de la clinique doit être bonne.

— Je n’y suis plus depuis deux semaines.

— Tu n’y es plus ? Tu es guéri ?

— Koen te l’a dit, fit Daniel en riant.

— Je ne parlais pas de ça, dit Denise en baissant les yeux sur l’entrejambe de son fils, je pensais à tes autres problèmes.

— Je n’en ai plus, c’est aussi grâce mon infirmière.

— Tu n’as pas vu de psychiatre ?

— Si, j’en aussi vu un, rassure-toi.

— Mais où loges-tu ? Ici, chez ma sœur ? Ou chez tes grands-parents ?

— Non, chez mon infirmière.

— Je comprends, dit Denise, tu es tombé amoureux de ton infirmière, c’est cela qui te manquait, une fiancée.

— Oui, c’est ça. Découvrir l’amour m’a plus apporté que les séances avec le psy.

— Et pourquoi ne l’as-tu pas invitée comme mes nièces l’ont fait avec leurs petits amis ? Tu avais peur de notre réaction ? Ou alors elle travaille ?

— Non, elle a congé et je l’ai invitée. Je vous présente mon infirmière, Dominique.

NDA Je rappelle que Dominique est une femme trans qui a un corps d’homme, pour que vous puissiez mieux apprécier la situation.

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