Chapitre 8 - Hippies au Monte Verità (3) 

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Dimanche 9 août 1964, Monte Verità, Ascona

Les caresses sensuelles de Flavio avaient détendu les nouveaux arrivants. Ils se couchèrent sur leurs lits et firent la sieste jusqu’à 18 heures, ils seraient restés endormis si Dom n’avait pas mis son réveil.

— On s’habille pour le souper ou on y va à poil ? demanda Daniel.

— Je préfère m’habiller, si nous sommes les seuls ce sera vite fait d’ôter nos habits. Le contraire serait plus ennuyeux. Et il y a encore une autre raison.

— Laquelle ?

— Si je suis à poil on me prendra tout de suite pour un homme, alors que si j’ai des habits féminins les autres me classeront comme étant une femme. Ils se rappelleront de leur première impression, même s’ils voient ma bite plus tard.

Ils avaient acheté des habits assortis : Dom une longue jupe avec des motifs floraux ; Daniel des pantalons avec de larges pattes d’eph. Ils passèrent des tee-shirts blancs et des pendentifs en métal représentant le sigle « Peace and Love » autour du cou. Ils descendirent avec un peu d’appréhension et se rendirent directement sur la terrasse de l’hôtel. Des guirlandes de lampes multicolores encore éteintes étaient suspendues entre des poteaux sur lesquels étaient fixés des haut-parleurs. Les repas se prenaient sur de longues tables recouvertes de nappes en toile cirée.

Giorgio, qui s’était aussi rhabillé avec des shorts et une chemise rouge, leur demanda si tout allait bien. Il y avait encore peu de monde et personne n’était nu, à part Flavio au bar. Il leur apporta deux verres de vin blanc sur un plateau.

— C’est du Merlot, dit-il, produit par un vigneron que nous connaissons bien et qui participe parfois à nos réunions, comme ce soir où il n’y aura pas que les résidents de l’hôtel pour écouter Allen.

Daniel aurait voulu demander à Flavio s’il avait vraiment baisé l’Américain mais il n’osa pas le faire devant le père, qui ne devait pourtant rien ignorer des frasques de son fils.

— Le premier verre est gratuit, expliqua encore Flavio, les suivants seront mis sur votre compte.

— Nous sommes obligés, dit Giorgio, sinon il y aurait des abus.

— Je pensais qu’il y avait plutôt d’autres drogues qui circulaient à part l’alcool, fit Dom.

— Je ne veux rien savoir, je ne désire pas d’ennuis avec la police.

Dom et Daniel trinquèrent avec les personnes déjà présentes, c’étaient surtout des Suisses alémaniques et des Tessinois. Ils retournèrent vers Flavio puisque c’était le seul qu’ils connaissaient déjà.

— Je peux te demander quelque chose ? fit Daniel.

— Tu veux savoir si j’ai pris mon pied avec l’Américain ?

— Je n’aurais pas osé te le demander, je pensais à autre chose.

— En fait, c’est lui qui a voulu m’enculer. Je suis frustré, je n’ai pas pu me vider les couilles. Il faudra que je me rattrape plus tard. Je peux compter sur vous ?

— Certainement, fit Daniel en riant. Je voulais te demander si nous étions les seuls Romands.

— Il y a Yvette et Chloé qui sont là depuis deux jours.

— Tu a aussi eu des relations sexuelles avec elles ? demanda Dom.

— Non, elles n’ont pas voulu, pourtant je prends mes précautions avec les filles, je mets toujours une capote. Je ne veux pas devenir père d’un bâtard dégénéré.

— Tu n’as pas confiance en tes gènes ?

— Je ne fais pas trop d’illusions sur leur qualité.

— Tu ne mets pas de capote avec les hommes ? demanda Daniel.

— Aussi, oui, c’est plus hygiénique. Yvette et Chloé sont à la cuisine pour préparer le repas de ce soir. Vous deux, vous aiderez pour la plonge.

Daniel et Dom burent leur verre de vin puis firent le tour de la propriété en attendant l’heure du repas, un grand parc avec d’autres bâtiments plus anciens que l’hôtel moderne où ils logeaient.

Après avoir mis en place le buffet de mets froids et chauds, Yvette et Chloé s’étaient assises au bout d’une table et buvaient l’apéro, elles avaient une vingtaine d’années. Daniel et Dom s’approchèrent, leur demandèrent si elles parlaient français et s’ils pouvaient s’asseoir avec elles. Elles acquiescèrent, Daniel retourna chercher des verres de vin blanc. Ils trinquèrent en se présentant. Elles habitaient Genève, Yvette était secrétaire au CICR, Chloé faisait des études de lettres.

— Je suis étonnée, dit Dom, il n’y a pas beaucoup de Romands.

— Oui, vous êtes les premiers à nous parler, dit Yvette, nous ne sommes là que depuis deux jours.

— Les Suisses alémaniques sont sympathiques, fit Chloé, mais ils parlent leurs dialectes et on le les comprend pas. Même chose avec les Tessinois.

— Flavio parle pourtant bien le français, dit Daniel, mieux que moi qui ne sais que quelques mots d’italien.

— Vous avez déjà fait connaissance, je suppose. Ils vous a dragués ?

— Oui, et même plus… Il est tout le temps nu ?

— Je ne l’ai jamais vu habillé, dit Chloé.

— Il est fier de son corps, il est beau gosse, fit Dom.

— Puisque tu le dis, nous on ne connaît rien aux canons de la beauté masculine. Je peux juste constater qu’il a une plus grosse bite que le David de Michel-Ange à Florence.

— Pas sensibles à la beauté masculine… Pourrais-je vous demander quelque chose de privé ?

— Si nous sommes lesbiennes ? Bien sûr, nous le sommes, deux femmes ensemble ce n’est pas étonnant. Cela ne pose aucun problème ici, du moins en public. On ne sait pas ce que les autres racontent derrière notre dos.

Ils se levèrent pour aller chercher une entrée au buffet, de la viande froide de la région et des salades.

— J’aurais encore une question, fit Dom. En ce moment tout le monde est habillé à part notre barman. Je pensais qu’il y aurait plus de naturisme.

— Nous ne savons pas, on verra, dit Yvette, il y avait de l’orage ces jours passés et le temps était frais. Nous aimons bien le naturisme et aussi des échanges avec d’autres femmes, mais pas spécialement avec les hommes, comme tu le devines. Il faudra que ton ami se contente d’être spectateur. Il paraît d’ailleurs que les hommes aiment bien voir des femmes faire l’amour ensemble.

Daniel et Dominique se regardèrent en riant.

— Je crains que ce ne soit pas le spectacle préféré de mon ami, dit-elle.

— Ah bon, fit Chloé, il est homosexuel ? Vous n’êtes pas ensemble ?

— Il est bien homosexuel et nous sommes en couple. Comprenne qui pourra.

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