Chapitre 14 - Voyage en Allemagne (2)

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Dimanche 4 octobre 1964, Baden-Baden

La remarque de Koen fit sourire les jeunes Belges.

— Monsieur est connaisseur ! fit l’un d’entre eux.

Frédéric demanda à Koen ce qu’il avait dit, puis crut bon d’expliquer, ne sachant pas quelle pouvait être leur attitude envers les homosexuels :

— Il veut devenir médecin, docteur es pénis, c’est pour cela qu’il s’y intéresse.

Tous avaient rangé leurs habits dans les armoires et passé les bracelets avec les clefs, ils se dirigèrent vers l’entrée, le linge autour de la taille. Un employé vêtu d’une chemise et d’un pantalon blancs les reçut et leur expliqua en allemand le déroulement de la visite, Frédéric traduisit en français. La première station était la douche. Comme il n’y avait pas assez de pommeaux pour tout le monde, Frédéric resta en retrait. Denis s’approcha de lui :

— Je peux te demander quelque chose ?

— Bien sûr.

— Est-ce seulement par intérêt pour sa future profession que ton ami regarde les bites ?

— Euh… oui.

— Tu peux me dire la vérité, je suis moi-même homosexuel.

— Nous le sommes aussi.

— J’avais pensé.

— Tu as dit aux autres que tu es gay ? demanda Frédéric.

— Non, je préfère ne pas le dire. Nous sommes en formation à la SNCB, les chemins de fer belges et c’est un milieu plutôt masculin. Nous faisons ce voyage avec nos billets gratuits.

Koen se rapprocha et demanda :

— Que racontez-vous à mon sujet ?

— Que tu es gay, dit Frédéric, mais Denis l’est aussi. Reste plutôt discret avec les autres.

— Même s’ils ne sont pas homosexuels, ils peuvent avoir envie de bander et de se branler. C’est normal à leur âge.

— Je te rappelle que nous sommes dans des bains publics et pas au château de Vincelard.

Ils passèrent dans la deuxième salle où il faisait très chaud. Il fallait se coucher sur des chaises longues en bois, après les avoirs protégées avec le linge, comme dans un sauna. Comme il n’y en avait pas assez pour tout le monde, Koen resta debout. Il put ainsi observer les queues des Belges, se disant une fois de plus que la nature avait bien fait les choses avec la diversité de ces organes. Il vit que Richard s’était rasé le pubis, ce qui était rare à cette époque. Denis était circoncis. Il imagina quelle pouvait être leur longueur en érection. La troisième salle était identique, avec de l’air encore plus chaud, on y restait moins longtemps.

Ils revinrent dans la salle des douches pour entendre des explications au sujet des massages, Frédéric traduisit à nouveau les propos du masseur :

— D’habitude, la personne qui masse est du même sexe que la personne qui est massée. Comme vous êtes nombreux, ce ne sera pas possible aujourd’hui. Nous sommes deux femmes et un homme, certains devront accepter d’être massés par une femme.

— En quoi cela est-il gênant ? demanda Patrice.

— Nous ne cachons pas les parties génitales, cela peut provoquer parfois des réactions involontaires. Surtout avec des jeunes comme vous.

— Une réaction tout à fait normale, dit Koen, cela ne me choque pas du tout.

— Nous non plus, dit le masseur. Je voulais cependant vous avertir. Qui commence ?

Ils hésitèrent, puis finalement Joël, Denis et Serge se décidèrent. Joël choisit l’homme, en espérant qu’il n’aurait pas une nouvelle érection. Les autres restèrent dans le couloir, séparé de la salle de massage par une vitre qui permettait cependant d’observer.

— Je parie qu’ils vont tous bander, dit André.

— Ça m’étonnerait, dit Richard, tu vas perdre ton pari. Ce n’est pas un massage érotique où la fille te masse la queue.

— Tu en as déjà eu un ?

— Possible. Mais ici, avec ces brosses et ce savon, ce n’est pas très sensuel.

Seul Serge eut une légère érection, mais on lui demanda ensuite de se coucher sur le ventre.

— Tu aurais déjà perdu ton pari, dit Richard à André. Trouve autre chose.

— Je parie qu’aucun d’entre nous ne pourra tenir une semaine sans se branler.

— C’est évident, trop facile, tu vas gagner à coup sûr.

— Je parie que tout le monde n’osera pas le faire devant les autres.

— Et moi, je parie que tout le monde osera le faire devant les autres, fit Richard. Je suis allé dans plusieurs camps de vacances et cela finissait toujours par une branlette collective.

— D’accord, pari tenu. On parie combien ?

— Une tournée de boissons le dernier soir.

Patrice, Richard et André échangèrent leurs places avec Serge, Denis et Joël. Koen était déçu, il se serait attendu à plus de réactions. Frédéric lui traduisit en allemand la conversation qu’il avait entendue.

— Tu penses qu’ils essaieront de se branler ce soir ? demanda Koen. Nous ne sommes qu’un jour avec eux.

— Si tu leur demandes poliment, mais discrètement, ne mets pas les pieds dans le plat.

Koen eut plus de chance avec les suivants, pas avec Patrice qui avait fait exprès de choisir le masseur, plutôt avec les deux parieurs qui étaient un peu excités par leur conversation. Les masseuses devaient aussi avoir parié de les faire bander car elles effleuraient discrètement leurs couilles sans en avoir l’air.

Koen et Frédéric eurent droit à la même attention, sans grand succès. Denis était resté devant la vitre pour les mater, alors que les autres avaient déjà passé dans la salle suivante.

— Ça vous a plu ? demanda-t-il.

— Nous avons déjà eu des massages plus longs et plus érotiques, dit Frédéric.

— Et par des hommes, dit Koen.

— Aussi devant d’autres personnes ? Ici, c’est particulier car on est exposé à la vue de tous.

— Nous avons déjà participé à des réunions de groupe entre hommes, dit Frédéric.

— Vous semblez très à l’aise avec votre homosexualité. Vous l’avez déjà dit à votre famille ?

— Oui, dit Koen, le monde entier doit maintenant le savoir.

— Moi, je n’ose pas. Je crains d’avoir des problèmes.

— Ne précipite pas les choses, dit Frédéric. Mon père connaît beaucoup de gens qui œuvrent dans l’ombre en faveur des homosexuels, il pourra certainement te donner des contacts en Belgique pour avoir des conseils. Tu me laisseras ton adresse.

— Ton père est gay ?

— Il paraît. Disons bisexuel, puisqu’il a aussi fait l’amour avec ma mère.

Une masseuse leur donna des alèses pour la salle suivante en leur demandant de s’asseoir dessus.

— Pourquoi ? fit Koen. Moi, j’ai toujours le cul propre, toujours prêt à recevoir langues, bites et autres objets.

— Toujours prêt, comme les scouts, dit Denis en riant.

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