Chapitre 7 - Week-end japonais (3)

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Samedi 8 août 1964, Ambassade du Japon, Berne

Après le repas, le chauffeur les attendait pour les conduire à Berne. Il n’y avait pas encore d’autoroute à cette époque, le trajet leur prit environ deux heures. L’ambassade du Japon était un bâtiment moderne en béton situé près de l’Aar. Le portail était fermé, un garde de de sécurité prit leurs passeports et cartes d’identité avant de l’ouvrir. La voiture se gara devant la porte d’entrée, le concierge sortit leurs bagages du coffre et les déposa sur un chariot.

L’ambassadeur et sa femme sortirent au même moment du bâtiment. Hiroshi leur présenta ses amis qui étaient assez intimidés. L’ambassadeur les mit à l’aise en leur souhaitant la bienvenue, avant de monter dans la voiture qui les emmènerait à Zurich pour le spectacle.

— Voilà, dit ensuite Hiroshi, nous serons seuls ce soir, personne pour nous déranger.

— Ce sera à la bonne franquette, dit Frédéric.

— Quand même pas tout à fait seuls, il y aura une geisha pour nous servir le thé.

— On doit coucher avec ? demanda Koen, tu sais que je ne suis pas trop porté sur les femmes.

— Toujours aussi insortable, dit Frédéric, si tu continues je te donnerai le Guide du Savoir-Vivre pour les demeurés à Noël au lieu de l’Encyclopédie du Pénis en vingt volumes.

— Il y aura aussi le cuisinier, ajouta Hiroshi, la gouvernante et encore Atsushi, le responsable du sentō où nous allons nous rendre dès maintenant.

À la suite du concierge qui s’occupait de leurs bagages, les quatre amis entrèrent dans la partie de l’ambassade réservée aux invités officiels, un couloir ressemblant à celui d’un hôtel. Hirsohi ouvrit une porte en expliquant que c’était la chambre de l’empereur Hirohito.

— Il y a une chambre pour lui dans toutes les ambassades du monde.

— Il est déjà venu en Suisse ?

— Non, mais on change les draps tous les jours au cas où il arriverait inopinément.

La chambre était aménagée simplement, deux lits surmontés d’un dessin de fleurs de cerisier.

— Chic, dit Koen, on dort ici ?

— Ce serait un crime de lèse-majesté. Vous devriez être déjà satisfaits d’être reçus dans cette aile.

— Comment as-tu fait pour convaincre ton père ? demanda Frédéric.

— Relations publiques : un fils de premier ministre, un d’un industriel et un d’un commerçant, on peut toujours espérer des retombées une fois ou l’autre. Mon père vous recevra en audience demain après-midi, je mettrai une muselière à Koen.

— Je sais tenir ma langue dans les moments importants, fit celui-ci, vexé.

— Continuons, je vais vous montrer vos chambres. La première est justement la tienne, Koen-kun.

Il y avait deux caractères calligraphiés sur un papier à côté de la porte : 大 陰茎. Koen demanda ce qu’ils signifiaient.

— Gros pénis, fit Hiroshi, la traduction de ton nom.

— Ça me convient bien. Devrais-je dormir seul cette nuit ?

— Il y a des parois mobiles entre les chambres, je les ferai ouvrir, comme cela tu ne risqueras pas de t’ennuyer, j’espère que tu ne ronfles pas. La chambre suivante est celle de Frédéric, 平和の力, pouvoir de la paix, signification de ton prénom. La dernière est celle de Laertes, ユリシーズの父, père d’Ulysse.

— Pourquoi n’as-tu pas choisi « petit pénis » ? demanda Koen.

— 失礼な少年, je ne traduirai pas. Allons au sentō.

— Qu’est-ce que cela signifie ? demanda Frédéric.

— Ce sont les bains.

— J’aurais dû m’en douter, je suis plus souvent à poil qu’habillé depuis le début des vacances.

— Déshabillez-vous tout de suite et laissez vos habits dans vos chambres, ce sera plus simple. Mettez les zōri, ce sont les sandales.

— On doit laisser un slip ? demanda Koen.

— Non, on se baigne nu pour qu’on voie ton 大 陰茎.

— Faut-il prendre un slip de rechange ? demanda Frédéric.

— Ce serait mieux, fit Koen, il doit être plein de taches suspectes depuis que tu as mouillé en regardant les danseurs.

— Non, dit le Japonais, on vous prêtera des habits.

Koen, Frédéric et Laertes firent ce qu’on leur avait demandé. Au bout du couloir, le responsable du sentō les attendait. Il était vêtu d’un kimono blanc avec une ceinture noire. Il fit quelques courbettes à Hiroshi en disant :

— あなたはあなたのゲストをうまく選んだ.

— はい、彼らは私たちの同胞よりも大きなペニスを持っています.

— あなたの友達はよくセックスしますか?

— 彼らはすぐに貞操ケージでデトックスが必要になります。.

— Pourrais-tu nous traduire ? demanda Laertes à Hiroshi.

— Ce ne sont que des politesses sans intérêt.

Ils entrèrent dans le sentō, celui-ci était plus petit que les bains publics, mais l’architecture était plus soignée, la pierre et le bois dominaient, avec des plantes vertes.

— Je peux pisser avant ? demanda le Néerlandais.

— Oui, fit Hiroshi, ici on ne pisse pas dans le bassin, c’est impoli. Les toilettes sont là.

Koen s’étonna, c’étaient des toilettes traditionnelles japonaises comme celles à la turque.

— Euh… vous n’en avez pas d’autres ?

— Pour pisser ça doit aller, essaie de bien viser. On sait bien que les Européens n’aiment pas trop s’accroupir pour… Tu en trouveras d’autres avec un siège près de ta chambre.

Les jeunes hommes se succédèrent pour pisser, Koen resta afin d’observer s’ils visaient bien, c’était la première fois qu’il voyait Hiroshi et Laertes le faire.

— Tu aimes bien voir les hommes pisser ? demanda Laertes à Koen.

— C’est une simple curiosité scientifique.

— Menteur ! dit Frédéric. Arrête de prendre des vessies pour des lanternes.

— Je commence à le connaître, dit Laertes, je ne m’étonne plus.

Il n’y avait pas de douche, ils se lavèrent assis sur un siège très bas, avec un savon noir au cyprès, à la tourbe et au charbon. Ils se plongèrent ensuite dans le bassin les quatre ensemble, l’eau était très chaude et ils ne restèrent pas longtemps. Ils se séchèrent, Atsushi leur donna de la crème hydratante au Sakura.

— Vous n’oublierez pas d’en mettre partout, fit Hiroshi en riant.

— Je peux t’aider ? demanda Koen à Laertes, cela ne t’étonnera pas de ma part.

— Hiroshi pourrait être jaloux, objecta Frédéric.

— Vous êtes amoureux ? questionna le Néerlandais.

To be or not to be in love, that is the question, fit Laertes en regardant son compagnon de chambre.

— À vrai dire nous n’en avons pas encore parlé sérieusement, fit celui-ci. Je laisse Koen t’hydrater la bite pour faire plaisir à Atsushi qui n’attend que ça, mais nous n’aurons pas le temps de nous branler, on nous attend pour le thé.

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